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II. — Destination
ОглавлениеCes établissements assistaient une population nombreuse; leur destination ne s’était point spécialisée tout d’un coup et ce fut lentement, à mesure que des besoins nouveaux se manifestèrent, que la sélection s’opéra entre les diverses catégories de pauvres plus particulièrement secourus par chacun d’eux. Leur fondation s’inspira de préoccupations diverses, nées des circonstances et de l’état social.
I. — L’HÔTEL-DIEU. — LA SPÉCIALISATION PROGRESSIVE, — L’Hôtel-Dieu ne fut, à son origine, qu’un simple lieu de refuge, comme la plupart des établissements hospitaliers du moyen âge, c’est-à-dire une sorte de caravansérail ouvert à toutes les misères humaines. Les malades, les infirmes, les vieillards et même les valides y recevaient l’hospitalité la plus large. Il suffisait que l’on découvrit chez ceux qui venaient frapper à sa porte «l’enseigne de povreté et de misère». Aucune condition n’était imposée, ni de caste, ni de religion, ni de domicile; tous y entraient sans contrôle, qu’ils fussent chrétiens, juifs ou mahométans, et le règlement voulait que le pauvre y fût traité comme «le maistre de la maison».
L’Hôtel-Dieu était donc comme une synthèse de tous les établissements hospitaliers aujourd’hui connus; il était tout à la fois un hôpital, un hospice et un asile de nuit.
La disparition progressive du servage et les troubles de la guerre de Cent ans provoquèrent la désertion des campagnes, dont les habitants affluèrent dans les villes.
Ce fut alors qu’apparut la mendicité, avec l’aspect hideux qu’elle revêtait sous l’ancien régime. Les guerres d’Italie importèrent chez nous le mal de Naples, et les hôpitaux, l’Hôtel-Dieu en particulier, ne suffirent plus à contenir la foule des malheureux. Il lui fallut, dès lors, restreindre sa primitive hospitalité ; les valides furent d’abord exclus, puis les vieillards et les infirmes qui tombèrent, au XVIe siècle, à la charge de l’aumône générale. Les seuls malades attaqués de maladies aiguës continuèrent à y être reçus.
Afin de le dégager, plusieurs établissements furent fondés: d’abord, en 1536, l’hôpital des Enfants-Rouges, dû aux largesses de Marguerite de Navarre, sœur de François Ier, recueillit les enfants dont les parents étaient morts à l’Hôtel-Dieu.
En avril 1637, l’hôpital des Incurables, sur la route de Sèvres, ouvrit ses portes aux infirmes qu’on trouvait «languissant dans les rues et sur les chemins, sans secours ni consolation, au grand desplaisir des âmes chrestiennes».
L’Hôtel-Dieu était ainsi devenu un hôpital, au sens moderne du mot. Malgré cette sélection, les conditions d’hygiène, dans lesquelles les malades étaient hospitalisés par lui, étaient déplorables. Sans doute, l’hospitalité illimitée, telle qu’on la comprenait au moyen âge et telle qu’elle fut pratiquée à l’Hôtel-Dieu jusqu’au début du XIVe siècle, procédait d’un sentiment d’humanité très élevé, auquel on ne peut que rendre hommage; mais elle devenait bien dangereuse pour ceux qui avaient recours à elle. L’encombrement des malades en était la conséquence presque fatale; de plus, l’usage des lits à plusieurs. personnes n’était point pour favoriser leur prompte guérison.
En outre, ils étaient répartis, pour ainsi dire, sans discernement, dans lès salles, et on n’avait pas toujours soin de mettre à part les maladies contagieuses .
Le règlement de l’hôpital, qui remontait à plusieurs siècles, voulait que les malades, une fois guéris, fussent gardés encore «sept jours sains à la maison». Qu’en résultait-il? Les convalescents, qui restaient dans les salles avec les malades, étaient exposés aux rechutes, et, de plus, étaient une cause d’encombrement.
Il est facile de deviner ce que devenaient les malades avec une semblable hygiène; ils étaient la proie d’une mortalité effrayante qui atteignit parfois jusqu’au cinquième de la population de l’hôpital.
Cette situation n’avait pas laissé que de préoccuper vivement les administrateurs. C’est sous l’influence de ces préoccupations que l’on avait construit, au XVIe siècle, la fameuse salle du Légat, due aux libéralités du cardinal Duprat, et fondé, en 1607, deux hôpitaux pour les maladies contagieuses: l’hôpital Sainte-Anne, dans le faubourg Saint-Marceau, et l’hôpital Saint-Louis, dans le faubourg du Temple. Ces deux hôpitaux ne fonctionnaient qu’en cas d’épidémie. A partir de 1647, les femmes convalescentes avaient été envoyées dans une maison située rue de la Bûcherie.
