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De l’emploi du béton dans les fondements
ОглавлениеNous avons vu plus haut comment se faisait le béton, voyons maintenant comment on l’emploie dans des ouvrages sous-marins, et dans les endroits où le sol ne peut être desséché.
Pour pouvoir donner aux terrains compressibles un certain degré de résistance, on y enfonce, de distance en distance, dans les tranchées de fouille, un pieu en bois, qu’on retire aussitôt pour remplir l’alvéole qu’il laisse avec du béton fortement pilonné au fur et à mesure de la pose. On fait autant de ces pieux en béton que cela est nécessaire pour rendre le sol résistant, puis on recouvre ce sol d’une couche de béton bien pilonnée.
Le pieu qu’on enfonce doit avoir de 1 mètre à 1m,60 de longueur, et de 0m,18 à 0m,25 de diamètre à la partie supérieure; sa tête doit être garnie d’une frette en fer, pour résister au choc du mouton ou du maillet, et il est percé d’un trou dans lequel on passe une pince ou une barre de fer, qui sert, pendant le battage, à remuer et à tourner le pieu au fur et à mesure qu’on l’enfonce, de manière à lisser les parois de l’alvéole et à leur donner une certaine consistance, qui permet la pose du béton sans qu’elles s’éboulent; ce mouvement imprimé au pieu le rend facile à retirer quand il est entièrement enfoncé.
On conçoit que, sur un sol consolidé par des pieux en béton, on peut encore faire usage d’une plate-forme en bois pour bien répartir la pression; mais le plus souvent on emploie une couche de béton assez forte pour qu’elle ne puisse se briser.
Il n’y a pas de difficulté, comme on voit, dans l’emploi du béton à sec; mais il n’en est point ainsi quand il doit être utilisé dans l’eau. Quoique le cadre de cet ouvrage soit restreint, et qu’il ne doive pas entrer dans des détails qui ne se rapportent pas directement à la construction ordinaire, nous croyons cependant convenable de consacrer quelques paragraphes à l’emploi du béton dans l’eau. Un propriétaire peut avoir une construction à élever au bord d’un lac, d’un ruisseau ou d’un fleuve: il peut vouloir faire un pont dans son parc. Nous allons donc l’aider dans ses opérations et le mettre à même d’exécuter ses projets.
L’immersion du béton en eau profonde présente généralement assez de difficultés. Pour des profondeurs d’eau qui ne dépassent pas de 1m,50 à 2 mètres, on adopte généralement le coulage au talus, qui consiste à descendre d’abord, au moyen d’une coulotte et d’une caisse en planches, une certaine quantité de béton pour former un talus naturel, jusqu’au niveau de l’eau. On fait ensuite progresser ce talus, en posant le béton hors de l’eau sur la crète de ce talus, comme s’il s’agissait d’un remblai. De temps à autre on facilite le glissement au moyen de la pelle. Le béton chasse devant lui la laitance, qu’on a soin d’enlever, au fur et à mesure qu’elle se forme, au moyen de la drague à main ou de pompes. Le coulage au talus est fréquemment employé pour les massifs de radiers ou de fondations de ponts, quand la profondeur d’eau ne passe pas 2 mètres.
Quand la profondeur d’eau excède 2 mètres, le coulage du béton se fait au moyen d’une trémie, ou mieux avec des caisses prismatiques ou demi-cylindriques que l’on descend au fond de l’eau où on les vide, soit en les basculant, soit en ouvrant une soupape. La caisse demi-cylindrique présente sur les autres l’avantage de diminuer les remaniements du béton sous l’eau, et de le maintenir autant que possible à sa consistance première, en réduisant son délayement et la formation de la laitance.
La laitance (chaux détrempée) se produit toujours en plus ou moins grande quantité, suivant les précautions apportées à l’immersion; elle est formée en grande partie par la chaux délayée, mais aussi par la vase qni s’est déposée sur le fond après le dragage, et qui se soulève quand on coule le béton. C’est afin de remplacer la chaux qui s’échappe sous forme de laitance, qu’on en force un peu la dose dans le mortier employé à la fabrication du béton destiné à être coulé.
Quand le béton est coulé dans une enceinte non fermée, la laitance est entraînée naturellement par l’eau s’il existe un petit courant; mais si, au contraire, l’enceinte est bien close, l’eau ne peut se renouveler, et la laitance se dépose en si grande quantité qu’il devient nécessaire de l’enlever.
L’immersion du béton doit se faire sans secousse, afin d’éviter tout délayement; la caisse doit être parfaitement remplie, et la surface du béton égalisée avec le plat de la pelle, de manière à la rendre presque lisse, et par suite plus propre à s’opposer à la pénétration de l’eau dans le béton. La caisse ne doit être vidée que quand elle arrive à 30 ou 40 centimètres du fond.
Quand il y a un courant, les couches de caissée, auxquelles on peut donner environ 1 mètre de hauteur, se forment en allant de l’amont vers l’aval, afin de favoriser l’écoulement de la laitance, qui se trouve naturellement entraînée en avant sur la couche inférieure, où elle se dépose, et d’où on l’enlève avec la drague à main ou mieux au moyen d’une pompe.
Les caissées doivent être descendues les unes sur les autres jusqu’à ce que le tas ait la hauteur qu’on veut donner à la couche. Quand un tas est formé, on avance le treuil sur l’emplacement du tas suivant, et on continue ainsi de suite par zones de tas, en ayant soin de toujours comprimer le béton au fur et à mesure de sa pose avec un pilon muni d’un long manche. La laitance va se déposer entre les bases des cônes formant les sommets des tas, d’où il est très important de l’enlever à mesure de sa formation, et surtout avant de placer dessus du nouveau béton, sans quoi elle formerait une espèce de vide sans consistance dans la masse. On facilite l’enlèvement de la laitance en la chassant avec un balai vers la couche inférieure, ou même vers un puisard disposé exprès pour faciliter son aspiration par des pompes. Quand une couche de caissée de 1 mètre environ d’épaisseur est coulée, on en pose dessus une nouvelle, et l’on continue ainsi de suite jusqu’à ce que le massif de béton arrive à la hauteur voulue.
Au lieu de faire l’immersion du béton par couches horizontales de caissées, pour faciliter l’écoulement de la laitance, on peut aussi le couler par gradins allongés donnant lieu à un talus de 28 de base pour 4 à 5 de hauteur.
Le coulage aux talus avec des caissées a été employé avantageusement pour de grandes profondeurs d’eau. Toute la hauteur de béton se mène d’une seule couche, que l’on pose par bandes appliquées les unes contre les autres, montées successivement du fond jusqu’à la surface, et ayant un talus de 1 et 1/2 à 2 de base pour 1 de hauteur. Sous cette inclinaison, et à cause de la perte du poids due à l’immersion, il ne se produit aucun éboulement ni roulement de pierrailles, surtout si l’on emploie le béton aussi ferme que possible, et qu’on ne le comprime pas trop au fur et à mesure de sa pose. La laitance ne se forme qu’en petite quantité, et elle descend au pied du talus, d’où on l’enlève facilement.