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Du béton
ОглавлениеLe béton peut être regardé comme une maçonnerie coulée, formée de pierres ou briques concassées à la grosseur d’un petit œuf, et de mortier hydraulique en quantité telle que les pierres y soient entièrement noyées et retenues. Ainsi fait, le béton présente une masse compacte et uniforme, qui lorsque son ensemble a fait prise offre en peu de temps une résistance assez solide. Une couche ou assise de béton pouvant être considérée comme formant un seul morceau, une seule masse, on comprend de suite les services qu’il peut rendre pour la fondation des bâtiments. Une couche de béton de 11 centimètres d’épaisseur peut supporter un poids de 380 kilogrammes sans se rompre. Aussi si l’on étend une masse de béton de 55 centimètres à 1 mètre d’épaisseur sur le plus mauvais sol, en donnant à cette masse une largeur en rapport avec la compressibilité du sol, il est impossible d’admettre aucune séparation des matières composant cette masse compacte. La mise en œuvre du béton n’amenant aucun choc, aucune commotion du sol, il est donc préférable à toute autre matière pour fondement dans un mauvais sol.
La bonne qualité du béton dépend surtout de la qualité de la chaux hydraulique et de l’addition du trass au ciment, de la pureté et de la vivacité des arêtes des pierres employées, et enfin du mélange soigneux des matières qui le composent. Il ne faut mettre dans le béton que la quantité de mortier nécessaire pour envelopper les pierres concassées et remplir les interstices qui pourraient s’établir. La proportion du mortier ne doit pas dépasser les 2/5 cubes de la totalité de la masse. Dans des fondements à sec, au-dessus de l’eau, afin d’obvier à une prise (dureté) trop précipitée, on peut ajouter à la chaux hydraulique 1/8 à 1/4 de son volume de chaux grasse et plus de sable dans les mêmes proportions.
On prépare le béton sur une aire ou plancher formé de fortes planches, de madriers ou de dalles; ce plancher aura de 12 à 14 mètres de longueur, de 3 à 5 mètres de largeur. A une des extrémités longitudinales de ce plancher on placera une couche de mortier hydraulique, et sur cette couche on étendra également les pierres concassées du volume environ d’une grosse noix ou d’un petit œuf. Deux ou trois ouvriers munis de forts râteaux à dents de fer tireront la masse à eux, de manière à ce que les pierres en mouvement soient amalgamées avec le mortier mu en même temps; d’autres ouvriers placés en face des premiers, et munis de pelles, ramassent les pierres et le mortier restés en route pour les jeter ensuite dans la masse ou sur le tas en mouvement.
Quand le plancher a été parcouru de cette manière, les ouvriers changent de position et recommencent l’opération de nouveau en roulant la masse avec leurs rateaux. Quand elle est bien triturée ou amalgamée, on la dépose en tas. Elle peut être employée le lendemain; mais il vaut infiniment mieux s’en servir immédiatement.
On peut aussi faire ce béton par des moyens mécaniques, mais ce procédé n’est généralement employé que pour de grands travaux. Sur un sol de médiocre résistance, on peut éviter des fondations trop profondes ou trop épaisses, en établissant un béton de deux ou trois fois la largeur des murs à construire et en donnant à cette couche de béton une épaisseur de 40 à 55 centimètres.
S’il s’agit de murs élevés portant des poids considérables, on donnera à cette couche de 80 centimètres à 1 mètre d’épaisseur. Indépendamment de la sécurité qu’offre la couche de béton contre des tassements partiels, elle empêche encore l’humidité du sol inférieur de s’élever dans les murs.
L’eau de source n’est pas un obstacle à l’emploi du béton: car ce dernier la refoule et acquiert une dureté d’autant plus forte que l’eau le submerge pendant un certain temps.
Lorsqu’on veut obtenir un béton tout à fait imperméable et susceptible de résister à de fortes pressions d’eau, il est indispensable que le mortier remplisse complètement tout le vide existant dans la pierraille, et pour cela il est nécessaire que la quantité de mortier soit au moins égale au volume du vide. Ordinairement même, pour être bien sûr d’un remplissage complet, on en augmente la quantité d’environ 1/4 du volume du vide.
