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ОглавлениеQuand on parle de l’ancienne aristocratie et de sa puissance avant la Révolution, il importe de ne pas se méprendre sur le caractère qui lui était propre et sur le rôle qui lui appartenait dans les institutions de la monarchie.
Il ne faut qu’un instant de réflexion pour reconnaître que la noblesse française ne fut jamais un corps politique et que la position prépondérante dans l’État appartenait en réalité à la bourgeoisie; quelques faveurs de cour, l’éclat des dignités et des richesses, la prééminence du rang, le prestige de la naissance et des manières, tout ce lustre extérieur qui environnait la noblesse n’était que l’illusion de la puissance. Aristocratie essentiellement militaire, récompensée par des priviléges, des services rendus par elle sur les champs de bataille, on n’avait point songé à lui faire une place au sein des institutions politiques.
Il n’y a qu’une manière pour une aristocratie de participer à la vie politiqne, c’est de retenir une portion du pouvoir législatif ou judiciaire et d’être constituée en assemblée délibérante, comme le Sénat à Rome ou la chambre des lords en Angleterre. Or la noblesse de France n’eut point d’assemblée représentative concourant à la confection des lois ou à l’administration de la justice. Ce fut le vice fondamental de son organisation et le secret de sa perte().
Destituée de tout pouvoir, propre sans vocation aux affaires, appelée seulement de temps à autre au gouvernement par le caprice du souverain qui prenait tout aussi souvent pour ministres des hommes sans qualité, n’ayant de voix délibérative que dans les grandes assises de la nation, lors de la convocation exceptionnelle des états généraux, elle se trouva désarmée en face d’un parlement dépositaire d’une grande partie de la puissance publique et expression d’une autre classe de la société à qui devait revenir, tôt ou tard, la direction de l’esprit public.
Aussi, depuis la constitution définitive des parlements, voit-on presque tous les grands mouvements d’opinion préparés ou conduits par des hommes sortis de leurs rangs; il en est ainsi, par exemple de la Ligue et de la Fronde ces coups de tête d’indépendance() donnés avec l’appui des gens de robe; la Révolution Française, cette entreprise d’un si audacieux génie, fut l’œuvre de quelques légistes(); qui dépassèrent le but qu’ils voulaient atteindre en détruisant les parlements().
Le barreau, cette portion encore vivante de ces grands corps en qui semblent revivre son esprit et ses traditions, fut entraîné dans leur chute, mais il se reconstitua sous le premier empire, et c’est un gré qu’il en faut savoir à Napoléon, dont le discernement incomparable s’appliqua tant de fois à rendre la vie aux grandes créations de l’ancien régime. L’importance qu’a conservé le barreau dans l’État et même l’influence dont il s’est accru s’expliquent par des considérations de l’ordre le plus élevé.