Читать книгу Traité des opérations de banque, de bourse et de change, à l'usage des capitalistes, des employés de banque et des candidats aux administrations financières - Charles Lejeune - Страница 19
LE ROLE DE LA BANQUE DE FRANCE PENDANT ET DEPUIS LA GUERRE, DE 1914 A 1921
ОглавлениеLa situation. — A la fin de l’année 1913, la situation générale était assez troublée; le budget se soldait par un déficit de plus de 700 millions; le programme militaire et naval était en suspens. Un projet d’emprunt de 1.300 millions avait été repoussé par les Chambres, en novembre. Il devint toutefois inévitable, et la loi du 20 juin 191.4 autorisa l’émission de 805 millions de rentes 3 ½, amortissables en vingt-cinq ans. L’emprunt fut couvert 40 fois, mais la presque totalité des rentes était entre les mains de gros capitalistes et de maisons de banques qui espéraient le classer dans les portefeuilles de la petite épargne.
D’autre part, l’épargne française, mal conseillée, avait placé de grosses sommes, dans les premiers mois de 1914, dans les emprunts de divers pays étrangers. Certains devaient devenir nos adversaires, — la Turquie, la Bulgarie, — et s’étaient procuré ainsi les ressources nécessaires à leurs armements:
C’est au moment où nous nous trouvions dans cette sorte de désarroi que survinrent les événements qui, en quelques jours, allaient amener la déclaration de guerre.
Mesures prises par la Banque. — Depuis de longues années, il était évident que nos ennemis s’organisaient en vue d’un conflit qu’ils déclancheraient quand le moment leur paraîtrait favorable. Les actes de l’Allemagne, dans le domaine financier comme au point de vue militaire, prenaient un caractère de plus en plus agressif et belliqueux. La Banque de France ne méconnaissait pas le rôle qui lui serait dévolu en cas de guerre; se tenir prête en vue de cette éventualité était pour elle un devoir impérieux.
Encaisse. — Elle s’était appliquée, depuis plusieurs années déjà, à constituer et à accroître une encaisse d’or considérable.
En 1897, l’encaisse jaune était de 1.945 millions. En 1905, 2.855 millions; au 1er janvier 1913, 3.194 millions; grâce à un effort énergique, elle était portée à 4.141 millions, le 30 juillet 1914.
Cette progression, si rapide dans les dernières années, montre la volonté arrêtée de la Banque de renforcer le trésor de guerre de la nation.
Dans le même ordre d’idées, la Banque de France, prévoyant la thésaurisation qui ne manquerait pas de se produire et la crise monétaire qui s’ensuivrait, s’était préoccupée d’y remédier. De petites coupures de 20 francs et de 5 francs, fabriquées depuis plusieurs années, étaient réparties par avance sur tout le territoire et prêtes à être mises en circulation pour remplacer les monnaies métalliques. Leur émission commença dès le 31 juillet 1914, et, en dix jours, s’éleva à 600 millions.
Pour épuiser cette question, notons dès maintenant qu’au mois de mai 1916, en vue de faciliter les paiements, la Banque émit des coupures de 10 francs. La circulation, qui comprenait plusieurs centaines de millions de coupures, ne put être alimentée que par la création de nouveaux ateliers de fabrication.
Enfin, la Banque ouvrit ses guichets à la réception, au paiement et à l’échange des bons de monnaie émis par les Chambres de commerce.
Mesures administratives — Les mesures à prendre pour le fonctionnement des services en cas de mobilisation avaient été minutieusement arrêtées en temps utile, et furent réalisées sans délai et sans trouble au moment opportun, malgré les difficultés innombrables surgies de la situation, difficultés qui ont pu être surmontées grâce à la sagacité et à la compétence de la haute administration de la Banque. Il est juste d’ajouter que celle-ci, par la voix de son Gouverneur, M. Pallain, à l’occasion des comptes rendus aux Actionnaires, a fait ressortir la part de mérite qui revenait à un personnel particulièrement dévoué en ces circonstances exceptionnelles.
Dans les pages qui vont suivre, nous examinerons le rôle de la Banque de France pendant les années de guerre, en indiquant les mesures que les circonstances ont fait naître. Beaucoup des opérations nées de la guerre se poursuivent encore actuellement; nous considérerons donc dans le même ensemble toute la période qui s’étend de 1914 à 1922.
Services rendus à l’Etat. — LES AVANCES. — Des conventions conclues en 1911, en complément d’accords antérieurs, et qui furent ratifiées par la loi du 5 août 1914, avaient fixé les conditions du concours que la Banque de France devait fournir au Trésor en cas de mobilisation.
La Banque s’était engagée, dans cette éventualité, à mettre à la disposition du gouvernement, une avance de 2.900 millions, à verser au fur et à mesure des besoins.
Après la Marne, on comprit que la lutte devait être longue et que les dépenses deviendraient formidables, au delà de toute imagination. Des conventions successives fournirent de nouvelles avances à l’État: le 26 décembre 1914, 3.100 millions; les 10 juillet 1915, 16 février et 4 octobre 1917, 5 avril et 7 juin 1918, chacune 3 milliards — portant ainsi le total des avances à 21 milliards.
Ces avances étaient productives d’un intérêt de 1 %, réduit en réalité à 0,855 % par le paiement de l’impôt du timbre sur les billets et d’une redevance égale au huitième de l’intérêt.
La loi du 20 décembre 1918 (renouvellement du Privilège, dont nous parlerons plus loin) a fixé à 0,50 % le prélèvement au profit du Trésor sur l’intérêt de 1 %. La part restant à la Banque, après le paiement de l’impôt du timbre sur les billets, était ainsi ramenée à 0,48 %.
