Читать книгу Le Barreau de Paris - Maurice Joly - Страница 7

II

Оглавление

Table des matières

Le barreau n’est pas seulement une profession, c’est une institution dont la profondeur atteste le génie des peuples et qui se rattache par des liens invisibles à toute leur organisation sociale et politique.

Ainsi s’expliquent l’antiquité de son origine, la grandeur de ses souvenirs et cette circonstance si frappante que cette profession se retrouve chez tous les peuples, avec les mêmes caractères, la même constitution, environnée partout de la même popularité.

Au point de vue de sa conception, n’est-ce pas en effet le chef-d’œuvre de l’esprit humain que d’avoir institué dans l’État une classe d’hommes qui, sans avoir de caractère public, sans être magistrats ni agents de l’autorité, soient intéressés de la manière la plus étroite à l’observation des lois, veillent à la sûreté des citoyens, à la conservation des libertés publiques, portent leur attention sur tous les intérêts, aient les yeux ouverts sur tous les abus et puissent les signaler, sans empiéter sur les droits de l’autorité ; car ils n’ont aucun pouvoir entre les mains, sans porter atteinte à l’ordre public, car ils se renferment dans la limite des intérêts qui leur sont confiés, sans exciter contre eux l’animosité des citoyens, puisque les libertés qu’ils prennent au nom de la défense sont puisées dans le droit commun qui donne les mêmes armes à ceux qu’ils ont pour adversaires().

Mais pour que cette profession rendit tous les services que l’on en devait attendre, il fallait qu’elle fut placée dans des conditions tout exceptionnelles d’indépendance; il ne fallait pas qu’elle fut sous la main du pouvoir, car elle disparaissait à l’instant même pour devenir un effroyable instrument de tyrannie; elle ne devait pas être un monopole, car c’eût été porter une atteinte odieuse au droit naturel de la défense; il fallait pour compléter cette institution si profonde que le ministère d’un avocat ne fût pas même obligatoire devant les tribunaux, car c’eût été encore une atteinte à la liberté, et la confiance qu’inspire l’avocat en eut été ébranlée. Chacun peut se défendre lui-même si bon lui semble, chacun peut revêtir le caractère d’avocat en remplissant les conditions de capacité que cette profession nécessite; point de charge à acheter, point d’investiture à recevoir du souverain, c’est l’affranchissement de tous ces liens qui fait sa force, c’est une vocation de droit naturel, elle tire d’elle-même toute sa puissance, l’avocat n’a qu’un serment à prêter devant la justice et il appartient à son ministère.

C’est par des raisons pareilles que l’ordre des avocats se gouverne lui-même, donnant l’image la plus fidèle, comme on l’a dit tant de fois, d’une république qui s’administre par des chefs temporaires choisis par elle-même dans son sein. Régi par des traditions qui sont le fruit d’une profonde sagesse et dont l’austérité n’accorde rien à l’affaiblissement des mœurs, le côté organique de cette profession est une des choses les plus parfaites qui soient sorties de l’épreuve du temps().

L’État possède ainsi dans son sein toute une classe d’hommes disciplinés et libres, incorruptibles par état, désintéressés par honneur, dévoués aux principes d’ordre, consommés dans la connaissance des lois, en faisant pénétrer partout les notions, appliqués. à l’étude de tous les intérêts, aptes à toutes les fonctions, fournissant des hommes à toutes les carrières, à la magistrature, à l’administration, à la politique, et constituant par là même non pas seulement une corporation, mais une institution, un ordre, ainsi que le beau nom lui en a été donné.

Dans tous les États, il faut qu’il y ait une classe de la société où puissent se former les hommes qui sont appelés au maniement des affaires publiques. Dans les pays aristocratiques, comme l’Angleterre, où la pairie héréditaire prépare au gouvernement dès le berceau, la chambre des lords est la pépinière naturelle des hommes politiques; mais dans les États démocratiquement organisés comme() la France, c’est en grande partie dans le sein du barreau que l’on est conduit à recruter les hommes politiques.

Il n’est point en effet de carrière qui semble capable de mieux préparer à la vie publique; l’application de l’esprit à toutes les affaires, l’étude de toutes les questions, de tous les intérêts, la pénétration de tous les secrets de la vie sociale, l’expérience que donne le contact des hommes aperçus dans toutes les conditions, et dans toutes les classes, étudiés dans leurs passions, montrant à nu leurs caractères, leurs faiblesses, les mobiles cachés qui les dirigent; l’habitude de les conseiller, de les convaincre, d’agir sur leurs déterminations, tout sela semble bien fait, il faut en convenir, pour façonner à la vie politique un esprit d’ailleurs bien doué.

Les Romains comme les Grecs n’avaient qu’un mot pour désigner le place publique et le barreau; il n’est pas en effet jusqu’à la vie du Palais, sorte de Forum où se débattent les affaires privées comme les affaires publiques se débattent dans les chambres, qui ne soit une initiation aux mœurs, aux convenances, aux procédés parlementaires; le barreau, école de l’éloquence, est comme le vestibule de la tribune. Le gouvernement constitutionnel qui veut à sa tête des hommes faits pour parler aussi bien que pour agir; des orateurs en même temps que des hommes d’État, devait prendre naissance dans les pays où le barreau est en honneur; aussi depuis la Restauration, et surtout depuis la monarchie de Juillet, il n’est pas un avocat dont le nom ait figuré avec éclat dans les rangs du barreau que la vie politique n’ait plus ou moins réclamé. MM. Berryer, Marie, Crémieux, Jules Favre, Sénart, Dufaure ont fait tour à tour partie de nos assemblées. Les uns sont montés jusqu’aux sommets les plus élevés du pouvoir, les autres ont été ministres, sous-secrétaires d’État, présidents des assemblées(). C’est dans cette grande armée de l’ordre et de la liberté que le gouvernement de l’Empereur a choisi plusieurs des hommes éminents qui président, à des titres divers, à l’administration de la chose publique!.....

Le Barreau de Paris

Подняться наверх