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DE 1789 A 1849
ОглавлениеI. — LE COMITÉ DE MENDICITÉ. — PRINCIPES DE LA RÉVOLUTION EN MATIÈRE D’ASSISTANCE PUBLIQUE. — L’organisation que nous venons de décrire fut brisée par la Révolution, dont les conceptions, en matière d’assistance publique, étaient pour ainsi dire le contre-pied de l’ancien système charitable, tout entier contenu dans le principe de l’autonomie.
La Révolution partit du principe de la solidarité sociale, c’est-à-dire des devoirs et obligations réciproques qui unissent les membres d’une même société, pour échafauder un système de secours publics, concentré entre les mains de l’État et demandant ses ressources à l’impôt. Ce n’était donc plus la bienfaisance, s’exerçant au moyen de corps, dotés chacun d’une vie propre, créés en vue d’une destination étroitement déterminée, et canalisant, en quelque sorte, les aumônes individuelles; c’était l’assistance du pauvre, devenant une préoccupation d’ordre public, comme la police des mendiants, sous l’ancien régime, et, à ce titre, rentrant dans un des objets de l’administration générale de l’État.
Aussi l’Assemblée constituante, «mettant au rang des devoirs les plus sacrés de la nation l’assistance des pauvres dans tous les âges et toutes les circonstances de la vie», avait-elle institué un Comité de mendicité, pour étudier la question de la réorganisation des secours publics.
La Rochefoucauld-Liancourt, président et rapporteur de ce Comité, posa du premier coup, dans son troisième rapport à l’Assemblée nationale, les bases fondamentales sur lesquelles devait reposer l’Assistance publique: «La législation, qui, ayant pour objet l’extinction de la mendicité, veut porter des secours à la véritable indigence, doit poser sur les bases communes de la Constitution, et employer les moyens d’administration indiqués par elle pour l’administration de toutes ses autres parties.» Il en résultait nécessairement que tous les biens, appartenant aux établissements de charité, devaient être réunis au domaine national et répartis par l’État suivant l’exacte proportion des besoins constatés dans les diverses parties du royaume. Cette conséquence n’effraya pas le rapporteur du Comité de mendicité ; le législateur se montra plus hésitant: ni la Constituante, ni la Législative n’osèrent en entreprendre l’application; elles reculèrent devant les difficultés pratiques de la tâche et se contentèrent de voter des subsides aux hôpitaux que la suppression presque totale de leurs droits avait à peu près ruinés.
La Convention se montra plus hardie. La loi du 23 messidor an II absorba dans le domaine de l’État l’actif et le passif de tous les établissements de bienfaisance, et les trois fameux décrets des 19 mars, 28 juin et 19 août 1793 organisèrent un vaste système de secours publics, tout entier aux mains de l’État et qui peut se résumer dans cette formule: l’Assistance, dette nationale, droit pour l’indigent puisant dans l’impôt ses ressources nécessaires.
BICÊTRE
Cette conception devait échouer. Les difficultés intérieures et extérieures avec lesquelles la Convention se trouvait alors aux prises, les dépenses considérables nécessitées par la guerre étrangère, absorbaient la majeure partie des ressources de l’État qui se vit, faute d’argent, dans l’impossibilité matérielle d’assurer le fonctionnement de la nouvelle organisation. Le Directoire fut obligé de rétablir l’ancien ordre de choses, en rendant aux établissements de bienfaisance leur autonomie perdue.
II. — L’ADMINISTRATION HOSPITALIÈRE DE 1789 A L’AN V. — A Paris, l’Assemblée générale des électeurs de la Commune avait remplacé, en 1789, l’ancien Conseil de ville, présidé par le prévôt des marchands et les échevins, et un décret de l’Assemblée nationale, du 14 décembre 1789, avait placé la nouvelle municipalité à la tête des établissements appartenant à la commune et entretenus de ses deniers.
Dès le 19 août 1789, les deux Bureaux de l’Hôtel-Dieu et de l’Hôpital général donnèrent leur démission, et la municipalité conserva la direction des hôpitaux jusqu’au 11 avril 1791.
Toutefois les anciennes administrations hospitalières restèrent en fonctions jusqu’à cette époque, et le Directoire du département, chargé, par un décret de l’Assemblée nationale, du 22 décembre 1789, de l’inspection et de l’amélioration du régime des hôpitaux, hôtels-Dieu, établissements et ateliers de charité, confia à une Commission de 5 membres la direction des hôpitaux.
C’est alors que s’ouvre, pour l’Administration hospitalière, une période de vicissitudes. Elle passa successivement sous l’autorité du département, de la Commune de Paris, de la Commission nationale des secours publics et du Ministère de l’intérieur jusqu’au moment où le Directoire exécutif, par la loi du 16 vendémiaire an V (7 octobre 1796), rendit aux hôpitaux l’autonomie dont les avait dépouillés la loi du 23 messidor an II.