Le prélèvement de 0,50 % servait à alimenter un fonds d’amortissement qui, après couverture des pertes éventuelles qu’entraînerait la liquidation des effets prorogés, devait être appliqué à l’atténuation de la dette même de l’État. Il était stipulé que l’intérêt passerait de 1 % à 3 %, un an après la cessation des hostilités, le supplément de 2 % allant au fonds d’amortissement.
Au lendemain de l’armistice, le Gouvernement se trouva en présence de besoins nouveaux et d’une liquidation formidable à organiser, tandis que les besoins anciens allaient, longtemps encore, continuer de peser sur le Trésor. Il y avait lieu, en outre, de retirer les coupures locales émises dans les régions du Nord, et d’établir notre régime monétaire en Alsace-Lorraine. Le Gouvernement dut à nouveau recourir à la Banque, et des conventions approuvées par les lois du 5 mars et du 17 juillet 1919 portèrent à 27 milliards le chiffre global des avances à l’État. L’intérêt de ces deux avances était fixé à 0,75 % l’an, à verser en totalité, sur la demande même de la Banque, au fonds d’amortissement.
Toutefois, la Banque n’avait pas consenti ces avances supplémentaires sans manifester son désir de voir cesser les demandes du Trésor, pour qu’ensuite la liquidation graduelle de la, dette fût poursuivie avec persévérance.
Aussi, par l’article 3 de la Convention du 24 avril 1919, approuvée par la loi du 17 juillet, le Trésor s’engageait-il à éteindre cette dernière avance sur le montant du plus prochain emprunt. Cet engagement fut reporté d’abord au 31 décembre 1920, puis au 31 décembre 1921.
A cette dernière date, le premier remboursement était enfin opéré dans le délai fixé ; la Banque portait en outre en atténuation de la dette de l’État l’excédent disponible, soit 1.279 millions, du compte spécial d’amortissement. Les avances à l’État se réduisaient ainsi à 23 milliards. Cet effort financier marque une étape décisive vers une liquidation progressive des emprunts nationaux et vers une restauration, sur des bases normales, des éléments d’actif qui garantissent le crédit du billet.
AVANCES AUX GOUVERNEMENTS ALLIÉS. — La Trésorerie a également demandé le concours de la Banque pour la réalisation, par l’escompte de Bons du Trésor français, des avances de l’État à des Gouvernements alliés. A la fin de l’année 1921, ces avances se chiffraient à 4.142 millions.
SERVICES DE CAISSE. — La guerre a fourni à la Banque l’occasion de donner plus complètement à l’État le concours qu’elle lui avait promis pour les services de caisse et de recouvrements du. Trésor public.
C’est par l’intermédiaire de la Banque que les besoins des services publics des Trésoreries des armées furent satisfaits, ainsi que ceux des armées alliées opérant sur notre territoire.
La Banque assurait ainsi le service des prélèvements et des versements des comptables du Trésor, les virements de fonds effectués par la Banque à Paris et dans les départements pour le compte du Trésor, les remises d’effets à l’encaissement et les encaissements de mandats, les paiements d’arrérages de rentes, etc. A partir de 1916, ces opérations se multiplièrent: règlement des créanciers de l’État par chèques barrés sur la Banque et, un peu plus tard, par ordonnancement direct au crédit de leur compte en banque; faculté laissée aux redevables de s’acquitter envers les comptables publics par la remise de chèques, etc...
Le total des opérations ainsi réalisées pour le compte du Trésor s’est élevé :
Tous ces mouvements de fonds ont été et sont effectués par la Banque à titre gratuit.
ÉMISSIONS. — L’article 9 de la loi du 17 novembre 1897 spécifie que «la Banque devra ouvrir gratuitement ses guichets à l’émission des rentes françaises et valeurs du Trésor français». Elle avait, en conséquence, largement contribué à l’émission de l’emprunt 3 ½ amortissable. Mais lorsqu’en septembre 1914 on décida d’émettre les Bons de la Défense nationale, et plus tard les Obligations, et enfin les divers emprunts de Rentes, elle ne se contenta pas de recevoir les souscriptions. Elle s’efforça de les intensifier en faisant comprendre au public les avantages des titres offerts et l’intérêt national qui s’attachait à leur souscription: affiches, tracts, prospectus, circulaires, création de comités de propagande, conférences, aucun moyen ne fut négligé. Elle donna aux notaires les plus grandes facilités pour recueillir des souscriptions.
Cet effort a été continué après la cessation des hostilités, et les tableaux ci-dessous permettront d’apprécier l’importance du rôle de la Banque dans les souscriptions:
1° Emissions d’emprunts.
2° Placement des bons de la Défense nationale.
Les placements d’obligations, beaucoup moins importants, s’élevaient au total, en 1921, à 1.118 millions.
L’ensemble des bons souscrits ou renouvelés et des obligations placées par l’intermédiaire de la Banque, depuis le début de la guerre jusqu’à fin décembre 1921, représente un chiffre global de 108 milliards 763 millions.
On sait qu’en vue de faciliter la mobilisation des valeurs du Trésor, et pour en stimuler les souscriptions, la Banque escompte les Bons de la Défense nationale lorsqu’ils n’ont pas plus de trois mois à courir jusqu’à leur échéance, et qu’elle consent des avances, au prorata de 80 %, sur les Bons et Obligations de la Défense nationale, et sur les titres des Emprunts.
LES CHANGES. — La production ne pouvant suffire à l’énorme accroissement de consommation nécessitée par la guerre, il fallut recourir de plus en plus largement à l’importation; il en résulta une hausse des changes étrangers, qui ne tarda pas à s’accentuer d’une manière inquiétante.
Dans l’organisation des mesures de défense contre cette crise qui menaçait de paralyser le règlement de nos achats à l’extérieur, la Banque eut pour ligne de conduite d’aider le marché du change à s’adapter, avec le minimum de trouble, aux conditions anormales créées par la guerre, en encourageant et en appuyant les initiatives privées en vue du rétablissement des crédits internationaux.
