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Du battage des pieux ou pilotis. — De la sonnette à tiraudes.
ОглавлениеLa méthode la plus usuelle employée pour le battage des pieux consiste en une succession de coups donnés par une lourde masse en bois ou en fer, nommée mouton, et qui est élevée par une corde ou une chaîne agissant sur une poulie fixée au sommet d’un assemblage vertical de charpente, nommé sonnette, et qui retombe en liberté sur le pieu à battre.
La construction de la sonnette est très simple, quelle que soit la nature de la force employée ou la manière dont elle est utilisée, il y a peu de différence dans la combinaison des principales parties qui la composent. Les parties principales de la sonnette sont les montants, pièces de charpente verticales et destinées à diriger le mouton dans sa descente ou chute.
Il y a deux espèces de ces machines, que l’on nomme sonnettes à tiraudes et sonnettes à déclic.
La sonnette à tiraudes (fig. 56) a une disposition fort simple. Sa base horizontale est triangulaire; elle est nommée enrayure, et se compose d’une forte pièce de charpente, nommée semelle aa, sur laquelle une autre, appelée queue (b) vient s’assembler d’équerre; viennent ensuite deux contre-fiches (cc), pièces biaises, assemblées à tenon et mortaises dans la semelle aa et la queue b, et destinées à maintenir ces deux pièces dans leur position respective. Pour donner de la stabilité à la sonnette, on place sur l’extrémité de la queue des pierres ou une masse de fer, mais de manière à ne pas gêner les hommes qui doivent manœuvrer le. mouton.
La partie verticale d’une sonnette se compose de deux montants dd, qu’on nomme aussi jumelles, assemblés sur la semelle aa; ces deux montants sont réunis à leur sommet par une clef ou tête, appelée aussi chapeau, et maintenus par deux pièces biaises ou contre-fiches (ee), qui, s’appuyant sur la semelle aa, empêchent tout déversement latéral des jumelles.
Afin de maintenir les jumelles verticales de l’arrière à l’avant, on emploie une cinquième pièce de charpente biaise ou arc-boutant (h). Cet arc-boutant est traversé par de fortes chevilles en bois, qui servent d’échelons pour monter jusqu’au sommet de la sonnette; et cette disposition lui a fait donner entre autres dénominations, celles d’échelette et de rancher.
Entre les jumelles est placée une poulie fixe (g).
La masse de bois ou de fer m, ou mouton, glisse en avant et entre les deux jumelles; elle y est maintenue par des pièces de bois (nn) nommées guides. A l’anneau ou au crochet pratiqué au centre et au sommet de la masse prismatique, ou mouton, est attachée une corde qui passe sur la poulie g, et à l’extrémité de cette corde, de l’autre côté de la poulie, en r, s’attachent les plus petites cordes (qr, qr, etc.), nommées tiraudes, sur lesquelles agissent les manœuvres qui doivent faire fonctionner la machine.
Un pieu étant placé sous le mouton et maintenu aussi verticalement que possible au moyen d’un guide (o), nommé bonhomme auquel il est attaché par une corde, et qui glisse entre les jumelles, s’enfoncera successivement dans le sol, par le choc réitéré du mouton.
Un charpentier, qu’on désigne sous le nom d’enrimeur, dirige la manœuvre de la machine. Aidé des manœuvres, il met le pilotis en fiche, c’est-à-dire dans la position verticale correspondant à l’axe du mouton, l’attache au bonhomme et le maintient le mieux possible dans sa direction, pendant le battage.
il s’agit maintenant de savoir le nombre de coups qu’un mouton peut frapper par minute.
Supposons que la somme du poids et des résistances provenant des frottements et de la raideur de la corde (résistances qu’on peut calculer séparément) soit de 180 kilogrammes. Une des conséquences générales déduites d’expériences faites sur les moteurs animés, c’est qu’un manœuvre élevant des poids avec une corde et une poulie (ce qui l’oblige à faire descendre la corde à vide), élève avec un effort moyen 10 kilogrammes avec une vitesse de 0m,20 par seconde.
Supposons que la hauteur à laquelle doit être élevé le mouton soit de 1m,30. Il faut pour arriver au résultat demandé diviser la hauteur 1m,30 par 0m,20 le quotient 6,5 exprime le nombre de secondes qu’il faut pour chaque coup de mouton, et exprime le nombre de coups de mouton par minute exigible des ouvriers une fois que le pilotis est mis en place. Comme 60” divisées par 6,5 = 9,23 ce nombre est le nombre demandé.