III. — LES SECOURS A DOMICILE APRÈS 1789. — En même temps, les secours à domicile étaient placés sous la direction d’une Commission municipale de bienfaisance chargée de percevoir les revenus appartenant aux pauvres de Paris et d’en faire la répartition entre les 33 paroisses. Cette Commission, créée par un arrêté du corps municipal du 5 août 1791, fonctionna jusqu’en 1793. Le 28 mars de cette année, la Convention nationale lui substitua une Commission centrale de bienfaisance, dont les membres, élus par chacune des 48 sections de Paris, devaient nommer un Directoire ou Bureau d’agence, composé de 16 membres et d’un trésorier salarié.
La Commission centrale entra en fonctions le 24 août suivant. L’administration des secours à domicile, dans Paris, par une anomalie singulière, continuait à être autonome au moment précis où la Convention traçait pour la France entière un plan d’assistance publique réunissant tous les services hospitaliers et à domicile, sous l’autorité unique de l’Agence nationale des secours. Il est à remarquer, du reste, et c’est ce qui fait l’importance du décret du 28 mars 1793, que cette organisation a subsisté, quant au fond, en dépit des changements ultérieurs.
IV. — L’ŒUVRE DU DIRECTOIRE. — Le Directoire exécutif, en présence des nécessités financières, se hâta, mais presque malgré lui, de rétablir l’administration des secours publics sur ses anciennes bases; ce ne fut là, il est vrai, dans l’esprit de ce gouvernement, qu’une simple mesure provisoire et toute d’expectative; la force des choses et les événements politiques la rendirent, en fait, définitive.
LA SALPÊTRIÈRE
Trois lois furent votées et formèrent comme le code de la nouvelle organisation des secours; elles sont encore la base du régime actuel.
1° La loi du 16 vendémiaire an V (7 octobre 1796) rendit aux hôpitaux la personnalité civile dont les avaient dépouillés les décrets de la Convention, ainsi que les biens dont la vente n’avait pas été effectuée.
2° La loi du 7 frimaire an V (28 novembre 1796) créa des bureaux de bienfaisance chargés du service des secours à domicile et rétablit à leur profit l’impôt sur les spectacles.
3° Enfin la loi du 27 frimaire an V (17 décembre 1796) et l’arrêté du 30 ventôse de la même année placèrent le service des enfants assistés sous la direction des Commissions administratives des hospices.
Des organes distincts et autonomes assuraient donc le service des secours hospitaliers et à domicile; le droit au secours disparaissait, ainsi que le caractère obligatoire des dépenses.
En exécution de la loi du 16 vendémiaire, les administrateurs du département de la Seine nommèrent une Commission de 5 membres composée des citoyens: Anson, Touret, Le Camus, Soreau et Levasseur, pour diriger les établissements hospitaliers de Paris. Cette Commission entra en fonctions à la date du 4 frimaire an V (24 novembre 1796).
L’organisation de l’an V subsista, sans grandes modifications, jusqu’à l’installation du Conseil général des hospices, en l’an IX. Des actes postérieurs déterminèrent les attributions respectives des différents organes administratifs, commune, département, État, dans l’administration des hospices. Les renouvellements fréquents auxquels furent assujettis les membres de la Commission des hospices les empêchèrent de mener à bien leur, œuvre de restauration. «Ils se succédaient avec tant de rapidité, au dire d’un document officiel, qu’on a vu des administrateurs être là moins longtemps que leurs malades.» «Ils ont eu à peine le temps, disait encore, quelques années plus tard, le préfet de la Seine, Frochot, de rêver la perfection et n’ont jamais pu obtenir le bien, qui, fruit d’une longue culture, ne se mûrit que par le temps, et périt si on l’arrache.»
La loi du 7 frimaire an V, créatrice des bureaux de bienfaisance, ne put être exécutée à Paris; les 48 comités, établis dans chacune des sections de Paris par le décret de la Convention nationale du 28 mars 1793, continuèrent à fonctionner, et la Commission centrale de bienfaisance fut remplacée par un Comité général de bienfaisance et un agent comptable qui centralisait les revenus des indigents.
Enfin les enfants assistés étaient mis à la charge de la Commission hospitalière et l’État ne contribuait en rien à leur entretien.
Sous le rapport financier, les hospices civils rentraient, à la vérité, en possession des biens qui leur appartenaient avant la loi de messidor, mais cette mesure, qui aurait dû avoir pour effet de faire revivre séparément les anciens établissements dans leur état antérieur, fut complétée par un arrêté du Directoire exécutif, du 23 brumaire an V (13 novembre 1796), qui affecta, indistinctement, à tous les établissements hospitaliers les revenus qui leur étaient restitués, et réalisa ainsi l’unité financière. Pour remédier à la pénurie de leurs ressources, qui ne s’élevaient plus qu’à 1 million 700.000 francs, la loi du 8 thermidor an V (26 juillet 1797) fit revivre, à leur profit, l’ancien droit sur les spectacles, bals et concerts publics, déjà rétabli par la loi du 7 frimaire au profit des bureaux de bienfaisance. Enfin, la loi du 27 vendémiaire an VII (18 octobre 1798) ordonna la perception d’un octroi pour l’acquit des dépenses locales de la ville de Paris et en destina, au moins partiellement, le produit aux dépenses de l’Assistance publique, en donnant à cette dernière une sorte de préciput, sous le nom de prélèvement légal. C’est là l’origine de la subvention municipale.