Dès 1915, l’excédent de nos importations sur nos exportations dépassait 5 milliards ½ ; cette différence pesait lourdement sur notre balance économique.
La Banque s’efforça de constituer une importante provision de changes, afin de régulariser les mouvements du marché. Les ventes de changes, subordonnées à la justification des besoins, dépassèrent 800 millions de francs. D’autre part, elle favorisait les négociations des valeurs internationales sur les marchés étrangers et créait un service spécial pour les centraliser. Elle cautionnait à Londres un crédit de 5 millions de livres ouvert pour un an par un groupe de banquiers de Londres à une banque parisienne. Elle garantissait également à New-York une avance de 2 millions de dollars, puis obtenait un premier crédit de 20 millions de dollars de la maison Brown brothers.
La Banque donnait également son concours à l’État. Elle remettait à la Banque d’Angleterre 20 millions de souverains, en contrepartie desquels l’État obtenait un crédit de 62 millions de livres st. pour le paiement des importations effectuées pour son compte.
En 1916, les engagements de change pris dans l’intérêt du commerce français à l’occasion d’opérations de crédit ou de renouvellements négociés en Angleterre, en Amérique, en Suisse, en Danemark, en Norvège, et auxquelles la garantie de la Banque de France était concédée, s’élevaient à plus de 500 millions de francs. Elle avait répondu aux demandes de change pour plus de 3 milliards ½, sans que les prix des principales devises eussent subi de changements importants.
C’est également en mai 1916 que le Trésor, afin d’accroître ses moyens de paiement à l’étranger, fit appel aux porteurs de titres des pays neutres. Cette opération fut suspendue en septembre 1918. La Banque recueillit dans sa clientèle 788.000 titres d’une valeur de 646 millions.
En 1917, malgré les restrictions imposées à l’entrée des marchandises qui ne répondaient pas à un besoin absolu, malgré les difficultés du tonnage, le chiffre des importations augmenta considérablement. Les opérations de crédit négociées avec la garantie de la Banque étaient, pour cette année, de 600 millions. Le total des ventes de change approchait de 15 milliards de francs. Cependant, l’intervention des États-Unis aux côtés de la France et de ses alliés, les avances de la Trésorerie américaine au Gouvernement français, exercèrent une influence favorable; la livre et le dollar se maintinrent à des cours un peu inférieurs à ceux de 1916.
Avec la cessation des hostilités commence une période d’efforts pénibles; les avances des Trésoreries anglaise et américaine sont interrompues; nos moyens de paiement à l’étranger diminuent, et le marché du change reste livré à ses seules ressources. Au même moment, l’insuffisance des récoltes nous oblige à demander aux marchés étrangers une part très large des denrées nécessaires. L’industrie nationale ne peut fournir les énormes quantités de matériaux, d’outillage, de produits de toutes sortes qu’exige notamment la remise en état des régions dévastées. Dès lors, nous assisterons à la hausse des devises étrangères; la Banque de France fournira encore, en 1919, 2.200 millions de change; mais notre balance commerciale présente un déficit de 25 milliards, et, en janvier 1921, la livre sterling et le dollar atteindront leurs cours les plus élevés: 61 fr. 59 et 17 fr. 18.
Cependant, en 1921, le solde déficitaire de notre balance commerciale n’a pas atteint 2 milliards de francs, alors qu’il dépassait 23 milliards en 1920, et les changes se seraient sensiblement améliorés si l’arriéré des exercices antérieurs n’avait pesé encore sur la valeur internationale de notre monnaie.
Le concours de la Banque à ces opérations, si importantes pour le commerce, a toujours été absolument gratuit.
Services rendus au commerce, à l’industrie, au public. — ESCOMPTES ET AVANCES. — La fin de juillet 1914, alors que les événements se précipitaient, fut une période critique pour les établissements de crédit. Les capitalistes effrayés voulant rentrer dans leurs fonds, les ordres de vente de titres se multipliaient. Les guichets des banques étaient assiégés; il leur fallait en toute hâte réescompter leur portefeuille pour satisfaire aux demandes de retraits et éviter la panique.
Aussi, dès le 25 juillet, les présentations à l’escompte à la Banque de France furent considérables. De 1.554 millions le 25 juillet, son portefeuille atteint 3.041 millions le 1er août, pour dépasser 4 milliards le 4 août.
Il était de 4.476 millions au 1er octobre, en effets dont les échéances se trouvaient prorogées. Disons de suite que le commerce français, fidèle à d’anciennes et fortes traditions, s’est libéré dans la plus large mesure. Fin 1921, ce portefeuille prorogé était réduit à moins de 50 millions, dont la liquidation se poursuit graduellement; 4.418 millions avaient été remboursés, soit 98,70 % du total maximum.
Après avoir donné le concours le plus large aux sociétés de crédit pendant la période critique, la Banque dut apporter quelques restrictions aux facilités accordées; notamment, elle éleva le taux de l’escompte à 6 %.
Les avances sur titres s’étaient considérablement accrues. Pendant la dernière semaine de juillet 1914, elles avaient augmenté de plus de 25 millions, et dès le 1er août, la Banque fixa une limite aux prélèvements, afin d’éviter la constitution de réserves individuelles trop importantes. La quotité des prêts fut ramenée à 50 % pour toutes les valeurs engagées, et le taux élevé de 5 % à 7 %.
Cependant, désireuse de favoriser l’intérêt général, elle ne cessa pas d’escompter le papier qui lui était présenté ou de consentir les avances lorsqu’il s’agissait de satisfaire à des besoins légitimes du commerce et de l’industrie, dont elle se fit justifier, tels que paiements de salaires ou achats de matières premières. Tous ceux qui contribuaient à assurer la vie économique du pays, qui travaillaient pour la Défense Nationale, trouvèrent toute l’aide nécessaire en s’adressant à la Banque, soit directement, soit par l’intermédiaire de leurs banquiers.
