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Des pieux ou pilotis
ОглавлениеIl résulte de nombreuses expériences sur la résistance des bois, que des cubes en bois posés debout, c’est-à-dire dont la direction des fibres est verticale, ne sont écrasés que lorsqu’on charge le centimètre carré :
pour le chêne, de 384 à 461 kilogrammes;
— sapin, de 438 à 461 —
La compression qui précède l’écrasement est de 1/3 pour le bois de chêne et de la 1/2 pour le bois de sapin, de leur hauteur. Or comme la résistance des bois debout ou des pieux diminue dès qu’ils commencent à plier et qu’ils plient d’autant plus qu’ils ont plus de longueur, cette diminution dépend de la hauteur et de la surface transversale. Rondelet donne la progression suivante de la force des bois dans le rapport de leur hauteur ou longueur avec leur surface:
Pour que cependant ces expériences puissent trouver leur application dans la pratique, Rondelet donne pour règle, en supposant qu’il se trouve une infinité de circonstances qui peuvent doubler ou tripler l’effort d’un poids ou d’une charge, qu’il est prudent de ne compter la force d’un poteau dont la hauteur n’excède pas dix fois la longueur de sa base, qu’à raison de 48 kilogrammes par centimètre carré, et pour un poteau dont la hauteur serait de quinze fois la longueur de la base seulement 38 kilogrammes par centimètre carré.
Si l’on admet pour la stabilité d’un pieu 1/7 du poids qu’il faut pour l’écraser, on aura les nombres du tableau suivant, que Rondelet indique comme poids pour les bois selon le rapport de leur hauteur à la plus petite superficie de leur face transversale.
Quant aux pieux, en s’aidant du résultat des expériences faites par Rondelet, on pourrait trouver un guide dans les essais faits par Hodgkinson sur la résistance des bois de forme cylindrique posés verticalement dans la direction longitudinale de leurs fibres. Hogkinson à trouvé par des expériences faites sur des bois de forme cylindrique de 25,4 millimètres de diamètre et 50,8 millimètres de hauteur, dont la hauteur était par conséquent double du diamètre de la surface transversale, les résistances des bois comme il suit:
POIDS EN KILOGRAMMES PAR CENTIMÈTRE CARRÉ QUI AMENA L’ÉCRASEMENT.
Hodgkinson dit que les pieux en bois de chêne ont une résistance qu’on peut calculer au moyen de la formule suivante: que P soit le poids qu’ils peuvent supporter, exprimé en kilogrammes, que a soit la plus petite mesure et b la plus grande de la surface transversale, exprimées en centimètres, et l la longueur ou hauteur des pieux en décimètres, on aura:
pour des pieux carrés: P kilogrammes = 2565 ; pour des pieux rectangulaires: P kilogrammes = 2565 .
Comme on ne doit admettre que 1/10 du poids pour la résistance de pieux battus, de celui qui amènerait l’écrasement, Hodgkinson donne la formule qui suit:
pour des pieux carrés en bois de chêne: P = en kilog. 256,5 pour des pieux rectangulaires en chêne: P = en kilog. 256,5 pour des pieux carrés en pin des bois: P = 214,2 ; pour des pieux rectanguluires: P = 214,2 .
La profondeur à laquelle doivent être battus ou enfoncés les pieux et le poids destiné à les battre dépendent de la qualité du sol et de la charge que doit supporter le pieu. On admet en général que le poids du mouton dans le battage sur la tête du pieu doit être le double du poids que doit supporter le pieu une fois enfoncé, et qu’il faut poursuivre le battage jusqu’à ce que le poids du mouton à une même élévation ne produise plus après chaque volée que 2 à 3 millimètres d’effet. Dans les fondements de bâtiments de très grand poids, on ne considère la stabilité absolue des pieux que lorsqu’à la suite de trois volées successives ils ne s’enfoncent pas au delà de 2 à 3 millimètres.
Il est impossible d’indiquer la hauteur du battage d’un pieu opéré par un certain poids du mouton, et il est tout aussi impossible de préciser par la nature du battage combien un pieu pourrait supporter de charge une fois enfoncé. C’est ce que l’expérience seule peut apprendre: car dans un sol de nature égale le battage des pieux est quelquefois différent, et dans un sol de nature inégale le battage est nécessairement inégal dès que les couches de matières à travers lesquelles les pieux sont chassés se trouvent différentes. On a vu quelquefois que le battage dans un sol d’inégale nature n’enfonçait plus les pieux que de 2 ou 3 millimètres à la suite de volées régulières et de repos intermédiaires, et qu’ils arrivaient ainsi à la stabilité absolue. Cependant, en reprenant le battage au bout de quelques jours, le pieu s’enfonçait de nouveau à chaque volée, et cela de plusieurs millimètres et quelquefois même de quelques centimètres.
