Читать книгу Galopeurs et trotteurs : Hygiène. Elevage. Alimentation. Entraînement. Maladies - Edmond Curot - Страница 30
ОглавлениеDE L’AVORTEMENT
Etiologie. — Symptômes. — Traitement. — Prophylaxie. — Avortement embryonnaire. — Avortement épizootique.
L’avortement est l’expulsion du fœtus avant qu’il ne soit viable; chez la jument, on peut considérer comme avortement l’expulsion du fœtus quarante jours avant le terme normal.
Cet accident qui sévit dans les haras quelquefois à l’état épizootique cause un véritable préjudice à l’éleveur, en ajoutant ses effets néfastes à ceux de la stérilité et de la mortinatalité.
L’étiologie de l’avortement comporte des causes directes et des causes indirectes; parmi les premières citons les fortes contusions portées sur les parois de l’abdomen, les fortes pressions exercées sur l’utérus, les violentes secousses imprimées aux viscères abdominaux, les glissades, les chutes, etc.
Les aliments qui provoquent facilement des indigestions, la température trop froide des boissons, l’ingestion d’herbe glacée,le repos absolu, l’excitation, la frayeur, les saignées intempestives ou trop abondantes, l’administration de médicaments énergiques: purgatifs, émétique, digitale, opium etc., l’excitation génitale provoquée par la présence d’un mâle et surtout par le coït, sont autant de causes capables de provoquer l’avortement.
Les maladies de la matrice (congestion inflammatoire, métrorragie, tumeurs, etc.), celles du fœtus ou de ses enveloppes (hydropisie) peuvent occasionner l’avortement; chez les primipares, il est souvent dû à la présence de plusieurs fœtus.
Quelquefois l’avortement est la conséquence des tempéraments lymphatiques ou pléthoriques; certains éleveurs admettent l’effet de l’hérédité ; souvent ces accidents proviennent de l’influence du mâle trop faible ou atteint de déchéance vitale.
Signalons pour terminer l’étiologie de l’avortement la prédisposition individuelle; la pratique montre en effet, que certaines juments avortent avec une facilité singulière et désespérante.
L’avortement embryonnaire, observé assez souvent chez la jument du vingtième au soixantième jour, passe souvent inaperçu — particulièrement quand elles sont à la prairie — du fait de l’absence de symptômes généraux et locaux; le stud-groom est tout étonné de revoir en chaleur une jument qui, antérieurement, avait refusé nettement l’étalon et était considérée comme pleine.
Les éleveurs disent, en pareil cas, que la femelle a «coulé ».
Généralement, l’avortement survient sans prodromes; les symptômes varient selon le stade de développement du fœtus.
Dans l’avortement facile, observé fréquemment chez la jument, l’œuf, les enveloppes, l’embryon forment une masse unique. Il s’effectue avec soudaineté et sans effort. La physionomie et l’attitude de la poulinière qui a avorté n’expriment aucun malaise.
Dans l’avortement compliqué, les eaux s’écoulent généralement avant l’expulsion du fœtus, lequel peut être vivant ou mort. Il est généralement précédé d’un état d’inquiétude et de malaise; la jument a perdu l’appétit, a une marche difficile, le ventre est bombé ; de la vulve s’écoulent des matières muqueuses. Viennent ensuite des symptômes assez semblables à ceux qui caractérisent la parturition normale, des efforts expulsifs plus ou moins énergiques. Dès que le col utérin est ouvert, la vulve devient proéminente, et bientôt la poche des eaux fait hernie entre ses lèvres; quand la jument est très faible, le travail se fait très lentement et exige souvent l’intervention de l’homme.
Les complications comportent l’hémorragie, le renversement de l’utérus et du vagin, la non-délivrance, etc.
Les terminaisons de l’avortement sont quelquefois heureuses, les juments récupèrent rapidement la santé, mais elles présentent une certaine perturbation des fonctions génitales qui les prédispose à avorter; le fait est bien connu des éleveurs.
Le traitement, si le fœtus est encore vivant et la poche des eaux intactes, consiste à arrêter l’accident par des narcotiques (chloroforme, chloral). Si l’on ne peut s’opposer à l’expulsion du fœtus, en faciliter la sortie par tous les moyens habituels.
AVORTEMENT ÉPIZOOTIQUE
FRÉQUENCE. — GRAVITÉ. — CAUSES. — MODES DE CONTAGE. — DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL. — PROPHYLAXIE.
De nature infectieuse, l’avortement épizootique est une affection extrêmement grave du fait de l’abaissement de la natalité, de la perte des jeunes et des complications post-partum (non-délivrance, métrites, infécondité, nymphomanie, etc.).
L’avortement épizootique chez la jument est dû au bacillus abortinis équitus (Dassonville et Rivière).
Le mécanisme de l’infection en stabulation permanente s’effectue par voie génitale ascendante par souillures d’origine externe, par le personnel porteur de germes, par les organes génitaux de l’étalon; cette dernière cause étiologique est consacrée par la pratique. Au pâturage, l’infection est réalisée par les aliments et les boissons infectés.
Le fœtus s’infecte soit par l’intermédiaire des eaux de l’amnios, soit par le placenta maternel; la période d’incubation paraît être de vingt à vingt-cinq jours.
Chez la jument, vers le sixième mois de la gestation, mais très souvent aussi à n’importe quel moment, la femelle, ayant toutes les apparences de la santé, expulse sans prodromes, sans difficultés le fœtus avec ou sans les enveloppes. Une légère tuméfaction de la vulve, un engorgement peu accusé des mamelles chez les primipares, précèdent parfois l’avortement.
