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X.
MADAME DR RÉMUSAT A M. DE RÉMUSAT, A LAFITTE.

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Table des matières

Paris, dimanche16avril1815.

Je n’ai plus affaire ici, je m’y ennuie beaucoup, et j’ai un peu dans la tête que les voyages deviendront plus difficiles dans quelque temps qu’à présent, parce qu’en cas de guerre, la France sera bien un peu agitée. Je tâche de trouver des gens raisonnables qui me donnent des nouvelles positives, mais l’embarras c’est que je me défie de ce qu’on me dit. Le Moniteur est à la guerre; il est bien certain que nos frontières sont menacées, mais, enfin, tout cela peut bien être une montre seulement, et on peut encore hésiter, en s’armant des deux côtés. Les personnes qui viennent du Midi m’assurent qu’il est bien tranquille; quelques-uns me disent que, d’un moment à l’autre, les Espagnols peuvent le menacer; mais il me semble que leurs armées ne doivent pas être ni bien actives, ni bien, importantes, et que nous serons toujours mieux sur notre habitation, d’abord parce que nous y vivrons, et puis parce que nous serons ensemble. Si tu m’écris, tu m’éclaireras un peu. Si les lettres que je recevrai de toi dans cette semaine sont dans le sens que je suppose, et qu’elles m’annoncent le désir de nous voir, je suis très capable de partir dans une huitaine de jours. Si elles m’invitent à attendre, je demeurerai, jusqu’à ce que tu aies répondu à cette lettre-ci. Voilà mon plan; nos santés sont bonnes, nous avons un peu d’argent, de la raison, du courage, de la gaieté, ce qui est toujours bon à quelque chose, et tu te reposeras sur tout cela.

J’imagine que les journaux doivent te paraître assez curieux. Tu auras été surpris, comme moi, de la note où tu es nommé dans le Moniteur d’hier. Au reste, tu es présenté d’une manière honorable. Il est curieux-d’apprendre, à présent, ce que nous n’avons jamais su, avant; j’ai cru devoir écrire au duc d’Otrante, parce que la vérité est toujours bonne à dire, «que tu ignorais complétement que M. de Talleyrand eût pensé à te placer à la cour de Louis XVIII, que, s’il t’avait consulté, tu n’aurais pas accepté cet honneur, parce que tu connaissais trop les hommes et les choses pour vouloir être placé de manière à te trouver en contact avec les prétentions et les droits des grands seigneurs, que ton désir avait été de rentrer; s’il était possible, dans la magistrature, ta carrière naturelle.» J’ai montré cette lettre à des amis qui l’ont approuvée, et comme elle ne renferme que des vérités, elle ne m’a donné aucune peine à écrire. Je trouve que, dans les temps d’orages politiques, il faut se mettre franchement dans la position de sa conduite, et s’en remettre ensuite aux événements. La tienne, mon ami, a été si raisonnable, si modérée, si noble, qu’elle est bonne à exposer, et je défie tous les partis de ne pas dire que tu sois un honnête homme. Voilà ce qui fait ma force et ma consolation, et lorsque, dans tes lettres, tu me plains de tes peines, tu as tort; car je t’assure que je suis calme, pleine d’espérance, parce que je n’ai nulle prétention, que je ne veux qu’une obscurité paisible, et que le bonheur de t’aimer, et de vivre pour toi, me paraît ce qu’il y a de plus doux au monde. Menons donc doucement nos pauvres petites barques, séparées s’il le faut, ensemble si nous pouvons, et ne te décourage pas plus que moi.

Correspondance de M. de Rémusat pendant les premières années de la Restauration. I

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