Pour faciliter l’accès de ses guichets à Paris, elle ouvrit, le 24 août 1914, un bureau spécial destiné à toutes les opérations d’escompte ou d’avances intéressant les commerçants et les industriels, bureau dont le chiffre d’opérations devint bientôt considérable. C’était le commencement de la décentralisation dans la capitale, qui se poursuivit dans la suite par la création de nouvelles agences.
Enfin, dès le 20 août 1914, le taux de l’escompte était ramené à 5 %, et celui des avances à 6 %.
Pendant toute la durée des hostilités, puis dans les années qui ont suivi, la Banque de France n’a pas cessé de prêter libéralement son concours au commerce, à l’industrie, à l’agriculture et aux particuliers, sous forme d’escompte ou d’avances.
Dans la crise intense qui commença en 1919, et qui se fait encore sentir profondément, elle s’efforça de donner sans restrictions, au monde des affaires, l’appui le plus complet, dont les chiffres suivants permettront d’apprécier l’importance.
Du 24 décembre 1919 au 24 décembre 1921, le portefeuille commercial passait de 1.268 millions à 2.283 millions; la moyenne, pour 1921, s’élevait à 2.686 millions; le point culminant avait été atteint le 5 janvier avec 3.345 millions.
En ce qui concerne les avances sur titres, qui étaient de 729 millions en 1913 et 1.222 millions en 1916, elles s’élevèrent à 2.314 millions le 7 décembre 1921.
Autres mesures. — La Banque de France prit encore différentes mesures, tant pour faciliter les opérations de sa clientèle que pour enrayer le développement toujours croissant de l’inflation fiduciaire. Elle encouragea l’usage des chèques, des virements et des règlements par écritures, en supprimant toute commission pour ces opérations. Nous avons déjà dit que les créanciers du Trésor, des administrations de l’Etat, des Chemins de fer, des Villes purent, par son intermédiaire, être payés par mandatement direct au profit de leur compte en Banque.
En résumé, quand la guerre a éclaté, la Banque de France était prête à accomplir tout son devoir; sa politique prudente, en consolidant ses ressources, lui en avait fourni les moyens.
Le concours qu’elle a donné à la Trésorerie nationale, les crédits qu’elle a dispensés au commerce et à l’industrie, pendant les hostilités comme dans la période d’instabilité monétaire et de réadaptation qui les a suivies, prouve qu’elle a bien rempli le programme que lui imposait dès 1898 son Gouverneur, M. Georges Pallain: «Faire de la Banque, en cas de péril national, la garantie suprême du salut de la Patrie.»
Le dernier renouvellement du privilège.
(20 DÉCEMBRE 1918.)
La loi du 17 novembre 1897 avait fixé pour terme du privilège concédé à la Banque de France la date du 31 décembre 1920, et les conventions des 11 et 28 novembre 1911, approuvées par la loi du 29 décembre, n’y avaient apporté aucune modification.
La question du renouvellement du Privilège fut donc à nouveau soumise à l’examen des Chambres, dès 1917. Les rapporteurs des Commissions de la Chambre et du Sénat se plurent à proclamer l’importance des services que la Banque avait rendus pendant la guerre à toutes les branches de l’activité nationale. Ils montrèrent aussi comment le crédit propre dont la Banque de France jouit dans le monde entier, quoique distinct de celui de l’Etat, l’avait cependant renforcé d’une façon qui s’était révélée singulièrement utile.
L’ère des réparations et du travail pacifique réservait à la Banque de nouveaux et impérieux devoirs: il fallait envisager la liquidation graduelle des immobilisations exceptionnelles de la période de guerre, préparer le retour aux paiements en espèces, et, en même temps, seconder par une assistance libérale, la reprise des affaires, la reconstitution et l’essor économique du pays.
Pour que la Banque pût entreprendre sans retard et poursuivre dans la sécurité du lendemain cette tâche longue et délicate, les pouvoirs publics, répondant au vœu unanime des Chambres de commerce et des groupements professionnels, renouvelèrent pour vingt-cinq ans, à partir du 1er janvier 1921, son privilège d’émission.
La loi du 20 décembre 1918, qui proroge le privilège de vingt-cinq ans, c’est-à-dire jusqu’au 31 décembre 1945, sanctionna les conventions des 26 octobre 1917, 11 mars et 26 juillet 1918 avec l’État, et l’avenant du 11 mars 1918, et fixa les conditions de ce renouvellement.
Les principales dispositions de ces conventions sont relatives aux charges financières nouvelles imposées à la Banque.
Fonds d’amortissement. — Aux termes de la convention du 21 septembre 1914, l’intérêt des avances à l’État, un an après la cessation des hostilités, est porté de 1 % à 3 %. Le supplément d’intérêt, 2 %, est destiné à alimenter un fonds d’amortissement qui, après couverture des pertes sur effets prorogés, sera appliqué à l’atténuation de la dette de l’État.
La Banque verse, en outre, à ce fonds d’amortissement, le montant de la contribution qu’elle s’est engagée à payer à l’État et qui est assise sur le produit brut des avances à l’État et de l’escompte de bons du Trésor français à des gouvernements étrangers; puis, à dater du 1er janvier 1918, un prélèvement de 50 % sur l’intérêt de 1 % des avances à l’État, et de 85 % sur le produit de l’escompte des Bons du Trésor français à des gouvernements étrangers.
Le compte d’amortissement est, en outre, bonifié d’un intérêt calculé au taux net des avances à l’État, tous impôts déduits.
