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CHAPITRE XI
ОглавлениеSuite ; l’infini est plutôt le contenu que le contenant ; et c’est la forme qui contient. Dans les nombres, on peut admettre l’infini par accroissement perpétuel ; dans les grandeurs, l’infini n’est qu’en division et en petitesse. Différence de l’infini dans les nombres et dans les grandeurs. Emploi de l’infini dans les mathématiques. - L’infini est cause en tant que matière ; opinion commune des philosophes.
Il est tout à fait rationnel que l’infini par addition semble ne pas pouvoir exister de manière à surpasser toute la grandeur, tandis qu’au contraire l’infini semble pouvoir exister par division ; car l’infini est contenu lui aussi, tout comme la matière, à l’intérieur de l’être ; et c’est la forme qui contient.
Il semble également conforme à la raison d’admettre que pour le nombre il y a une limite dans le sens de l’extrême petitesse, et qu’en allant dans le sens de l’accroissement, on peut toujours dépasser un nombre quelque grand qu’il soit, tandis que pour les grandeurs il semble, tout au contraire, que si l’on va en diminuant, on peut toujours dépasser une grandeur quelque petite qu’elle soit ; et qu’en augmentant, il n’est pas possible qu’il y ait de grandeur infinie.
Cette différence tient à ce que l’unité est indivisible, quelle que soit d’ailleurs cette imité ; et ainsi, par exemple, l’homme n’est jamais qu’un homme et ne peut être plusieurs hommes, tandis que le nombre est toujours plus que l’unité ; et il est un ensemble de quantités d’un certain genre. Il y a donc nécessité de s’arrêter à l’individu. Deux, Trois, etc., ne sont que des dénominations dérivées et paronymes ; et l’on en peut dire autant de tous les autres nombres.
Mais, dans le sens de l’augmentation, il est toujours possible de penser un nombre plus grand, parce que les divisions de la grandeur en deux sont toujours indéfiniment possibles. Par conséquent, l’infini est toujours en puissance et jamais en acte ; mais la quantité nouvelle qu’on imagine dépasse toujours toute quantité déterminée. D’ailleurs ce nombre n’est pas indépendant et séparé de la division par deux ; et l’infinitude, loin de s’arrêter, devient et se forme sans cesse, comme le temps et le nombre du temps.
C’est tout l’opposé pour les grandeurs. Le continu y est bien divisible aussi par parties infinies en nombre ; mais il n’y a pas d’infini dans le sens de l’accroissement ; car il ne peut être en acte que tout juste autant qu’il peut être en puissance. Donc, puisqu’aucune grandeur sensible n’est infinie, il n’est pas possible que toute grandeur déterminée soit dépassée ; car, dès lors, il y aurait quelque chose qui serait plus grand que le ciel.
L’infini n’est pas identique pour la grandeur, pour le mouvement et pour le temps, comme le serait une seule et unique nature ; mais l’infini postérieur n’est dénommé que d’après celui qui le précède. Ainsi le mouvement ne se comprend que s’il existe préalablement une grandeur dans laquelle il y a mouvement, ou altération, ou croissance, etc. ; et le temps ne se comprend que par le mouvement.
Pour le moment, bornons-nous à employer ces idées ; plus tard, nous essaierons d’expliquer ce que sont chacune de ces choses, et pourquoi tonte grandeur est divisible en d’autres grandeurs.
Mais notre définition de l’infini ne porte aucune atteinte aux spéculations des mathématiciens, en niant son existence de telle manière que, sous le rapport de l’accroissement il soit tout à fait irréalisable en acte ; car, à leur point de vue, les mathématiciens n’ont pas besoin de l’infini, et ils n’en font aucun usage ; ils se contentent de toujours supposer la ligne finie aussi grande qu’ils le veulent. Or, on peut toujours, en conservant la même proportion que pour la grandeur la plus grande possible, diviser indéfiniment une autre grandeur aussi petite que l’on voudra. Ainsi, l’infini n’importe en rien aux mathématiciens en ce qui regarde leurs démonstrations ; mais quant à la réalité de l’infini, elle n’est dans les grandeurs réelles qu’au sens où on l’a dit.
D’ailleurs, parmi les quatre espèces de causes admises par nous, il est clair que l’infini n’est cause que comme matière.
Son être, c’est la privation ; ce qui est et subsiste par soi, c’est le continu et le sensible.
Tons les autres philosophes ont ainsi que nous considéré l’infini comme matière ; et c’est pour cela qu’ils ont un si grand tort de faire de l’infini le contenant et non pas le contenu.