C’est au charpentier enrimeur à savoir, d’après le mouvement plus ou moins régulier des pieux, s’il faut continuer l’action du mouton pour arriver à la stabilité voulue des pieux, ou bien s’il est utile d’interrompre le battage pendant quelques jours afin de consommer alors cette stabilité d’une manière absolue.
Comme on est obligé pour les fondements d’enfoncer plusieurs rangées parallèles de pieux les unes à la suite de autres, il s’agit de savoir s’il faut commencer par les rangées intérieures ou extérieures du bâtiment. Il faut commencer par la rangée de pieux extérieure, continuer par la rangée intérieure et terminer par la ou les rangées intermédiaires.
Le battage des pieux extérieurs comprime le sol également sur les deux côtés, en sorte que les pieux qui devront y être enfoncés trouveront plus de fermeté de terrain, et par conséquent n’auront pas besoin d’être enfoncés aussi profondément que les pieux des rangées extérieures.
Si les pieux intermédiaires ou du milieu étaient battus en premier, il s’ensuivrait infailliblement que les pieux des rangées extérieures, trouvant une plus forte résistance vers le milieu du sol comprimé, s’enfonceraient d’aplomb par l’action du mouton, comprimeraient encore latéralement le sol du milieu déjà lui-même comprimé, le soulèveraient, le rendraient meuble, ce qui ébranlerait les pieux du centre.
Il est bon aussi de repasser le battage des rangées du milieu si les pieux qui les composent doivent atteindre la stabilité absolue avant d’y faire porter le poids définitif.
Quand la fouille est assez profondément pratiquée pour commencer le battage tracé d’après le plan par le constructeur, on fouille encore le sol pour y placer chaque pieu, et cela aussi profondément que le permet la nature du sol. Ensuite on place le pieu contre la sonnette, de manière à ce qu’il se trouve en dessous et au milieu du mouton; cette opération s’appelle l’enfermer. Si les pieux sont d’une longueur considérable, il faut nécessairement placer la sonnette sur un échafaudage ou de forts chevalets. Dès „ que l’enrimeur a légèrement enfoncé le pieu en terre, soit en l’ayant tourné, soit en l’ayant soulevé pour ensuite le laisser retomber, il doit l’assujettir avec un lien quelconque, une corde ou une chaîne, au montant ou aux jumelles. Cette opération peut se répéter en haut et en bas du pieu.
Puis on commence le battage avec le mouton, d’abord lentement avec des intervalles réguliers entre les coups; peu après on peut battre plus vite jusqu’à ce qu’on ait atteint le nombre voulu par minute. Dans le cours du battage, à un tiers de sa hauteur à partir du bas, le pieu est embrassé par des cordes ou chaînes pour qu’on puisse le maintenir par des leviers dans la direction qu’il doit avoir. Afin de pouvoir le plomber, on aura tiré au chantier trois lignes parallèles au moyen de coups de cordeau à l’axe du pieu et dans sa longueur, et qui, en étant plombées, devront toujours tomber d’aplomb avec le centre du pieu.
Pour manœuvrer la sonnette et surtout tirer le mouton, il faut choisir des hommes jeunes et robustes, qu’on place en cercle sur Je plancher, et en plusieurs cercles si le mouton est d’un grand poids, les hommes de petite taille au centre et les hommes grands en dehors, pour que l’action du tirage soit identique dans les cercles. Le cercle intérieur doit être formé d’un nombre d’hommes tel qu’ils ne se gênent point dans leurs mouvements et avoir la face tournée vers le nœud d’où partent les tiraudes. Il faut exiger que les hommes manœuvrent avec un ensemble parfait.
Après un certain nombre de coups, on crie aux ouvriers employés à cette corvée: au renard, pour les faire cesser tous en même temps, et au lard pour les faire recommencer. Ce commandement est prononcé par l’enrimeur. Aux mots de au lard, ils doivent faire un effort qui fasse monter le mouton au moins à 1m,50 ou à 1m,90. Si le commandement est bien exécuté, si les hommes agissent ensemble et avec énergie, le mouton s’élèvera à une hauteur encore plus considérable.