ANCIEN HÔTEL SCIPION
Étaient exclus de la maison, pour éviter la contagion: les lépreux, les vénériens et les teigneux.
En dépit de toutes ces mesures, l’Hôtel-Dieu ne suffisait pas toujours à contenir les malades qui venaient à lui.
Le système d’admission usité alors était la seule cause de cet état de choses: il ne prit fin qu’en 1802, lors de la création du Bureau central d’admission.
L’insalubrité de l’Hôtel-Dieu devint, au XVIIIe siècle, l’objet des critiques de tous. Après l’incendie de 1772, lorsque fut agitée la question de sa reconstruction, Louis XVI, par ses lettres patentes du 22 avril 1781, rendues sous la poussée de l’opinion publique, ordonna que chaque malade fût désormais couché seul dans un lit, et que les salles fussent aménagées suivant les principaux genres de maladies, en mettant à part les convalescents.
Ces lettres devaient forcément rester sans exécution, puisqu’elles se contentaient de poser un principe, sans fournir les moyens de l’appliquer.
En 1786, une Commission, composée de Lassoune, Daubenton, Tenon, Bailly, Lavoisier, Laplace, Coulomb et Darcet, fut chargée par le roi de présenter un projet pour l’amélioration de l’Hôtel-Dieu. Bailly, dans un rapport devenu célèbre, demanda la création de quatre hôpitaux de 1.200 lits chacun, situés aux extrémités de Paris, dans lesquels devaient être répartis les malades, l’Hôtel-Dieu ne devant plus recevoir que les blessés ou les malades exigeant des soins urgents et prompts.
Une souscription publique fut ouverte pour réaliser ce projet auquel le roi avait donné sa sanction; elle rapporta la somme énorme de deux millions de livres, mais les fonds furent détournés de leur destination par le ministre Loménie de Brienne, et le projet fut abandonné.
Néanmoins, l’œuvre de cette Commission ne fut pas stérile; elle hâta certainement la réforme des lits individuels qui fut réalisée en l’an IX, et mit à l’ordre du jour la question des hôpitaux d’isolement, qui devait être reprise dans le cours du XIXe siècle.
II. — CARACTÈRE NOUVEAU DE L’ASSISTANCE PUBLIQUE AU XVIe SIÈCLE. — SON RÔLE DE POLICE. — Au XVIe siècle, le nombre des mendiants qui infestaient Paris avait fini par inquiéter les pouvoirs publics. Ce n’est pas ici le lieu de retracer le tableau des Cours de Miracles, qui ont fait l’objet de descriptions pittoresques de la part des auteurs contemporains. La répression de la mendicité fut comme l’idée fixe et la hantise du Parlement et de la royauté. Elle devint la base et le but de toute l’organisation charitable. Ce fut, avant tout, le souci de la sécurité publique, bien plus encore qu’un sentiment de pitié ou de philanthropie pour les classes pauvres, qui inspira la fondation du Grand Bureau des pauvres et de l’Hôpital général.
Ces deux établissements, à côté de leur mission d’assistance, furent chargés de rechercher et de punir les délits de mendicité ; ils eurent sous leurs ordres un bailli et des sergents des pauvres, pour appréhender et juger les délinquants.
Toutefois, le Grand Bureau des pauvres ne resta investi de ce pouvoir de police que jusqu’en 1656.
Ce caractère nouveau de l’assistance publique, devenue instrument de police, se répercuta sur la législation charitable. L’ordonnance de Charles IX, rendue à Moulins, en février 1566 (art. 13), fit revivre l’ancienne règle canonique sur le domicile de secours, en ordonnant que les pauvres de chaque localité seraient nourris et entretenus par les habitants de ces localités, «sans qu’ils puissent vaguer et demander l’aumône ailleurs qu’au lieu duquel ils sont».
En même temps que le Parlement redoublait de rigueur contre les mendiants, la municipalité de Paris dut organiser, pour eux, des travaux publics, comme le curage des fossés et égouts, la construction des remparts et fortifications de la ville.
L’Hôpital général, d’abord dépôt de mendicité, puis hospice. — En présence des efforts impuissants tentés par le Grand Bureau des pauvres pour parvenir à l’extinction de la mendicité, Louis XIV décida le «renfermement» de tous les mendiants, sans exception, et fonda le vaste dépôt de mendicité qui prit le nom d’Hôpital général.
