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ОглавлениеA M. LE BARON DE BONAFFOS,
LIEUTENANT-COLONEL D’ARTILLERIE.
Improbus ille puer.
(VIRGILE. )
QUE ton éloge est adroit et flatteur,
Mais qu’il est loin d’alléger mes disgrâces!
Tu le sais, cher ami, cet objet séducteur,
Dont ma muse peignit les attraits et les grâces,
En son orgueil dédaigne et l’amant et l’auteur.
Non, non, jamais l’aimable Éléonore
A mes transports ne livrera sa main;
De ce beau jour, dont je rêvai l’aurore,
Je ne verrai jamais le joyeux lendemain.
Pourquoi donc me vanter des talens et des charmes
Qui tourmentent mon cœur déja trop agité ?
N’aggrave pas le poids de mes alarmes
Par le tableau de la félicité.
Disciple infortuné de Tibulle et d’Ovide,
J’osai lui répéter dans mon enchantement:
«Le Temps jaloux sur son aile perfide
«Emporte jusqu’au sentiment.
«Tous nos jours sont comptés: la vie est si rapide!
«Pourquoi la perdre à faire mon tourment?
«Éléonore, imite cette rose;
«Elle efface en éclat les œillets d’alentour:
«Mais, dès l’instant que la fleur est éclose,
«Son calice s’entr’ouvre aux baisers de l’amour.
«Réponds à mes transports, réponds à mon ivresse,
«O toi qui fais l’espoir de tout mon avenir!
«Tes superbes refus, d’un affreux souvenir
«Ne feraient qu’affliger ta pénible vieillesse.
«De mes rivaux, ah! rejette les feux;
«Crains leurs desirs; ils ne sont qu’une offense!
«Ils ont des projets d’inconstance,
«Et n’ont pas comme moi mérité d’être heureux.»
Par ces conseils, de mon sort déplorable
Je m’efforçais d’adoucir les rigueurs.
Mais vainement; elle est inexorable!
L’Amour est un tyran qui s’abreuve de pleurs;
Au bonheur, sous sa loi, nul n’a droit de prétendre:
De courts plaisirs et de trop longs malheurs,
Tels sont les seuls présens que l’on doit en attendre!
En vain l’illusion, par sa flatteuse erreur,
A charmé quelquefois les peines de mon cœur,
Tandis que, sur les bords de l’Ariége fertile,
L’imagination, caressante et docile,
Offre à mes sens l’image du bonheur;
Peut-être loiu de moi l’ingrate Éléonore,
Dans un monde brillant, et frivole, et trompeur,
Rit sans pitié du feu qui me dévore.
Semblable, hélas! au triste voyageur,
Parcourant les déserts de l’ardente Arabie,
Sans verdure, sans eaux, sans ombrages, sans fleurs,
Seul dans l’espace il erre avec mélancolie,
Abandonné de même, en proie à mes malheurs,
Aucun abri ne s’offre à mon ame attendrie.
Oui, cher ami, tu vois un malheureux
Désenchanté du charme de la vie.
Ah! comme lui jamais ne deviens amoureux!
De regrets trop amers la constance est suivie.
La gloire, digne prix de nos héros guerriers,
Va conduire tes pas dans les champs des Bataves;
Distingue-toi parmi nos braves,
Et couvre ton front de lauriers.
Tu sais combattre, écrire, et vaincre et plaire,
Et les plus doux succès vont être ton salaire.
Pour moi, qui n’ai plus qu’à souffrir,
Et qu’à pleurer ma triste indifférence,
Jouet infortuné d’une fausse espérance,
Je vis pour des tourmens qui ne peuvent finir.
De mes jours, qu’ont tissus les sombres Euménides,
Je n’aspire aujourd’hui qu’à terminer le cours;
Et je suspends ma lyre aux branchages arides
Des cyprès, dont la vue attriste les Amours.