Redevance. — Le régime de la redevance sur la circulation productive a été modifié. A la redevance ordinaire dont le tarif reste variable suivant le taux de l’escompte, s’ajoute désormais un prélèvement supplémentaire, progressif suivant l’importance des produits.
a) REDEVANCE PRINCIPALE. — Elle a pour base le produit du solde moyen de la circulation productive par le taux de l’escompte; il est appliqué à ce produit (augmenté du montant des intérêts perçus sur effets prorogés, et diminué des sommes partagées entre la Banque et l’État lorsque le taux de l’escompte dépasse 5 %), une proportion de:
b) REDEVANCE SUPPLÉMENTAIRE. — La redevance principale étant déduite du total qui a servi de base, l’État perçoit encore une redevance de 20 %, calculée:
Ces redevances seront-perçues sans préjudice des impôts dus par la Banque, tels qu’ils sont déterminés par les lois existantes.
Pour mémoire, rappelons que la Banque acquitte en outre un «impôt spécial de timbre sur les billets de banque» fixé à 2 0/00 de la circulation dite productive, et de 0,20 0/00de la circulation non productive.
Dividendes. — Il a été également stipulé que dans le cas où la Banque distribuerait un dividende net supérieur à 240 francs par action, elle devrait verser à l’État une somme correspondant à l’excédent net réparti.
Affectation au crédit agricole. — Le montant des sommes provenant de la redevance supplémentaire, ainsi que de l’attribution d’une part de bénéfice en cas de super-dividende, sera, aux termes de l’article 3 de la loi, attribué au Crédit agricole et à d’autres œuvres de crédit. Les forces productives du pays profiteront ainsi des nouvelles charges imposées à la Banque.
Avances à l’Etat. — Les avances permanentes de la Banque de France à l’État, s’élevant ensemble à 200 millions de francs, sont prorogées jusqu’à l’expiration du privilège et ne porteront pas intérêt.
La Banque versera en outre au Trésor une somme de 5 millions sur le montant des billets d’ancien type à impression bleue sur fond rose restant en circulation; le surplus devra être versé le 2 janvier 1923.
L’article 7 de la convention du 26 octobre 1917 maintient également les diverses mesures prises par la Banque pendant les hostilités, en vue de favoriser les opérations du Trésor, et dont nous avons déjà parlé.
Mesures dans l’intérêt du commerce et du public. — Dans l’intérêt du commerce et du public, la Banque s’engageait à étendre le nombre de ses établissements par la création de 12 succursales, 25 bureaux auxiliaires et 50 villes rattachées.
La loi consacre enfin les mesures que la Banque avait prises spontanément depuis plusieurs années:
— admission à l’escompte et à l’encaissement du papier déplacé ;
— accession à la faculté d’escompte pour les sociétés de caution mutuelle du petit et moyen commerce, de la petite et moyenne industrie, instituées par la loi du 13 mars 1917;
— exonération de toute commission pour l’encaissement des chèques barrés tirés sur des banques, pour le paiement des effets domiciliés par. ses ayant comptes, pour les déplacements de fonds par virements ou chèques.
La Banque enfin assurait à nouveau le Ministre des Finances de son désir d’appuyer les initiatives qui auraient pour objet de favoriser l’expansion économique de la France au dehors.
Loi du 20 décembre 1918
portant renouvellement du privilège de la Banque de France.
ART. 1er. — Le privilège concédé à la Banque de France parles lois des 24 germinal an XI, 22 avril 1806, 30 juin 1840, 9 juin 1857 et 17 novembre 1897, est prorogé de vingt-cinq ans, à partir du 1er janvier 1921, et prendra fin le 31 décembre 1945.
ART. 2. — Sont approuvés, la convention passée le 26 octobre 1917 et l’avenant à ladite convention en date du 11 n ars 1918, ainsi que les conventions additionnelles passées les 11 mars et 26 juillet 1918 entre le Ministre des Finances et le Gouverneur de la Banque de France.
Ces conventions sont dispensées des droits de timbre et d’enregistrement.
ART. 3. — Le produit de la redevance supplémentaire instituée par l’article 4 de la convention du 26 octobre 1917, ainsi que la part de bénéfices revenant éventuellement à l’État, en vertu de la convention additionnelle du 26 juillet 1918, seront affectés, chaque année, au crédit agricole, jusqu’à concurrence de la somme nécessaire pour parfaire la dotation résultant de l’application des lois des 17 novembre 1897 et 29 décembre 1911. Le surplus sera réservé et versé à un compte spécial du Trésor, jusqu’à ce que des dispositions législatives aient déterminé les conditions dans lesquelles ce produit sera affecté à des œuvres de crédit.
ART. 4. — Aucun Régent de la Banque de France ne pourra être administrateur de sociétés financières de pays en guerre avec la France.
Convention du 26 octobre 1917
approuvée par la loi du 20 décembré 1918.
ART. 1er. — Le bénéfice des opérations d’escompte prévues par les statuts fondamentaux de la Banque (art. 9 du décret du 16 janvier 1808) est étendu aux sociétés de caution mutuelle du petit et moyen commerce, de la petite et moyenne industrie.
ART. 2. — A dater du début de l’exercice 1918, les produits exceptionnels résultant de l’escompte des Bons du Trésor français à des gouvernements étrangers et de l’impôt sur les avances temporaires consenties à l’État donneront lieu, au profit de l’État, aux prélèvements ci-après:
85 % du produit de l’escompte des Bons du Trésor français à des gouvernements étrangers;
50 % des intérêts perçus sur les avancés à l’État, déduction faite de l’intérêt supplémentaire de 2 % visé aux articles 4 et 5 de la convention du 21 septembre 1914, sanctionnée par la loi du 26 décembre 1914, intérêt qui sera versé intégralement au compte de réserve et d’amortissement institué par l’article 5 de ladite convention.
Cette contribution comprendra la redevance sur les éléments susvisés, lesquels ne seront pas repris dans la circulation productive.
