Читать книгу Les Amours - Auguste de Labouïsse-Rochefort - Страница 19
ОглавлениеLE TRIOMPHE DE LA GLOIRE.
DANS l’oisive Scyros, délicieux séjour,
Achille languissait, esclave de l’Amour,
De l’Amour, qui, jaloux et fier de sa conquête,
De son noble captif assurait la défaite.
Belle Déidamie, ornement de Scyros,
C’est par toi que l’Amour subjugua ce héros;
Et, lorsqu’il t’emprunta le pouvoir de ses armes,
A tes charmes encore il ajouta des charmes.
Un seul geste, un seul mot, un sourire, un coup d’œil,
Tout devient pour Achille un dangereux écueil.
Sans relâche, en tous lieux, ce dieu rusé l’assiége;
A son trop faible cœur chaque pas offre un piège:
S’il parcourt du palais le séjour enchanté,
Tout rappelle à ses sens la molle volupté.
Erre-t-il dans les bois, dont l’ombrage propice
Aux larcins amoureux offre un voile complice,
Le souffle caressant du zéphyr séducteur,
D’un nuage d’oiseaux le ramage enchanteur,
Le murmure discret de l’onde fugitive,
Qui vient en se jouant expirer sur la rive,
Tout lui parle d’amour, tout est plein de ses feux.
Achille, sans regret, sous des habits honteux,
Usait dans le repos des jours dus à la gloire.
Le prix de la valeur, les armes, la victoire,
Ont pour son cœur flétri des attraits impuissans;
Il se plaît désormais aux refus languissans,
Aux tendres entretiens, aux promesses nouvelles,
Aux pardons précédés et suivis de querelles,
Aux langoureux soupirs, à mille riens charmans,
Qui sont peu pour le sage, et tout pour les amans.
«Toi seule, disait-il, es mon espoir, ma vie....»
D’un tendre et long soupir sa voix était suivie.
«C’est pour toi que je vis,. que je vivrai toujours....»
Il pressait sur son sein l’objet de ses amours.
Achille n’était plus qu’un amant: quand la gloire,
Voyant l’amour sur elle usurper la victoire,
S’indigne, accourt, lui parle, et présente à ses yeux
Ulysse, tout brillant d’un éclat belliqueux.
Achille, à cet aspect qui l’étonne et l’éclaire,
Rougit, pâlit, frémit de honte et de colère:
L’armure a remplacé l’indigne vêtement.
Avide d’expier un long égarement,
Il partait; mais il voit son amante éplorée,
Hors d’haleine, accourir, pâle, désespérée;
Elle voulait parler, mais en vain! par trois Fois,
Ses soupirs, ses sanglots, interrompent sa voix.
Ah! si l’infortunée eût pu se faire entendre,
Sans doute qu’à le vaincre elle aurait pu prétendre.
«Quel injuste transport égare votre cœur?
«Lui dit-il. Voulez-vous un amant sans honneur?
«Ma perte à réparer vous sera trop facile.
«Voulez-vous un héros? laissez partir Achille:
«Mais, croyez-en ma foi; quand je quitte Scyros,
«Sans cesser d’être amant, je puis être un héros.
«Oui, je n’aurai que vous, vous seule pour amie.
«Adieu...» Ce mot terrible abat Déidamie;
Le frisson de la mort glace déja son cœur.
Ou la gloire, ou l’amour, qui sera le vainqueur?
La gloire fait briller une palme attrayante;
L’amour offre à ses yeux sa maîtresse expirante;
L’une l’appelle un lâche, et l’autre un assassin.
Le héros et l’amant, confondus dans son sein,
S’y livrent une guerre intestine et funeste:
Il soupire, il frémit; il veut partir, il reste;
Il s’éloigne, il revient; le héros combattu
Fait taire enfin l’amour, recueille sa vertu,
Qui pour la gloire alors fait pencher la balance.
Oppressé de douleur, dans un morne silence,
Achille réfléchit, se détermine, et part:
Il pleurait; mais la gloire, achevant son ouvrage,
Raffermit le héros, le soutient d’un regard,
Et l’aide à triompher à force de courage.
Tel est ce Dieu perfide en sa bizarre humeur;
Qui le brave est vaincu, qui le fuit est vainqueur.
Ainsi je veux, affranchi de ses chaînes,
Fuir désormais ses pièges séducteurs.
Barbare tyran de nos cœurs,
Tu ne riras plus de mes peines:
Dans le doux espoir d’être heureux,
J’avais fait le choix d’une amie
Plus belle que Déidamie;
J’étais plus qu’Achille amoureux.
Mais je fuirai ses charmes dangereux;
Dans ce projet mon ame est affermie,
Et je sens s’éteindre mes feux.