L’Hôpital général fut donc ouvert, au début, à tous les pauvres, sauf aux malades qui allaient à l’Hôtel-Dieu.
Le phénomène déjà constaté à l’Hôtel-Dieu se renouvela: l’hospitalité donnée sans contrôle attira à Paris les mendiants des provinces qui entrèrent en foule à l’Hôpital général.
Il fallut alors remettre en vigueur les ordonnances sur le domicile de secours, et Louis XIV, considérant qu’il n’était pas juste que sa bonne ville de Paris fournît seule «la nourriture que les autres villes du royaume doivent chacune, à leurs pauvres, selon l’équité naturelle», ordonna l’établissement d’un Hôpital général dans toutes les villes ou gros bourgs du royaume, pour «y loger, enfermer et nourrir les mendiants et invalides, natifs des lieux, ou qui y auront demeuré pendant un an». (Déclaration de juin 1662.)
L’entrée de l’Hôpital général ne fut dès lors accessible qu’aux pauvres et aux mendiants de Paris et des localités comprises dans le ressort du Châtelet de Paris.
Les admissions, précédées d’une enquête, furent subordonnées à l’approbation des directeurs assemblés à l’hôpital de la Pitié.
L’Hôtel-Dieu avait cependant la faculté de lui adresser, avec un simple billet d’envoi, ses malades guéris, mais infirmes. C’est ce qu’on appelle aujourd’hui les admissions à l’hospice par translation. Elles avaient lieu pour les paralytiques, les insensés, les épileptiques, les vieillards de plus de 60 ans, les enfants de moins de 12 ans, et les galeux.
L’Hôpital général hospitalisait:
1° Les enfants (les garçons au-dessous de 15 ans et les filles au-dessous de 13); 2° les vieillards des deux sexes âgés d’au moins 60 ans; 3° les épileptiques; 4° les aveugles et les incurables (mais seulement à titre provisoire en attendant qu’il y eût des places vacantes aux Quinze-Vingts ou aux Incurables); 5° les vénériens, soignés à Bicêtre depuis 1690; 6° les aliénés, placés sous la curatelle des directeurs; 7° les mendiants valides, pour lesquels on avait établi des manufactures.
Une déclaration royale du 15 avril 1685 organisa des ateliers publics pour les mendiants valides ayant à Paris leur domicile de secours. Quant aux autres mendiants, on les chassait de Paris en vertu des ordonnances ou édits royaux.
Les pauvres qui tombaient gravement malades étaient diriges sur l’Hôtel-Dieu; cette organisation défectueuse occasionnait la mort de beaucoup d’entre eux, pendant leur transport dans des tombereaux non suspendus, ou sur des brancards découverts. Louis XVI, par ses lettres patentes du 22 juillet 1780, ordonna bien la création d’infirmeries dans les maisons dépendant de l’Hôpital général, mais les ordres royaux ne furent exécutés que très lentement, et, lorsque la Révolution éclata, la réforme était encore inachevée.
Les Enfants-Trouvés: leur rattachement à l’Hôpital général. — Les Enfants-Trouvés avaient été rattachés à l’Hôpital général par l’édit du mois de juin 1670. Le premier président et le procureur général du Parlement en avaient la direction.
L’origine de ce service remontait à une époque assez ancienne, puisque les chanoines de l’Église de Paris recueillaient déjà les bâtards, en 1536, époque de la fondation de l’hôpital des Enfants-Rouges; mais il fonctionnait dans des conditions déplorables, et Vincent Depaul, qui sut émouvoir, au sujet de cette situation, les personnages les plus considérables, et notamment, les dames de charité de l’Hôtel-Dieu. est considéré comme un des promoteurs de l’amélioration du sort des enfants trouvés.
La charge de ces enfants incombait, en principe, aux seigneurs hauts justiciers, corrélativement à leur droit de déshérence et de bâtardise. Aussi tous les hauts justiciers de Paris, y compris le roi et le chapitre de Notre-Dame, leur devaient-ils une contribution importante, que le roi prit à sa charge exclusive, en décembre 1674, lors de la réunion à la justice royale de toutes les hautes justices de la ville, faubourgs et banlieue de Paris.
Les enfants trouvés étaient portés à la maison de la Couche, rue Neuve-Notre-Dame; qui servait alors d’hospice dépositaire. Le tour était inconnu, mais les admissions avaient lieu, comme aujourd’hui, à bureau ouvert, et aucun renseignement n’était demandé aux personnes qui apportaient les enfants.