Si un homme ne produit qu’un effort moyen de 18 kilogrammes, il faudra donc pour faire un travail suivi avec le mouton de 180 kilogrammes, en travaillant six heures effectives par jour, employer dix hommes.
Comme pour mettre le pilotis en fiche, ainsi que pour les petits repos qu’il faut accorder aux ouvriers, il y a environ un tiers du temps total employé ; si l’on compte ensuite le nombre des coups de mouton d’après le temps total, il n’y aura que six coups de mouton donnés par minute. Mais alors la durée du travail ou plutôt de la journée, au lieu d’être de six heures, devra être portée à neuf heures.
Dans les chantiers de construction, on exige ordinairement des ouvriers dix coups de mouton par minute, et on leur fait donner trente coups de suite. Ces trente coups forment ce qu’on nomme une volée, et après chaque volée on leur donne un petit repos.
Le mouton est une forte masse, prismatique, ordinairement parallélipipédique, soit en bois, soit en fonte de fer, qui est destiné à frapper avec force comme un gros marteau sur la tête des pieux pour les enfoncer dans le sol. Il peut être fait avec un bout de poutre; il doit être fretté ou cerclé à ses deux extrémités supérieure et inférieure, et avoir un poids tel que huit à dix hommes puissent facilement le lever, c’est-à-dire de 144 à 180 kilogrammes.
Dans les pays où, comme en Allemagne par exemple, l’on construit des sonnettes à un seul montant, le mouton est maintenu dans sa position au moyen de guides ou bras encastrés, et ces bras eux-mêmes sont munis de boulons mobiles transversaux, qui glissent sur les faces de derrière et de devant du montant, et qui permettent aux guides de glisser à leur tour sur les faces latérales de ce dernier. Mais cette sorte de machine ne peut être employée que dans des travaux légers, où il ne s’agit que d’enfoncer des pieux de moyenne grosseur à peu de profondeur.
Voici comment cette sonnette est construite:
Sur la semelle a s’élève le montant b, d’environ 5 mètres de hauteur, assemblé à tenon et mortaise dans la semelle et consolidé au moyen de deux équerres placées sur les faces latérales ainsi que l’indiquent les figures 57,58. La position verticale et à angle droit du montant sur la semelle est assurée latéralement par deux pièces biaises ou contrefiches (cc), assemblées à tenon et mortaise dans le montant et dans la semelle. A leur extrémité supérieure, elles sont encore consolidées par un boulon à écrou (f). Cette machine, composée de la semelle, du montant et des contrefiches, est posée sur une sorte de plancher, formé de poutrelles et de madriers sur lesquels se placent les ouvriers, et de manière à ce qu’elle se trouve derrière le pieu à battre. A l’extrémité supérieure du montant, de chaque côté, est pratiqué un œil en fer dans lequel passe un crochet fixé à un montant léger ou gaule qui aboutit au plancher. Ces deux petits montants biais (dd) maintiennent le montant principal dans sa position verticale, et servent aussi à maintenir la sonnette en équilibre quand on la change de place ou de position. Ces deux petits arcs-boutants dd sont ferrés en pointe à leur extrémité inférieure.
La poulie e, sur laquelle est conduite la corde qui soulève le mouton, est pratiquée dans une mortaise spacieuse qui traverse le montant principal de part en part. La tête du montant est consolidée par une ferrure boulonnée, dans laquelle tourne aussi l’axe de la poulie, ainsi que l’indique la fig. 58.
Les figures 59, 60 montrent le mouton de face et de côté. La dimension horizontale du mouton est terminée par celle du montant, car il faut que les guides ou bras encastrés puissent glisser le long des deux faces latérales de ce montant, en ayant soin de laisser pour le jeu une petite distance de deux à trois millimètres. Supposons que l’épaisseur du montant soit de 18 centimètres, celle des guides ou bras de 10, on aura pour la longueur horizontale de chaque face du mouton 38 centimètres 4 millimètres. Il est clair que la hauteur du mouton est déterminée par le poids qu’on lui donne: cette hauteur est d’ordinaire de 1 mètre à 1m,30. Les guides du mouton encastrés entièrement dans ce dernier, comme nous l’avons déjà dit, sont assujettis entre eux et au mouton par quatre boulons à vis et écrou. Sur chacune des faces du mouton, on pratique quatre ferrures verticales en fer méplat, dont huit maintiennent de plus les guides sur les faces latérales. Ces seize ferrures verticales forment crochet à celles de leurs extrémités aboutissant au haut et au bas du mouton, et maintiennent ainsi les frettes ou cercles inférieur et supérieur. Les quatre boulons traversant les guides devant et derrière le montant b, formant office de galets, doivent avoir leur œil garni d’une boîte cylindrique en métal et de préférence en cuivre. D’un côté le boulon a une tête fixe, mais de l’autre une petite ouverture oblongue et longitudinale, dans laquelle est passée une clavette à ressort.