Au moment de l’avortement, la température est normale, mais au bout de vingt-quatre heures, on constate une réaction fébrile accusée (40° à 41°), de la tristesse, de l’abattement, de l’inappétence.
Quant au fœtus, il est presque toujours mort; si parfois, il est vivant, il ne tarde pas à succomber.
Les lésions ont leur siège dans l’utérus; la muqueuse utérine est recouverte d’un exsudat abondant, riche en bactéries spécifiques; les villosités placentaires sont épaissies, comme macérées par le pus et renferment l’agent pathogène.
L’aspect des avortons est variable: les fœtus sont morts en décomposition cadavérique ou non décomposés mais présentent des épanchements séro-hémorragiques péritonéaux, pleuraux et péricardiques ou n’offrent — ce qui est une exception — aucune lésion apparente.
Le premier cas d’avortement dans un haras est d’un diagnostic délicat, mais l’examen du fœtus et des enveloppes, les commémoratifs et la répétition des accidents fixent sur la nature de l’affection causale.
Le traitement curatif comporte l’isolement absolu des malades; après délivrance artificielle, si elle est nécessaire, faire une abondante irrigation de l’utérus et du vagin avec une solution iodée, après un lavage à l’eau bouillie; ne livrer les juments à l’étalon que deux mois après la guérison.
Soumettre les avortées à un régime tonique fortifiant constitue une indication importante.
Dans un article publié dans le Jockey — et dont nous relatons quelques passages — G. Sert met en évidence les pertes énormes causées à l’élevage par l’avortement épizootique.
«Des statistiques publiées par la direction des haras en 1913, il ressort que sur 3.778 poulinières de pur sang anglais saillies en 1912, 2.122 ont eu des produits, 1.045 ont été déclarées vides; 189 ont donné des produits morts et 121 ont avorté. Les éleveurs, peu empressés de déclarer les avortements, font figurer sur leurs états plus de 10 % de poulinières vides qui en réalité ont avorté. De sorte, que, contre 2.122 juments ayant eu des produits viables, nous pouvons inscrire sans hésiter comme ayant avorté : 10 % des 1.045 vides, soit 100 juments; les 189 ayant eu des produits morts et les 121 avortements déclarés.
Sur le total de ces deux dernières catégories on peut déduire 10 % attribuables aux accidents. Nous nous trouvons donc en présence de 380 poulinières qui n’ont donné que des produits morts ou avortés.
La proportion en 1914 est un peu plus élevée. Par suite d’un manque de personnel, la direction des haras n’a pu établir ces statistiques depuis la guerre. Mais si nous tenons compte des renseignements qui nous sont fournis cette année par les éleveurs, nous pouvons affirmer que la proportion des avortements est en augmentation sur celle que nous donnons plus haut, ce qui n’a rien de surprenant étant données les difficultés que le stud groom éprouve pour recruter le personnel.
En prenant pour base les résultats des dernières ventes de Deauville nous pouvons fixer la moyenne du prix des yearlings à plus de 40.000francs; c’est donc une perte de près de quinze millions pour notre élevage que nous causent les avortements épizootiques. Peut-on hésiter, dans ces conditions, à faire un léger sacrifice pour seconder des savants dont la modestie et le désintéressement nous sont connus, et leur permettre de poursuivre les recherches en vue de combattre ce fléau?
C’est la source même de l’élevage de pur sang qui est compromise et l’on conçoit que le problème soit d’importance, il n’en n’est pas qui mérite plus de retenir l’attention.
En effet, en dehors du manque à gagner que nous signalons plus haut, il faut encore tenir compte de la dépense du prix des saillies. Les services des mâles sont coûteux, nous voyons aux annonces des journaux, des prix qui atteignent jusqu’à 25.000 francs. C’est une somme, et quand l’acte n’est pas suivi de fruit, c’est une lourde perte; c’est un petit capital qui est perdu et c’est une année qu’il faut attendre avec une épreuve peut-être plus heureuse. Les événements fâcheux dont nous parlons ne restent malheureusement pas isolés; l’avortement le plus souvent est contagieux et c’est du quart, de la moitié des mères d’un même établissement, et souvent plus, que les saillies ne sont pas suivies de naissances sans que l’on puisse incriminer le père.»
Les mesures prophylactiques à instituer sont les suivantes: établir le diagnostic précoce; faire émigrer toutes les poulinières du milieu infecté ; désinfecter les locaux; brûler les litières; détruire les avortons et leurs enveloppes; faire des lavages au permanganate de potasse à 2 %o ou à l’eau oxygénée (10 p. 30) de la vulve, de l’anus, du périnée et de la queue (Desoubry); ne jamais employer les injections vaginales, les ovules vaginaux antiseptiques qui provoquent des efforts expulsifs favorisant l’avortement.
Chez l’étalon, laver et désinfecter le fourreau extérieurement et intérieurement deux fois par semaine, avant et après chaque saillie (solution faible de bichlorure de mercure).
Attribuer un personnel spécial aux juments avortées et mettre en observation dans un local spécial les poulinières de provenance étrangère. Les observations épidémiologiques montrent en effet, que l’infection est réalisée souvent par l’introduction d’une poulinière provenant d’un élevage contaminé.
En Angleterre, au Danemark, en Allemagne, en Amérique, et en France, on a tenté des vaccinations préventives, sans résultats probants.
Ces mesures prophylactiques, judicieusement appliquées, permettront de réduire les pertes élevées consécutives à l’avortement épizootique qui, ajoutant leurs effets néfastes à ceux de la stérilité et de la mortinatalité, réduisent trop souvent à néant les bénéfices du haras et entravent, en outre, l’amélioration de la race pure.