Читать книгу Les Amours - Auguste de Labouïsse-Rochefort - Страница 22
ОглавлениеL’ORAGE.
A ÉLÉONORE.
NON, ne crains rien, et suspends ta colère;
Je ne viens point te parler de mes feux:
Je sais que ce langage a trop su te déplaire;
Je le sais, il suffit. Mais regarde les cieux;
Vois comme autour de nous tout annonce l’orage;
Abandonne ces fleurs que tu venais cueillir,
Et des fertiles bords de ce charmant rivage
N’hésite pas, cruelle, à revenir.
Quoi! tu ne trembles point! Vois ces nuages sombres
Dans les airs, par degrés, épaississant leurs ombres;
Vois monter, vois voler au gré des aquilons
La poussière et la feuille en d’épais tourbillons.
Ces rares gouttes d’eau tombant sur ton visage,
Le murmure des bois agités par les vents,
Le vol douteux de ces oiseaux tremblans....
Tout me fait craindre.... O trop juste présage!
A ton retour tu ne dois plus songer.
L’éclair brille déja, déja la foudre gronde;
Viens, hâte-toi: vois-tu cette grotte profonde?
C’est un asile sûr contre un si prompt danger.
Mais quel nouvel effroi!... comme ton cœur palpite!
Tu trembles! ah! bannis la frayeur qui t’agite;
Je serai près de toi sans te parler d’amour.
Oui, que je reste ici tout le temps de l’orage;
Quand la foudre et les vents auront calmé leur rage,
Je quitterai ce tranquille séjour.
Suis-moi sans crainte en cet antre paisible
Où la foudre et l’éclair n’ont pénétré jamais;
Ces masses de rochers et ces lauriers épais
Nous serviront d’un rempart invincible.
Viens donc t’asseoir et respirer en paix.
Tu me serres la main!... O bonheur plein de charmes!
Je sens tes bras craintifs pressés autour de moi,
Comme si je voulais me séparer de toi!
Qui? moi, t’abandonner? Dissipe tes alarmes;
Je ne partirai point, dût le ciel en courroux...
Va, je desirais trop un instant aussi doux...
S’il naissait de l’amour, et non pas de la crainte!...
Ah! laisse à ton Auguste un espoir si flatteur:
Ne t’imposais-tu pas une dure contrainte?
Peut-être tu m’aimais, peut-être la pudeur,
Et non pas le mépris, fit naître ta rigueur.
Ces tendres mouvemens, cette frayeur extrême,
Seraient-ils de l’Amour un heureux stratagème?
Tu gardes le silence, et tiens les yeux baissés;
Tu rougis, tu souris... O touchante éloquence!
Ne parle point: ce modeste silence,
Ta rougeur, ton sourire, en disent bien assez.
Dût encore gronder l’orage sur ma tête,
Ce jour est de mes jours le plus cher à mon cœur!
Je triomphe, et, dans mon bonheur,
J’ai retrouvé le calme au sein de la tempête.