Читать книгу Histoire de l'Empire Romain: Res gestae: La période romaine de 353 à 378 ap. J.-C. - Ammien Marcellin - Страница 31
Chapitre II
ОглавлениеII. Julien hivernait à Vienne, dans une préoccupation d’esprit continuelle, au milieu d’un conflit de rumeurs diverses, quand il reçut positivement avis d’une brusque attaque des barbares contre l’antique cité d’Autun, que défendait une enceinte de murs d’un développement considérable, mais où le temps avait fait plus d’une brèche. La frayeur avait paralysé la garnison, et c’en était fait de la place si, par un de ces efforts soudains qui sauvent dans les moments de crise, les vétérans n’étaient spontanément accourus à son secours.
Julien se décida sur-le-champ, en dépit des basses insinuations, qui ne lui manquèrent pas, de se ménager et d’écouter ses aises ; et, ne prenant que le temps des préparatifs indispensables, il se rend à Autun le 8 des kalendes de juillet (24 juin ), par une marche conduite avec toute l’habileté et la prudence d’un capitaine consommé ; marche pendant laquelle il fut constamment en mesure de faire face aux bandes qui auraient voulu lui barrer le chemin. Là il tint un conseil, où furent appelés ceux qui passaient pour mieux connaître le pays, touchant la direction la plus sûre pour l’armée. Les avis étaient partagés. Les uns voulaient marcher par Abor–, les autres par Sedelaucus et Cora. Quand l’observation fut faite incidemment que Sylvain naguère avait passé, quoique non sans peine, avec huit mille auxiliaires, par un chemin plus court en effet, mais que d’épaisses forêts, où une armée ne pouvait s’éclairer, devaient rendre suspect ; César dès lors ne songea plus qu’à ne pas être en reste d’audace avec ce brave officier. Dans son impatience de tout délai, il ne prit même avec lui que les cataphractes (armés de toutes pièces) et quelques archers, escorte assez mal calculée dans cette occasion pour la sûreté du général, et gagna rapidement Autosidore par la même voie. De là, après avoir pris le repos accoutumé avec sa troupe, il se dirigea sur les Tricasses. Ce mouvement ne s’opéra pas sans qu’on eût à essuyer plus d’une attaque de la part des barbares. D’abord l’aspect de ces masses irrégulières en imposait à Julien sur leur force réelle, et il se contentait de les observer en renforçant sa colonne sur les flancs. Mais parfois aussi, quand il avait l’avantage des hauteurs, il reprenait soudain l’offensive, et culbutait à la course tout ce qui se trouvait devant lui. Il ne fit dans ces engagements de prisonniers qu’en petit nombre, et ce fut la frayeur qui les lui livra. Tout ce qui eut la force de fuir échappa sans peine à la poursuite d’un corps si pesamment armé.
Rassuré par ces premiers succès contre les chances de pareilles rencontres, Julien parvint jusqu’aux Tricasses à travers mille dangers. Sa présence était si peu prévue, et tel était l’effroi qu’inspiraient les partis nombreux qui battaient le pays de toutes parts, que les portes ne s’ouvrirent pour lui qu’après une longue hésitation. Il ne fit halte dans cette ville que le temps de laisser son monde reprendre haleine. Puis, jugeant les moments précieux, il poussa rapidement vers Reims. C’est là qu’il avait marqué le rendez-vous général. Il y fut rejoint par le reste de l’armée sous le commandement de Marcel, successeur d’Ursicin, et par Ursicin lui-même, qui avait ordre de rester dans les Gaules jusqu’à la fin de la campagne. On délibéra longtemps sur le plan qu’on devait suivre. Enfin il fut arrêté qu’on attaquerait les Allemands dans la direction des dix bourgs (“decem pagos”), et l’armée s’ébranlait joyeuse de ses bataillons grossis. Tout à coup les barbares, dont les mouvements étaient favorisés par un brouillard impénétrable, profitant de la connaissance qu’ils avaient du terrain, se portèrent par un circuit sur les derrières de César, et auraient écrasé deux légions qui formaient l’arrière-garde, si les cris de détresse n’eussent attiré le corps auxiliaire à leur secours. Julien, depuis cette alerte, fut dans l’appréhension continuelle de quelque embûche à chaque incident de la route, au passage de chaque rivière. Il en devint plus prudent, plus circonspect ; le premier de tous les mérites dans l’homme chargé du commandement suprême, et la meilleure des garanties pour ceux qui combattent sous lui.
Il fut alors informé qu’Argentoratum, Brocomagum, les Trois tavernes, Salizon, les Némètes, Vangion et Moguntiacum, étaient entre les mains des barbares ; mais que ceux-ci n’en occupaient que les dehors, par la peur qu’ils ont du séjour des villes ; regardées par eux comme autant de tombeaux où l’on s’enterre tout vivant. Julien s’empara d’abord de Brocomagum. Un corps germain s’y était porté à sa rencontre ; pour le recevoir il forma son armée en croissant, enfermant des deux côtés l’ennemi, qui lécha pied au premier choc. On en prit ou tua une partie dans la première chaleur de l’action. Le reste dut son salut à la fuite.