Ces mesures réparatrices furent impuissantes à remplir le «vide immense» qui se trouvait dans les finances hospitalières.
En l’an IX, la dépense annuelle était estimée à 7.000.000 de francs et il y avait 6.000.000 de francs d’arriéré. La situation était même si critique que les administrateurs se virent contraints de recourir au régime des entreprises pour les fournitures, le payement des employés et l’entretien des malades et des indigents.
ANTIPHONAIRE. — SAINTE CÉCILE
Les réformes projetées, et en voie de réalisation avant 1789, avaient été abandonnées et les efforts tentés au XVIIIe siècle, pour améliorer les conditions d’hygiène, avaient été perdues. Pourtant un progrès considérable était acquis: l’unité, cherchée en vain dans les siècles précédents, était sur le point d’aboutir, et il ne restait plus au Consulat qu’à mettre la dernière main à l’édifice nouveau, en soudant, à Paris, les deux grandes parties qui avaient, jusqu’alors, vécu séparées.
V. — LE CONSULAT. — RÉALISATION DE L’UNITÉ ADMINISTRATIVE. — Trois arrêtés des consuls accomplirent cette tâche. Le premier, du 27 nivôse an X (17 janvier 1801), signé par Bonaparte, place à la tête des hôpitaux de Paris un Conseil général assisté d’une Commission exécutive.
Le second, du 15 pluviôse an X (4 février 1801), institue le Préfet de la Seine président du Conseil général des hospices et le Préfet de police devient membre-né de ce même Conseil.
Enfin, le plus important de tous, l’arrêté du 27 germinal an IX (19 avril 1801), réunit sous la même administration les établissements hospitaliers et les secours à domicile. Le Conseil général des hospices se composait de 11 membres non rétribués et nommés par le Ministre de l’intérieur .
L’exécution de ces décisions, par dérogation au principe de la loi du 28 pluviôse an VIII (agir est le fait d’un seul), fut confiée à une Commission administrative composée de 5 membres salariés, nommés par le Ministre de l’intérieur, sur la proposition du président du Conseil général et la présentation du Préfet de la Seine. L’installation du Conseil général des hospices eut lieu le 5 ventôse an IX (24 février 1801), et le Préfet de la Seine, Frochot, prononça, à cette occasion, un long discours, dont la copie est conservée dans les archives de l’Assistance publique, et qui était un exposé sincère et précis de la situation véritable où se trouvait alors l’administration hospitalière.
Il ne nous appartient pas d’entrer ici dans les détails de toutes les réformes auxquelles le Conseil général des hospices attacha son nom. Qu’il nous suffise de dire qu’il établit une classification rationnelle et méthodique des établissements hospitaliers, en affectant chacun d’eux à une destination particulière; il créa le Bureau central d’admission chargé de répartir les malades entre les hôpitaux, enfin, et surtout, il réalisa ce que l’on peut appeler la grande réforme hospitalière du XIXe siècle, la suppression des lits à deux personnes. Au point de vue financier, il mit fin au système des fournitures par entreprises.
Le budget hospitalier s’élevait alors à plus de 7.000.000 de francs; il tirait ses revenus des biens patrimoniaux pour une somme d’environ 1.700.000 francs; le reste était fourni par l’octroi. Les dépenses se répartissaient ainsi, en l’an XI:
La population secourue s’élevait à 98.795 indigents, savoir:
Si l’on considère que la population totale de Paris était évaluée, à cette époque, à 600.000 âmes, on trouve une proportion de 1 indigent sur 6 habitants.
HÔTEL-DIEU. — FAÇADE DE CLAVAREAU
VI. — L’ADMINISTRATION DES HÔPITAUX, HOSPICES ET SECOURS A DOMICILE DE L’AN IX JUSQU’A LA LOI DU 10 JANVIER 1849. — L’organisation créée par les arrêtés des consuls, en l’an IX, subsista, sauf de légères modifications, jusqu’en 1848. Une ordonnance royale, du 18 février 1818, porta de 11 à 15 le nombre des membres du Conseil général des hospices et les soumit à la nomination du roi.
La Révolution de 1848 eut son contre-coup sur l’administration des hospices et des secours à domicile.
Le Conseil général des hospices et secours fut supprimé le 2G février 1848; la direction des secours fut provisoirement remise à la municipalité ; une Commission administrative assura la gestion des services hospitaliers, sous l’autorité du citoyen Thierry, membre du Conseil municipal, délégué par le gouvernement à cet effet.
Moins d’un an après était promulguée la loi du 10 janvier 1849 , qui est encore la charte fondamentale de l’Assistance publique.