Mais lorsque les constructions ne sont pas soumises à des pressions d’eau et qu’elles s’exécutent dans des lieux secs, et lorsqu’il s’agit seulement d’obtenir des massifs incompressibles, on peut se borner à ajouter à la pierraille une quantité de mortier égale seulement à celle du vide qu’elle renferme, ou même un peu moindre.
D’après des expériences faites dans un grand nombre de chantiers, une masse de pierre concassée dont les morceaux ne dépassent pas la grosseur d’un petit œuf contient à peu près 38 pour 100 de vide quand les morceaux ne sont pas tous de grosseur uniforme, tandis que le volume du vide atteint 48 pour 100 quand tous les morceaux sont de grosseur uniforme; ainsi dans 1 mètre cube de biscailloux propres à faire du béton, on peut évaluer qu’il y a environ 520 à 620 décimètres cubes de parties solides et de 380 à 486 décimètres cubes de vide. Ces données peuvent être prises comme moyennes; mais si l’on veut opérer avec exactitude, on peut déterminer le vide relatif d’une masse de pierraille en procédant comme il suit:
«On prend un tonneau ou un bac bien étanché, et dont la capacité a été préalablement bien cubée; on le remplit avec de la pierraille concassée et préparée pour la fabrication du béton, qu’on a pris la précaution de mouiller préalablement et de laisser égoutter, afin de faire absorber par la pierre toute l’eau qu’elle peut retenir dans ses pores.
«Puis avec un vase préalablement jaugé, on verse de l’eau dans le tonneau rempli de pierraille, et l’on continue l’opération jusqu’à ce qu’on voie l’eau affleurer au bord du vase. «On constate ainsi: 1° La capacité égale à celle du tonneau occupée par la pierraille; 2° Le volume des vides qu’elle contient, et qui est évidemment égal à celui de la quantité d’eau qu’on aura pu y verser sans la faire déborder du tonneau. On aura donc, de cette façon, la proportion du vide au plein de la pierraille, et l’on pourra, d’après cela, en se basant sur ce qui a été dit plus haut, déterminer les quantités proportionnelles de pierraille et de mortier nécessaires pour constituer un bon mélange.»
«Voici au surplus quelques dosages indiqués par MM. Laroque et Claudel, qui pourront servir de types dans un grand nombre de cas.
«Le transport du béton fabriqué, lorsque par les dispositions mêmes du chantier il n’arrive pas directement aux endroit où il doit être mis en œuvre, se fait dans des brouettes ou dans de petits wagons basculant en avant ou de côté, et parfois s’ouvrant par le fond au moyen de clapets () pour laisser écouler la matière qu’ils contiennent à l’emplacement convenable.
«Lorsqu’on travaille à sec, le béton se prend à la pelle et se pose par couches sur terrain préparé, en le laissant couler suivant son talus naturel sur les bords du massif. On prend soin seulement de le poser par couches régulières de 20 à 25 centimètres d’épaisseur, qu’on affermit en les pilonnant avec des dames en fer ou en bois. Lorsque le travail a été interrompu et que la dernière couche de béton a pu prendre corps, on doit, avant de poser une nouvelle couche, arroser l’ancienne couche pour faciliter la soudure entre les deux couches et leur permettre de ne faire qu’un seul corps.
«Lorsque le bétonnage doit être circonscrit par des faces verticales ou moins inclinées que celles du talus qu’il prend naturellement au moment où on l’emploie, on se sert d’un coffrage suffisamment solide fait en bois et en planches, offrant intérieurement la forme du massif de béton à construire, et on y étend la matière par couches de 20 à 25 centimètres d’épaisseur, comme dans le cas précédent. Ces coffrages peuvent être faits de manière à pouvoir être démontés et à servir ainsi successivement à la confection de diverses parties de mur ou de massif, d’une façon analogue à ce qui se pratique pour les constructions en pisé.