Le montant de la contribution ainsi déterminé sera versé au fur et à mesure de l’encaissement par la Banque des produits correspondants, au compte spécial de reserve et d’amortissement susvisé.
Pour la période écoulée entre le 1er août 1914 et la clôture de l’exercice 1917, la Banque versera, audit compte spécial, dès la promulgation de la loi approuvant la présente convocation, une somme de 200 millions, qui comprendra le solde de la redevance pour l’exercice 1917 sur les produits visés au paragraphe 1er du présent article.
Pour le passé, ce versement de 200 millions et, pour l’avenir, les prélèvements prévus au premier alinéa du présent article tiendront lieu, pour la Banque, d’impôt sur les bénéfices de guerre.
ART. 3. — L’article 5 de la convention du 21 septembre 1914 est ainsi complété :
«Le compte spécial sera débité du montant en principal des effets impayés provenant du portefeuille immobilisé par la prorogation des échéances, au fur et à mesure que la Banque, après la cessation de cette prorogation, entrera ces effets impayés en souffrance.
«Le compte sera débité de même, au fur et à mesure de leur entrée en souffrance, du montant en principal des créances résultant des versements effectués chez des correspondants alliés ou neutres en contre-partie du règlement, en France, par l’intermédiaire de la Banque, d’effets ou d’opérations antérieures au 4 août 1914.
«La Banque continuera à gérer le portefeuille des effets et créances en souffrance, elle portera au crédit du compte susvisé les rentrées successives qu’elle obtiendra sur le montant en principal de ces effets et créances.
«A aucun moment, le solde créditeur du compte ne pourra être supérieur au montant des effets prorogés et des créances susvisées; l’excédent, de même que toutes sommes devant être ultérieurement versées au compte spécial, sera porté en amortissement de la dette de l’État, ou directement au compte du Trésor lorsque cette dette sera remboursée.»
ART. 4. — Pour le calcul de la redevance instituée par l’article 5 de la loi du 17 novembre 1897, on ajoutera au produit obtenu en multipliant le solde moyen de la circulation productive par le taux de l’escompte, déductionfaite, s’il y a lieu, des sommes partagées entre la Banque et l’État, déduction faite, à l’article 12 de la même loi, le montant des intérêts perçus conformément à l’article12 de la même loi, le montant des intérêts perçus par la Banque sur des effets prorogés, et on appliquera à la somme ainsi déterminée une proportion de 5 %. Si, pendant une période quelconque, le taux de l’escompte dépasse 3,50 — 4 ou 4,50 %, cette proportion sera pour la période correspondante, respectivement portée à 7,50 — 10 ou 12,50 %.
En outre, il sera perçu, sur le produit déterminé comme ci-dessus des opérations productives de la Banque, pour chaque exercice annuel, après déduction de la redevance visée à l’alinéa précédent, une redevance supplémentaire de 20 %, la tranche comprise entre 0 et 50 millions n’étant comptée que pour un quart de son montant, entre 50 et 75 millions pour trois huitièmes, entre 75 et 100 millions pour quatre huitièmes, entre 100 et 125 millions pour cinq huitièmes, entre 125 et 150 millions pour six huitièmes, entre 150 et 175 millions pour sept huitièmes.
La redevance et la redevance supplémentaire seront perçues sans préjudice des impôts dus par la Banque tels qu’ils sont déterminés par les lois existantes. Toute majoration de ces impôts et toute création d’impôts qui atteindraient les opérations déjà frappées par les redevances seraient compensées avec le montant de ces dernières, l’excédent étant perçu en sus, le cas échéant,
Ces dispositions entreront en vigueur à partir du 1er janvier 1918.
ART. 5. — Les avances permanentes de la Banque de France à l’État résultant des traités des 10 juin 1857, 29 mars 1878, 31 octobre 1896, 11 novembre 1911 et s’élevant ensemble à 200 millions de francs, sont prorogées jusqu’à l’expiration du privilège. Ces avances ne porteront pas intérêt. En garantie de leur remboursement il sera re ms à la Banque de France un bon du Trésor, à l’échéance des avances
ART. 6. — La Banque maintiendra les créations de succursales, bureaux auxiliaires, villes rattachées, réalisées par elle en dehors des obligations prévues par la loi du 17 novembre 1897 et par la convention du 11 novembre 1911.
Dans le délai de dix ans à partir de la promulgation de la loi approuvant la présente convention, il sera créé douze succursales et vingt-cinq bureaux auxiliaires.
La Banque s’engage, en outre, à organiser le service d’encaissement dans ses cinquante villes rattachées parmi lesquelles seront compris les chefs-lieux d’arrondissement et de canton de 6.000 habitants et au-dessus qui ne sont pas bancables
ART. 7. — La Banque de France continuera d’effectuer gratuitement le paiement des chèques et virements tirés par les comptables du Trésor sur le compte du Trésor et de prêter à l’État son concours gratuit, dans les conditions fixées par les décrets en vigueur pour faciliter le règlement par virements des mandats ordonnancés et visés bon à payer, établis au profit de ceux des créanciers de l’État et des départements qui ont des comptes ouverts, soit à la Banque de France, soit dans une maison de banque titulaire d’un compte à la Banque de France.
Elle prêtera son concours au Trésor gratuitement, dans les mêmes conditions, pour faciliter le règlement, par virements au débit du compte courant du Trésor, des mandats qui lui seront transmis par les comptables du Trésor, après avoir été établis par les communes et les établissements publics au profit de leurs créanciers ayant des comptes ouverts, soit à la Banque de France, soit dans une autre maison de banque titulaire d’un compte à la Banque de France.
Elle procédera sans frais à l’encaissemsnt des chèques tirés ou passés à l’ordre des comptables du Trésor et des régies financières.
