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CHAPITRE PREMIER
ОглавлениеDe la théorie du mouvement ; importance de cette théorie. - Divisions et catégories de l’être ; acte ou entéléchie et puissance. - Le mouvement n’est point en dehors des choses, il y a autant de genres du mouvement qu’il y a de genres de l’être. Définition du mouvement ; démonstration de l’exactitude de cette définition ; examen des opinions des autres philosophes. Difficulté de bien définir le mouvement.
La nature étant le principe du mouvement et du changement, et notre étude actuelle s’appliquant à la nature, il faut nous rendre bien compte de ce que c’est que le mouvement ; car, ignorer ce qu’il est, ce ne serait pas moins qu’ignorer la nature entière. Puis, une fois que nous aurons expliqué le mouvement, il faudra tacher d’aborder de la même manière les phénomènes qui l’accompagnent. Le mouvement peut être rangé, à ce qu’il semble, parmi les quantités continues ; et le premier caractère du continu, c’est d’être infini. Aussi, en définissant le continu, fait-on fréquemment usage de la notion de l’infini, comme si le continu n’était que ce qui est divisible à l’infini. En outre, il n’y a point de mouvement possible sans espace, sans vide, et sans temps. Donc évidemment, par ces motifs, et aussi parce que l’espace, le vide, le temps et le mouvement sont communs à tout et sont universels, nous devons étudier préalablement chacun d’eux séparément ; car l’étude des propriétés spéciales des choses ne doit venir qu’après l’étude de leurs propriétés communes. Commençons donc, ainsi que nous venons de le dire, par le mouvement.
Rappelons d’abord que l’être est tantôt seulement en entéléchie, en réalité ; et tantôt tout ensemble en puissance et en entéléchie ; tantôt encore il est substance ; tantôt, quantité ; tantôt qualité, et ainsi de suite pour toutes les autres catégories de l’être.
Quant au relatif, il est exprimé tantôt par l’excès ou par le défaut qui le désigne ; tantôt il est passif et actif ; et d’une manière générale, il est moteur mobile ; car le moteur est, ce qui meut le mobile, et le mobile est mû par le moteur.
Mais il n’existe point de mouvement en dehors des choses ; car l’être qui change doit toujours changer, soit dans sa substance, soit dans sa quantité, soit dans sa qualité, soit de lieu. Or, il n’y a rien de commun entre tous ces termes, nous le répétons, qui ne soit pas aussi ou quantité, ou qualité, ou quelqu’une des autres catégories. Par conséquent, il ne peut y avoir ni mouvement, ni changement, pour quoi que ce soit qui ne serait point les catégories qui viennent d’être énumérées, puisqu’il n’existe pas d’autre être que ceux-là.
Mais chacune de ces catégories peut être à toutes choses de deux façons : par exemple, dans la substance, il y a la forme et la privation ; dans la qualité, l’être est blanc et il est noir ; dans la quantité, il est complet et incomplet ; et de même dans la translation, il va en haut et il va en bas, c’est-à-dire qu’il est léger et qu’il est pesant.
Par conséquent, il y a autant de genres de mouvement et de changement qu’il y a de genres de l’être.
Et comme dans chaque genre on peut distinguer l’être en acte ou entéléchie et l’être en puissance, l’acte ou entéléchie, c’est-à-dire la réalisation de l’être qui était en puissance, selon ce qu’est cet être, c’est le mouvement.
Ainsi l’altération est le mouvement de l’être altéré en tant qu’altéré ; le développement et la réduction sont le mouvement de l’être qui se développe, et de l’opposé, à savoir l’être qui se réduit ; car il n’y a pas ici d’expression commune pour ces deux idées ; la génération et la destruction sont le mouvement de l’être qui est engendré et qui se détruit ; de même que la translation est le mouvement de l’être transféré.
Ce qui prouve bien l’exactitude de cette définition du mouvement, c’est que, par exemple, quand une chose constructible, en tant que nous ne la considérons qu’à cet égard, est en entéléchie et se réalise, elle est construite ; le mouvement alors est la construction ; de même encore pour l’acte d’apprendre, l’acte de guérir, l’acte de rouler, de sauter, l’acte d’arriver à l’âge mûr, à la vieillesse, etc.
D’autre part, les mêmes choses pouvant être en puissance et en acte, sans que ce soit d’ailleurs à la fois, ni relativement à une même chose, comme un objet est chaud, par exemple, en puissance, et froid en réalité, il y aura beaucoup de choses qui agiront ou souffriront les unes par les autres. Tout sera également actif et passif, de telle sorte que le moteur naturel sera mobile à son tour, parce que tout ce qui meut dans la nature a d’abord été mu lui-même.