De la maison de la Couche, ces enfants étaient envoyés en nourrice à la campagne; des meneurs se chargeaient du recrutement des nourrices et emmenaient les enfants dans les localités où ils devaient être places.
Les enfants mal soignés par les nourrices ou ceux qu’on ne trouvait pas à placer étaient ramenés à la maison du faubourg Saint-Antoine, qui les mettait en apprentissage dans Paris ou dans les environs.
Le nombre des enfants trouvés, très faible à l’origine, s’éleva rapidement, surtout au XVIIIe siècle.
III. — LES SECOURS A DOMICILE; ET LE GRAND BUREAU DES PAUVRES. — Comme l’Hôpital général au XVIIe siècle, le Grand Bureau des pauvres avait été créé pour éteindre le fléau de la mendicité. Les secours à domicile semblaient, à cette époque, le meilleur mode d’assistance, et, dès le XVIe siècle, on avait trouve la formule qui a toujours guidé l’administration des secours publics et qui peut s’énoncer ainsi: travail au valide, secours à l’infirme, «suivant l’ordre de charité qui est de nourrir les pauvres invalides et de faire travailler ceux qui peuvent gagner leur vie au labeur de leur corps».
Les valides n’étaient point secourus par le Grand Bureau; la municipalité parisienne organisait, pour eux, des travaux publics, et, plus tard, des ateliers de charité. Ces essais d’assistance par le travail ne donnèrent pas de résultats bien appréciables, si l’on en juge par le nombre, sans cesse croissant, des mendiants dans Paris.
Les «pauvres impuissants» étaient seuls admis à participer aux secours. Sous ce vocable, étaient compris les vieillards, les infirmes, les ménages chargés d’enfants et les malades. Il leur était «pourveu à tous selon leurs aâges, nécessités, charges et qualités». Les enfants en âge de travailler étaient mis en apprentissage ou placés à l’hôpital de la Trinité.
Un service médical à domicile était même organisé, et les maîtres barbiers de Paris, sous la direction d’un médecin et d’un chirurgien, étaient obligés à prêter gratuitement leur concours à tour de rôle.
Les pauvres admis à l’aumône étaient tenus de porter la «marque du Bureau», «scavoir une croix de toille rouge et jaune qu’ils doibvent porter sur l’espaulle droicte afin d’être cogneuz». Tous les ans, les «rôles» des pauvres inscrits à l’aumône étaient revisés au moment du recensement général.
Paris était divisé en seize circonscriptions correspondant aux grandes paroisses; dans chaque circonscription, un commissaire des pauvres présidait aux distributions, percevait la taxe établie sur les habitants, faisait les enquêtes sur les personnes qui demandaient leur inscription sur le «rôle des pauvres», en un mot dirigeait tout ce qui avait rapport à la distribution des secours dans la paroisse.
On voit que cette organisation ressemblait assez à celle de nos bureaux de bienfaisance.
L’HÔTEL-DIEU
IV. — POPULATION ASSISTÉE PAR L’HÔTEL-DIEU, L’HÔPITAL GÉNÉRAL ET LE GRAND BUREAU DES PAUVRES. — Embrassons maintenant, d’un coup d’œil, la population secourue par les trois grands établissements dont nous venons de décrire le fonctionnement:
1° A l’Hôtel-Dieu, d’après le rapport des commissaires de l’Académie des sciences, la moyenne des journées était de 2.500; il y avait 25 salles, dont 12 pour les hommes et 13 pour les femmes, contenant 733 lits de 4 personnes et 486 petits lits.
Les places disponibles étaient donc au nombre de 3.418. Le prix de journée de chaque malade revenait à 30 sols par jour environ.
2° A l’Hôpital général, on comptait 12.000 individus se partageant de la manière suivante: infirmes et aliénés, 6.930; malades, 1.667; enfants, 1.655; détenus, 1.748.
A ces chiffres, il convient d’ajouter 15.000 enfants trouvés ou abandonnés, placés. à la campagne.
3° Le nombre des personnes secourues par le Grand Bureau des pauvres devait être assez grand à l’origine; mais, depuis la fondation de l’Hôpital général, cette institution n’avait fait que végéter et s’était effacée, du reste, de jour en jour, devant les bureaux de charité des paroisses.
En 1787, le Grand Bureau des pauvres n’assistait plus que 1.664 personnes, savoir: 1.172 vieillards et 492 enfants; les premiers touchant 12 sols et les seconds 6 sols par semaine, soit 50 sols et 25 sols par mois, et la dépense totale n’excédait pas 46.000 livres.