ART. 8. — La Banque de France s’engage à exonérer de toute commission pour tous ses comptes, l’encaissement des chèques barrés tirés sur les places bancables et des chèques tirés sur les banques adhérentes à une chambre de compensation ou sur leurs correspondants.
Elle s’engage à maintenir, pour tous ses, comptes, la faculté de domicilier sans frais à ses guichets le paiement de leurs effets et d’échanger égalememt sans frais des virements entre comptes résidant sur des places différentes.
ART. 9. — La présente convention est dispensée des droits de timbre et d’enregistrement.
Avenant du 11 mars 1918.
ART. 1er. — L’article 3 de la convention du 26 octobre 1917 est complété par les dispositions suivantes:
«La Banque bonifiera le solde du compte d’amortissement d’un intérêt calculé au taux net des avances à l’État, déduction faite de l’impôt du timbre et du prélèvement prévu à l’article 2 de ladite convention.
«Cet intérêt sera porté à un compte annexe le dernier jour de chaque semestre.
«Au moment de la liquidation finale du compte d’amortissement, il sera fait un décompte récapitulatif des sommes successivement absorbées. par l’amortissement ou attribuées à l’État sur le montant dudit compte.
«La Banque versera au Trésor une part du compte annexe, proportionnelle au total des sommes attribuées à l’État d’après le décompte récapitulatif susvisé.»
Convention additionnelle du 11 mars 1918.
ART. 1er. — Par application du principe général selon lequel l’État a seul droit au. bénéfice résultant de ce qu’une partie des billets n’est pas présentée au remboursement, la Banque de France versera au Trésor, aux dates ci-après fixées, une somme représentant le solde des billets de tous les anciens types à impression bleue sans fond rose et: des petites coupures de 20 à 25. francs émises antérieurement à 1888, restant en circulation.
Un acompte de 5 millions de francs ayant été versé à titre définitif en exécution de la convention du 28 novembre 1911, un nouvel acompte d’un montant égal sera versé au Trésor dans le mois suivant l’entrée en vigueur de la présente convention.
Le surplus sera versé le 2 janvier 1923.
ART. 2. — A partir du moment où le solde en circulation sera devenu inférieur aux sommes versées au Trésor, l’État prendra à sa charge l’échange des billets qui seraient ultérieurement présentés au remboursement, sans que toutefois son bénéfice final puisse être inférieur à la somme de 5 millions de francs versée en exécution de la convention du 21 novembre 1911.
Convention additionnelle du 6 juillet 1918.
ART. 1er. — A compter de l’exercice 1918, toute répartition d’un dividende annuel supérieur à 240 francs nets d’impôts par action, obligera la Banque à verser à l’État une somme égale à l’excédent net réparti.
Organisation administrative de la Banque de France.
L’organisation administrative de la Banque a été réglée par la loi du 22 avril 1806, complétée par. le décret du 16 janvier 1808 (statuts fondamentaux).
Sous l’empire de la loi du 24 germinal an XI (14 avril 1803), l’administration de la Banque appartenait exclusivement à ses actionnaires: la direction était confiée à un comité central composé de trois Régents, dont un. Président. Actuellement, elle se compose de deux sortes de membres, les uns nommés par le Gouvernement, les autres par les actionnaires.
L’organisation actuelle de la Banque comprend 3 rouages: la Direction, le Conseil général, l’Assemblée des Actionnaires.
Gouverneurs. — A la tête de l’Administration, sont un Gouverneur et deux Sous Gouverneurs. Tous trois sont nommés par le Pouvoir exécutif et par lui révocables, L’article 3 de la loi du 17 novembre 1897 a rendu les fonctions de Gouverneur incompatibles avec le mandat législatif. A la suite de cette disposition de la loi, M. Magnin a donné sa démission de Gouverneur, et M. Pallain a été nommé, pour le remplacer, par un décret du 30 décembre 1897.
M. Pallain a dirigé la Banque de France jusqu’au mois d’août 1921. Dès sa désignation au poste de Gouverneur, il entreprit de développer et de consolider toutes les ressources de la Banque, et de la mettre à même de rendre les services que le pays devait en attendre. Pendant la guerre, il montra une prévoyance toujours en éveil, une inlassable volonté, une confiance immuable dans le succès final.
Il a été remplacé par M. G. Robineau qui appartenait à la Banque de France depuis plus de trente années. Les Sous-Gouverneurs actuels sont MM. Morel, ancien Trésorier général, et Ernest Picard qui, pendant près de vingt-cinq ans, occupa les fonctions de Secrétaire général.
En appelant MM. Robineau et E. Picard à ces hauts postes, le Gouvernement a voulu reconnaître les éminents services rendus par les collaborateurs immédiats de M. Pallain, au moment où pesaient sur eux de si lourdes et redoutables responsabilités.
La loi du 22 avril 1806 a donné pour mission principale au Gouverneur d’exercer un contrôle sur les actes de la Banque au nom des intérêts de l’État et du crédit public. Toutes les opérations sont dirigées par lui, et à son défaut par les Sous-Gouverneurs auxquels il délègue ses fonctions.
Le Gouverneur préside le Conseil de régence et l’Assemblée générale des Actionnaires.
Conseil général. — Le Conseil général se compose de quinze Régents et de trois Censeurs, élus par l’Assemblée générale des Actionnaires, renouvelables chaque année, les premiers par cinquième et les seconds par tiers. Cinq Régents sur les quinze et les trois Censeurs doivent être pris parmi les manufacturiers, fabricants ou commerçants actionnaires de la Banque; trois autres Régents doivent être pris parmi les Trésoriers généraux des Finances en exercice.
Régents et Censeurs veillent sur toutes les opérations de la Banque. Leurs attributions sont multiples; elles consistent: à fixer le taux de l’escompte; à délibérer sur l’émission des billets de banque; à arrêter le compte rendu qui doit être présenté à l’Assemblée des Actionnaires.