L’anneau destiné à assujettir la corde qui doit faire manœuvrer le mouton peut être forgé à l’extrémité d’une barre de fer qui elle-même descend au milieu du mouton, où elle est maintenue par un boulon transversal (fig. 61). Au lieu d’anneau on emploie quelquefois un crochet fixé à une traverse en fer repliée sur deux faces du mouton et maintenue par la frette supérieure.
On concevra facilement que pour l’établissement d’une sonnette il ne faut employer que du bois bien sec et ne subissant en aucune manière l’influence de l’air. Il faut aussi avoir soin que les assemblages soient faits avec précision, que les boulons faisant fonction de galets roulent et glissent bien, et enfin que les équerres et autres ouvrages de serrurerie soient convenablement ajustés et posés.
Il va sans dire que la sonnette doit être posée de manière à ce que le milieu de la face inférieure du mouton frappe bien verticalement la tête du pieu à enfoncer. Il faut bien se mettre dans l’esprit que des soins que l’on apporte à la bonne confection de la sonnette et du mouton, ainsi qu’aux ouvrages qu’on exécute par leur moyen, dépendent la bonté et la perfection des constructions futures qu’on élèvera dessus.
Si la sonnette a deux jumelles, le mouton, s’il est en bois, aura huit guides au lieu de quatre. Ces guides seront en bois, comme le mouton, et en bois de charme de préférence. Ces huit guides ne feront que quatre pièces de charpente; car chacun des quatre guides traversera le mouton, ainsi que l’indiquent les fig. 61, 62, et sera boulonné à travers ce dernier. La conduite du mouton se fait sûrement; mû entre deux montants, il est propre à battre des pieux sur un plan incliné quand ces pieux doivent prendre une position biaise.
On se sert, dans la plus grande partie de l’Allemagne septentrionale, d’une sorte de sonnette très simple et très solide. Au sommet, des jumelles sont maintenues dans leur position verticale et parallèle par une clef horizontale qui est assemblée sur chacune d’elles à queue d’aronde et boulonnée; le déversement de l’avant à l’arrière est empêché par deux fortes contre-fiches. L’axe de la poulie est posé au milieu de l’épaisseur de bois des contrefiches de derrière, lesquelles sont reliées, en outre, par une autre clef, pour chacune d’elles, aux jumelles. Les deux contrefiches servent de montants dans lesquels sont pratiqués des échelons afin de faciliter l’ascension des ouvriers au sommet de la sonnette, pour pouvoir graisser la poulie, y faire passer la corde et faire en général toutes les dispositions nécessaires à la mise en fiche et au mouvement de la machine.
Si le mouton est en bois, il aura huit guides ou bras, comme l’indique la fig. 61; si au contraire il est en fonte, il aura sur ses flancs des côtes saillantes, ou languettes qui glisseront dans des rainures pratiquées dans les jumelles.
Quant à la poulie sur laquelle se meut la corde, elle est en bois quand le mouton lui-même est en bois, et s’il est en fonte la poulie est également en fer. Le diamètre de la poulie est déterminé par la grosseur de la corde employée; ce diamètre doit être d’autant plus étendu que la corde est forte. Plus la poulie est petite, plus aussi est considérable la perte de la traction amenée par la raideur de la corde, et plus encore est fort le frottement de l’axe de la poulie.
Si le mouton est en bois et léger, d’un poids de 150 kilogrammes, par exemple, le diamètre de la poulie ne devra point être moindre de 45 à 48 centimètres, et le diamètre de la poulie augmente en raison du poids du mouton dans une proportion telle que ce diamètre devra être d’un mètre pour un poids de 500 kilogrammes.
S’il s’agit d’enfoncer des pieux dans un sol recouvert d’eau, on établira la sonnette sur un plancher porté soit par des chevalets s’il y a peu d’eau, soit par des bateaux si l’eau présente trop de profondeur ou trop de rapidité pour établir les chevalets.