C’est là ce qui fait que certains philosophes croient que tout moteur, sans exception reçoit le mouvement. Nous nous réservons de démontrer ailleurs ce qu’il en est à cet égard et de prouver qu’il y a un moteur qui est lui-même immobile
Mais pour nous, le mouvement est l’acte ou entéléchie de l’être en puissance, lorsque cet être agit actuellement, en tant que mobile, soit en restant lui-même, soit en devenant autre. Quand je dis En tant que mobile, j’entends par exemple, que l’airain est la statue en puissance, bien que l’acte ou entéléchie de l’airain, en tant qu’airain, ne soit pas le mouvement ; car ce n’est pas essentiellement la même chose d’être de l’airain et d’être mobile en puissance, puisque si c’était absolument et rationnellement identique, l’acte ou entéléchie de l’airain, en tant qu’airain, serait le mouvement. Mais encore une fois ce n’est pas la même chose ; et l’on peut s’en convaincre en regardant aux contraires. Ainsi, c’est chose fort différente de pouvoir se bien porter et de pouvoir être malade, puisque, s’il en était autrement, être malade et se bien porter se confondraient. C’est le sujet qui est le même et qui reste un, soit en santé, soit en maladie, par l’effet de l’humeur ou du sang. Mais comme le sujet et sa puissance ne sont pas la même chose, pas plus que la couleur ne se confond avec le visible, il faut évidemment en conclure que le mouvement est l’acte, l’entéléchie du possible en tant que possible.
Il est donc bien certain que c’est là ce qu’est le mouvement ; qu’une chose n’est en mouvement qu’au moment où cette entéléchie a lieu ; et qu’il n’y a de mouvement ni après ni auparavant ; car toute chose peut tantôt être en acte, et tantôt n’y être pas ; et c’est, par exemple, une chose qui peut être construite, en tant qu’elle est constructible.
L’acte de la chose constructible, en tant que chose qui peut être construite c’est la construction ; car il n’y a ici que la construction, c’est-à-dire l’acte de la chose qui peut être construite, ou bien la maison. Mais une fois qu’il y a la maison, la chose constructible n’est plus, parce que la chose constructible est construite ; donc, nécessairement la construction est bien l’acte. Ainsi, la construction est un mouvement d’une certaine espèce ; et la même définition pourra également convenir aux autres espèces de mouvement.
Il suffit, pour prouver la vérité de cette définition, de voir ce que les autres philosophes ont dit du mouvement, et aussi la difficulté de le définir autrement qu’on ne le fait ici. En effet, il serait bien impossible de classer le mouvement et le changement dans un autre genre ; et l’on risque de se tromper, quand on le considère d’une façon différente de celle-ci.
Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à regarder ce que devient le mouvement dans ces théories qui en font ou une diversité, ou une inégalité, ou même le non-être. Mais il n’y a pas de mouvement nécessaire ni pour ce qui est divers, ni pour ce qui est inégal, ni pour ce qui n’existe point.
Le changement n’aboutit pas plus à ces termes qu’il ne vient d’eux ou de leurs opposés.
Ce qui fait que les philosophes dont nous parlons ont réduit le mouvement à ces termes, c’est qu’ils ont supposé que le mouvement est quelque chose d’indéfini ; et que les principes de leur autre série correspondante sont indéfinis, par cela même qu’ils sont privatifs ; car aucun d’eux n’est ni substance, ni qualité, ni aucune des catégories.
Ce qui fait encore que le mouvement semble indéfini, c’est qu’il est impossible de le placer d’une manière absolue, soit dans la puissance, soit dans l’acte des êtres ; et, par exemple, ni ce qui peut devenir une quantité ni ce qui actuellement en est une, n’est nécessairement en mouvement. Le mouvement paraît bien une sorte d’acte, mais d’acte incomplet ; et cela tient à ce que le possible, dont le mouvement est l’acte, est incomplet lui-même.
Ceci montre donc qu’il y a grand’peine à savoir ce qu’est au juste le mouvement ; car il faut de toute nécessité le classer ou dans la privation, on dans la puissance, ou dans l’acte absolu ; et en même temps aucune de ces hypothèses ne semble satisfaisantes. Reste donc à le concevoir, ainsi que nous l’avons fait, comme un acte d’un certain ordre ; mais cet acte même, tel que nous l’avons expliqué, est difficile à bien comprendre, quoique ce ne soit pas impossible.