Читать книгу Histoire de l'Empire Romain: Res gestae: La période romaine de 353 à 378 ap. J.-C. - Ammien Marcellin - Страница 22

Chapitre VII

Оглавление

Table des matières

VII. Dans le temps que sévissait cette tourmente d’assassinats juridiques, la ville éternelle avait pour préfet Léonce, que recommandaient comme magistrat plusieurs qualités estimables facilité d’accès, impartialité rigoureuse, caractère bienveillant. On lui reprochait toutefois un peu de roideur dans l’exercice du pouvoir, et trop de penchant à l’amour. Il s’éleva contre lui une sédition, dont la cause première était ce qu’il y a de plus frivole et de plus futile. II avait donné l’ordre d’arrêter le cocher Philocome : le peuple à l’instant s’ameute pour son favori, et se porte contre le préfet à des démonstrations de fureur. On comptait l’intimider ; mais il resta ferme et imposant, et fit saisir par ses appariteurs quelques-uns des mutins, qui furent battus de verges et déportés, sans que nul osât proférer un mot ou faire mine de résistance.

Quelques jours après cependant, le peuple, toujours en fermentation, s’étant, sous prétexte d’une disette de vin, attroupé au Septizone (Septemzodium), quartier des plus fréquentés, où l’empereur Marc-Aurèle a fait élever à si grands frais le magnifique édifice du Nymphée, le préfet s’y porta résolûment de sa personne. Tout son entourage, fonctionnaires et officiers, le suppliait de ne se point commettre avec une multitude égarée et menaçante, qui avait contre lui une cause récente d’irritation ; mais ils s’adressaient à un homme inacessible à la peur. Léonce marcha droit au rassemblement, sans tenir compte de l’affaiblissement de son escorte, dont une partie déserta ses côtés en le voyant, de gaieté de cœur, affronter un péril si manifeste. Assis tranquillement sur son char, il promène un regard assuré sur les masses tumultueuses qui l’environnent, et dont l’agitation convulsive semble celle d’un nid de serpents. D’injurieuses vociférations éclatent ; il les endure avec sang-froid. Tout à coup, apostrophant au milieu de la foule un individu remarquable par sa stature athlétique et ses cheveux roux, il lui demande s’il n’est pas Pierre Valvomère ? A quoi celui-ci répond, d’un ton insolent, que c’est bien lui. Alors le préfet, à qui de longue main cet homme était signalé comme drapeau de sédition, le fit garrotter, les mains derrière le dos, et fustiger en dépit des clameurs que l’ordre ne manqua pas d’exciter. Mais on n’eut pas plutôt vu Valvomère au poteau, que, malgré ses appels réitérés à la compassion de ses camarades, la foule, si compacte naguère, s’évanouit en un clin d’œil par les rues adjacentes ; et ce dangereux promoteur de troubles se vit labourer les flancs, sans plus d’opposition que si tout se fût passé dans le secret du cabinet d’un juge. Valvomère fut ensuite relégué dans le Picentin, où il fut depuis condamné à mort et exécuté par sentence du consulaire Patruin, pour attentat à la pudeur d’une fille de condition.

Ce fut pendant l’administration du même Léonce que Libère, pontife chrétien, se vit mandé devant Constance, comme réfractaire à la volonté impériale et aux décisions de ses collègues de l’épiscopat. Je vais dire un mot du point de dissidence. Un synode (c’est le nom que donnent les chrétiens aux assemblées tenues par les dignitaires du clergé) avait déposé Athanase, évêque d’Alexandrie, pour avoir prévariqué, et pour s’être livré à des poursuites incompatibles avec son caractère de prêtre : c’est du moins ce dont l’a constamment accusé le bruit public. On le disait effectivement assez versé dans l’art de la divination et dans la science des augures pour avoir quelquefois prédit l’avenir ; sans oublier certaines imputations non moins contraires à l’esprit de la religion dont il était l’interprète. II fut enjoint à Libère, de la part du prince, de souscrire au décret qui expulsait Athanase de son siége. Mais Libère, bien que d’accord sur les points de doctrine avec le synode, se défendit obstinément d’obtempérer, protestant avec énergie de l’indignité d’un jugement où l’accusé n’avait été entendu ni même appelé. C’était se mettre en opposition flagrante aux volontés de l’empereur. Celui-ci, qui avait toujours détesté Athanase, tenait singulièrement, tout en regardant la condamnation comme valide, à ce qu’elle fût confirmée par l’autorité prépondérante de l’évêque de la ville éternelle. Cette satisfaction lui étant refusée, il fit enlever Libère. Mais l’attachement du peuple pour son évêque apporta de grandes difficultés à son arrestation, qui ne put s’opérer que de nuit.

Histoire de l'Empire Romain: Res gestae: La période romaine de 353 à 378 ap. J.-C.

Подняться наверх