Le Conseil général se réunit pour l’examen des questions administratives. Ses membres sont répartis en Comités spéciaux qui sont: le Comité d’escompte; le Comité des billets; le Comité des livres et du portefeuille; le Comité des caisses; le Comité des Succursales; le Comité des relations avec le Trésor public et les Trésoriers payeurs généraux.
Assemblée des Actionnaires. — A côté de l’Administration proprement dite est l’Assemblée générale des Actionnaires. Elle est composée de ceux qui sont constatés être depuis six mois révolus les deux cents plus forts propriétaires de ses actions. Elle est investie du droit de nommer les Régents et les Censeurs et d’approuver lé bilan des opérations annuelles.
Bilan hebdomadaire. — Nous devons ajouter qu’en vertu du décret du 15 mars 1848, la Banque publie toutes les semaines un état de situation. Cet état est arrêté par le Conseil de régence dans sa séance hebdomadaire du jeudi, et publié chaque vendredi au Journal officiel.
Tous les six mois enfin, pendant la dernière semaine de juin et de décembre, la Banque arrête le montant des dividendes à distribuer aux actionnaires.
Le dividende le plus élevé attribué aux actions a été celui de 1873, qui a été fixé à 360 fr. 81. Celui de 1897 a été de 109 francs Pendant plusieurs années, le dividende se maintint à 140 francs; il passa à 160 francs en 1912, 200 francs en 1913-14-15, puis à 240 francs de 1916 à 1919. En 1920, il a été de 255 francs, et de 270 francs en 1921.
Voici la liste des Gouverneurs de la Banque de France depuis sa fondation.
Comptoirs de la Banque. — Le décret du 16 janvier 1808 constituant les «Statuts fondamentaux» de la Banque décide la création de Succursales désignées sous le nom de Comptoirs d’escompte dans les villes de départements où les besoins du commerce en feront sentir la nécessité, et le décret du 8 septembre 1810 stipule que la Banque de France exercera son privilège dans les villes où les Comptoirs d’escompte sont établis, de la même manière qu’elle est autorisée à l’exercer à Paris.
L’ordonnance du 25 mars 1841 détermine les conditions de formation et de fonctionnement des Comptoirs d’escompte. Aux termes de cette ordonnance:
Aucun Comptoir de la Banque ne peut être établi ou supprimé qu’en vertu d’une loi; les opérations des Comptoirs sont les mêmes que celles de la Banque centrale.
L’Administration de chaque Comptoir est composée:
d’un Directeur;
de douze Administrateurs au plus et de six au moins, suivant l’importance du Comptoir;
de trois Censeurs.
Les Censeurs sont nommés par le Conseil général de la Banque.
Les Administrateurs sont nommés par le Gouverneur, sur une liste de candidats en nombre double de celui des membres à élire.
Les fonctions d’Administrateur et de Censeur sont gratuites et ne donnent droit qu’à l’attribution de jetons de présence.
Le Directeur de chaque Comptoir est nommé par le Chef de l’État; il exécute les arrêts du Conseil général et se conforme aux instructions transmises par le Gouverneur. Il préside le Conseil d’administration, dont il fait partie ainsi que les Administrateurs et les Censeurs. Nul effet ne peut être escompté dans un Comptoir que sur la proposition des Administrateurs composant le Comité des escomptes et avec l’approbation du Directeur.
Les Comptoirs de la Banque furent dénommés Succursales par le décret du 27 avril 1848.
Les Établissements de la Banque de France se subdivisent en Succursales, Bureaux auxiliaires (agences dépendant d’une succursale) et Villes rattachées (où la Banque n’assure qu’un service d’encaissement d’effets).
Au 31 décembre 1921, on comptait:
Le personnel comprenait 5.190 employés titulaires de tous grades et 7.800 agents auxiliaires ou dames employées.
Institutions patronales et mutuelles. — Les dispositions concernant les conditions de recrutement, d’avancement et de discipline du personnel de la Banque de France, font l’objet d’un statut réglementaire approuvé par le Ministre des Finances (Convention du 29 décembre 1911, article 8).
Dès sa création, la Banque de France se préoccupa d’organiser, conformément au vœu des statuts fondamentaux de 1808, «une Caisse de réserve en faveur de ses employés pour leur assurer une pension de retraite et des secours en cas de maladie, ainsi qu’à leurs veuves et orphelins».
Diverses institutions ont été successivement créées, qui assurent une retraite à tous les agents, tant titulaires qu’auxiliaires:
1° La Caisse de réserve des employés a été instituée et réglementée par les décrets des 16 janvier 1808 et 15 juillet 1874.
La retenue opérée sur les traitements est de 2%.
La pension de retraite est obtenue après trente ans de service (vingt-cinq ans pour le personnel de la Recette); elle est calculée sur la moyenne du traitement des trois dernières années;
2° La Caisse des retraites des dames-employées. La retenue est de 1 %; la retraite peut être obtenue dès vingt ans de service suivant l’âge;
3° Les Caisses spéciales du personnel auxiliaire et des ouvriers et ouvrières des usines à papier.
Le Gouvernement de la Banque apporte en outre son aide à des institutions mutuelles: la Société de prévoyance des employés, la Société d’épargne, la Société des pensionnaires mutuels, l’Union des aides à la Recette, l’Association mutuelle des dames employées la Société de prévoyance dotale des enfants du Personnel de la Banque. Ces Sociétés ont pour but de donner des secours en cas de maladie, des indemnités au décès, des retraites supplémentaires, de constituer des dots.
Ajoutons encore que la Banque manifeste sa sollicitude pour son Personnel en consacrant des sommes importantes aux secours en cas de maladie, primes de naissance, indemnités spéciales pour charges de famille, etc...