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CHAPITRE IV
ОглавлениеThéorie de l’infini : cette étude appartient spécialement à la physique ; exemple des philosophes antérieurs ; théories des Pythagoriciens et de Platon sur l’infini ; théories d’Anaxagore et de Démocrite. Tous les philosophes ont tait de l’infini un principe ; Anaximandre l’a même confondu avec la divinité.
La science de la nature s’occupant des grandeurs, du mouvement et du temps, trois choses qui sont de toute nécessité ou infinies ou finies, bien que d’ailleurs on ne puisse pas dire que tout sans exception soit infini ou fini, par exemple la qualité dans les choses et le point en mathématiques, les choses de ce genre ne devant peut-être pas nécessairement être rangées dans l’une : ou l’autre de ces cieux classes, il convient, quand en traite de la nature, d’étudier aussi l’infini et de rechercher s’il est ou s’il n’est pas ; et dans le cas où il est, ce qu’il est.
Une preuve manifeste que cette recherche sur l’infini appartient en propre à la science de la nature, c’est que tous ceux qui ont traité avec une véritable autorité cette partie de la philosophie, se sont occupés de l’infini. Tous en ont fait un principe des êtres.
Les uns, comme les Pythagoriciens et Platon, pensant que l’infini est en soi ce principe, en ont fait non pas l’attribut et l’accident d’une autre chose, mais une substance qui existe par elle-même.
La seule différence, c’est que les Pythagoriciens mettent l’infini parmi les choses sensibles ; car ils ne supposent pas que le nombre est séparé des choses ; et l’infini est pour eux ce qui est en dehors du ciel. Platon, au contraire, pense qu’en dehors du ciel il n’y a rien, pas même les Idées, qui d’ailleurs ne sont nulle part ; et il n’en soutient pas moins que l’infini est dans les choses sensibles et dans les Idées.
Les Pythagoriciens disent encore que l’infini est le pair ; car selon eux, c’est le pair qui, enveloppé et complété par l’impair, donne aux êtres l’infinitude. Ils allèguent en preuve ce qui se passe dans les nombres, où eu ajoutant les gnomons à l’unité, et séparément, on obtient tantôt une figure toujours différente et tantôt une figure pareille. De son côté, Platon distingue deux infinis, qui sont le grand et le petit.
Les philosophes physiciens supposent tous à l’infini une autre nature, et lui prêtent celle des éléments qu’ils admettent, tels que l’eau, l’air, et les intermédiaires analogues.
Parmi ceux qui reconnaissent que les éléments sont en nombre fini, personne n’a jamais songé à les faire infinis en grandeur.
Mais ceux qui croient les éléments infinis en nombre, comme Anaxagore et Démocrite, l’un les composant de ses parties similaires ou Homœoméries, et l’autre de ses formes partout répandues comme des germes, ceux-là pensent que l’infini est continu par le contact universel des choses.
Anaxagore affirme qu’une partie quelconque d’une chose est un mélange pareil au reste de l’univers, parce que selon lui on peut observer que tout vient de tout. C’est là aussi ce qui lui faisait dire qu’à l’origine tontes choses étaient pêle-mêle les uns avec les autres, et que, par exemple, ce qui est actuellement de la chair était aussi ce qui est actuellement des os et telle autre chose, que tout en un mot était tout, et que toutes choses étaient par conséquent confondues ensemble ; car selon lui, non seulement il y a dans chacune un principe de distinction pour cette chose même, mais un principe de distinction pour toutes les autres. Mais comme il est bien vrai, en effet, que tout ce qui se produit vient d’un corps analogue, qu’il y a réellement génération de tout, sans que d’ailleurs cette génération soit simultanée, ainsi que le croit Anaxagore, et comme enfin il faut un principe précis de génération, ce principe est certainement unique, et c’est ce qu’Anaxagore appelle l’Intelligence. Or, l’Intelligence en agissant intellectuellement doit partir d’un certain principe déterminé. Donc, nécessairement tout était jadis pêle-mêle ; et les choses ont dû commencer à recevoir le mouvement. Quant à Démocrite, il pense que jamais dans les éléments primordiaux l’un ne peut venir de l’autre ; mais que cependant c’est le même corps commun qui est le principe de tous les autres, ne variant jamais que par la grandeur et la forme de ses parties.
Ce qui précède doit nous prouver que l’étude de l’infini appartient bien aux physiciens.
Tous d’ailleurs ont eu pleine raison de faire de l’infini un principe ; car il n’est pas possible que l’infini ait été fait pour rien ; et on ne peut pas lui attribuer une autre valeur que celle de principe. Tout, en effet, est principe ou vient d’un principe ; mais il ne peut pas y avoir un principe de l’infini, puisqu’alors ce serait une limite qui le rendrait fini.
Il faut de plus que l’infini, en tant que principe d’un certain genre, soit incréé et impérissable ; car ce qui est créé doit avoir une fin ; et il y a un terme à tout dépérissement. Aussi, nous le répétons, il n’y a pas de principe de l’infini, et c’est lui qui semble le principe de tout le reste.
« Il embrasse tout, il gouverne tout, » comme le disent ceux qui ne reconnaissent point en dehors de l’infini d’autres causes telles que l’Intelligence ou l’Amour.
Ils ajoutent que l’infini est le divin, puisqu’il est immortel et indestructible, ainsi que le disait Anaximandre, et avec lui, le plus grand nombre des philosophes Naturalistes.