«Malgré toutes les précautions que l’on prend lorsqu’on coule du béton sous l’eau, il arrive toujours qu’une certaine quantité de la chaux du mortier se délaye et forme ce qu’on appelle une laitance, qu’il est important d’enlever; on réverve pour cela à proximité du massif de béton une dépression dans laquelle ces laitances se rassemblent et d’où on les enlève de temps à autre avec des louches ou des augets à clapet, et l’on a soin de procéder à l’étalage successif du béton de manière à chasser, par le fait même de l’opération, les laitances précédemment formées vers le point préparé pour les recevoir.
«En général, dans nos climats il ne faut pas travailler aux ouvrages de maçonnerie avant le 1er mars ni après le 1er novembre. » (DEMANET.)
Dans le cas où l’on serait obligé de circonscrire l’espace où l’on veut jeter des fondements dans l’eau, on s’y prendra de la manière suivante pour pouvoir travailler à sec. On enfoncera une rangée de pilots ou pieux extérieurs D descendant plus bas que le fond de la couche de béton, en les joignant aussi bien que possible pour empêcher la pénétration de l’eau et en les maintenant au-dessus du niveau de l’eau au moyen de traverses comme on peut le voir dans la fig. 45. En dedans de ces deux rangées de pieux, on étend le massif horizontal de béton A dans la totalité de l’étendue contenue entre les deux rangées de pilots. Avant que ce massif ne soit entièrement pris, ce qui s’opère dans un temps plus ou moins long, de deux à trois jours environ, o n enfonce, à une distance de 65 centimètres à 1 mètre de distance de la première rangée de gros pieux, une cloison b en palplanches taillées en chanfrein ou en biseau vers le bas, de manière à ce que son pied entre de 8 à 10 centimètres dans le massif de béton. Ces palplanches sont maintenues à leur sommet par des soles ou sablières longitudinales c. Ces préparatifs terminés, on remplit de béton l’espace BB compris entre la rangée de gros pieux et les palplanches, jusqu’à une hauteur un peu au delà du niveau le plus élevé de l’eau. Quand le béton est pris, on vide l’espace compris entre le fond et les deux murs de béton, et alors on maçonne à sec.
On ne peut répéter trop souvent que la première condition pour obtenir un bon béton, c’est que la chaux soit parfaitement convertie en hydrate avant son mélange avec les matières qu’elle est destinée à envelopper. Il faut donc d’abord la réduire à l’état de pâte épaisse, ensuite la changer en mortier avant d’y mêler les cailloux concassés. Au lieu de jeter le béton de la surface du sol sur l’endroit où il doit être employé, et où on le laisse s’asseoir comme il peut, on devrait le rouler et le tasser; car lorsque le béton est précipité d’une certaine élévation, les matériaux se séparent les uns des autres, et alors le fond du béton est privé de la proportion de chaux qui doit lui revenir.
Pour les travaux hydrauliques, où la prise du béton doit être rapide, on peut faire un excellent béton avec un mélange de chaux hydraulique, de pouzzolane et de sable. Les proportions suivantes sont données comme ayant eu les meilleurs résultats:
30 parties de chaux hydraulique, très énergique, mesurée en volume avant l’extinction.
30 — de trass d’Andernach,
30 — de sable,
20 — de gravier,
40 — de cailloux concassés, pierre calcaire dure.
Après manipulation ces proportions diminuent d’un cinquième de volume; on prépare d’abord le mortier, et ensuite on y ajoute les cailloux et le gravier. Dans le cas où l’on emploierait la pouzzolane d’Italie, les proportions seraient comme il suit (mesurées en volume comme précédemment):
33 parties de chaux hydraulique énergique, dosée avant l’extinction,
45 — de-pouzzolane,
22 — de sable,
60 — de cailloux concassés en gros gravier.
Le premier de ces deux bétons doit être employé immédiatement après sa préparation, et le second doit être exposé à l’air pendant douze heures environ avant de servir.
Dans le cas où l’on ferait emploi de glaise cuite et de briques pilées, les proportions seront les mêmes qu’avec le trass; mais cette matière ne doit pas être employée dans l’eau de mer. Si à la chaux hydraulique on substitue des chaux riches, grasses, la dose de la pouzzolane naturelle ou artificielle sera augmentée et celle du cailloux ou gravier diminuée.