Читать книгу Galopeurs et trotteurs : Hygiène. Elevage. Alimentation. Entraînement. Maladies - Edmond Curot - Страница 35
III. — DE LA STÉRILITÉ RELATIVE
ОглавлениеNous avons examiné les causes de la stérilité qui proviennent d’un état pathologique de l’appareil sexuel ou d’un fonctionnement anormal de ce même appareil; il nous reste maintenant à approfondir celles qui sont liées à l’état même de l’organisme en dehors des lésions génitales. Grâce aux progrès réalisés dans l’étude de la fécondation, ce genre de stérilité semble aujourd’hui moins commun, et sa fréquence relative devra diminuer encore à mesure que se perfectionnent les moyens d’investigation.
L’individualité exerce un effet prépondérant sur la fécondité ; il n’y a pas de doute, toute circonstance particulière écartée, que la puissance fécondante des juments est variable: entre la femelle la plus fertile et celle qui est stérile, on peut observer tous les degrés. Il y a des poulinières qui, dans leur carrière, font régulièrement des foals tous les deux ou trois ans et sont stériles dans les intervalles. Ces cas de stérilité s’observent en dehors de toute lésion de l’appareil sexuel et coïncident avec des chaleurs régulières. Dans la pratique, on observe des cas de stérilité qui ne sont imputables ni à l’un ni à l’autre procréateur mais à leur groupement et où chacun des deux fait preuve de fécondité en s’accouplant avec d’autres sujets. Physiologiquement, il est impossible d’expliquer ces faits paradoxaux qui constituent une alternance de fécondité.
L’acclimatement exerce une action dépressive sur la fécondité ; les premières années les poulinières étrangères sont souvent atteintes de stérilité relative. Le fait a été observé dars divers haras sur des poulinières appartenant aux meilleures familles anglaises, la plupart d’entre elles sont restées vides pendant leur première saison. La puissance prolifique est non seulement liée à l’individualité, mais elle est aussi largement influencée par le climat; il est constant que les conditions climatériques défavorables exercent une influence marquée sur la fécondité. Tout changement subit et violent dans les conditions d’ambiance produit des effets défavorables sur les organes générateurs de la femelle. Comme l’aptitude des ovules à la fécondation dépend de leur plus ou moins parfait état de maturité, il est certain que les variations brusques de température, en modifiant l’état général, ont une répercussion plus ou moins marquée sur la fécondation.
L’âge des procréateurs qui tient sous sa dépendance directe la vitalité de l’organisme est un facteur important de stérilité relative.
Sous la signature de Cardigan et dans un article paru dans le Sydney Référé, et inséré dans le Jockey, l’auteur fait une étude des plus documentées sur les variations de l’aptitude fécondante des étalons relativement à leur âge.
«Certains éleveurs en Australie émettent l’avis qu’un étalon entré au stud à 6 ou 7 ans — et ayant servi chaque année une bonne moyenne de juments — perd au bout de 7 à 8 ans sa vigueur et son aptitude fécondante.
D’autres — tout en reconnaissant l’influence déficitaire de l’âge sur la fécondité — admettent en envisageant particulièrement la vitalité, la rusticité des produits, qu’un étalon jusqu’à 16 ou 17 ans peut donner une production aussi bonne qu’à l’âge de 7 ans.
Un facteur primordial, l’utilisation rationnelle des étalons ou leur surmenage, fait varier les résultats obtenus; certains directeurs de studs sont d’avis de donner à leurs sires un grand nombre de juments; d’autres, en donnent peu ou pas assez.
A l’appui de la thèse affirmant que les étalons conservent intacte leur faculté de reproduction pendant toute leur carrière, ou n’atteignent même l’apogée qu’à la fin, on cite le grand Bend Or qui à 25 ans engendra Radium; Polymelus (22 ans), Saint-Simon (22 ans), Galopin (21 ans). Wallare (21 ans), etc.
A côté des ces faits, l’auteur cite les noms de jeunes sires qui ont produit de grands vainqueurs: The Tetrarche (4 ans); Bend Or (5 ans); Roi Hérode (6 ans) et conclut ainsi: «Les produits mâles et femelles de sires âgés de 6, 7, 8 ans se sont montrés remarquables et ont inscrit glorieusement leurs noms au palmarès des courses classiques en Australie. Les étalons de 9 ans semblent encore avoir mieux fait. Ensuite, on constate une baisse dans la production qui se relève bravement avec la descendance des sires de 14 ans.
En résumé, il semble ressortir de cette longue énumération, que la préférence doit être accordée à l’étalon jeune car il a donné le plus grand nombre de champions. Encore serait-il imprudent d’écarter systématiquement le sire âgé mais encore vigoureux qui peut, sans aucun doute à la fin de sa carrière continuer à produire des sujets aussi bons que ceux qu’il a déjà donnés dans ses premières années de monte.»
L’influence de l’âge sur la fécondité des poulinières est un problème physiologique des plus complexes; en dehors des états pathologiques des organes sexuels, de nombreux facteurs, l’individualité, l’état de surmenage, de déchéance vitale plus ou moins accusés à l’arrivée au stud sont autant d’éléments qui influent sur l’aptitude fécondante des procréatrices.
«D’après Horse and Hound, la plupart des chevaux de grande classe sont issus de juments de 8 à 12 ans et 13 % des chevaux vraiment bons sont nés de mères âgées de 10 ans. Mais il ne faudrait pas se fier à l’âge seulement pour retirer du haras une poulinière en bonne santé et encore vaillante. Il est intéressant de remarquer qu’en 1920 les vainqueurs du Grand National, des Mille Guinées, du Derby et des Oaks provenaient de poulinières âgées de 17 ans.»
VIATOR, dans ses «Notes internationales», publiées dans le Jockey, rapporte les faits suivants concernant la fécondité relative des poulinières. Pocanhontas, a eu le premier de ses dix-huit foals à 6 ans. A 25 ans, elle a donné sa meilleure pouliche, Araucaria, mère à son tour de tous les cracks cités. Elle vécut jusqu’à 33 ans. Sa sœur, Boarding School Miss, produisit de 7 à 23 ans. Banter, la mère de Touchstone (son premier poulain), en eut 16 autres. Sa sœur, Jocose, en mit autant au monde. A 12 ans, elle donna Volatile, mère de Carnival; à 17 ans Macaroni; à 24 ans, Flippant qui, en France, à 24 ans, avec Energy, produisit Fourchette, mère de Fourire et grand’mère de Faucheur. Beeswin, la mère de Newminster, courut jusqu’à 9 ans, gagnant 25 fois la Coupe d’Or, 4 fois la Coupe de Doncaster, une fois le Chester Cup, ayant commencé à 2 ans par enlever les Champagne Stakes), le tout sur 64 sorties. Elle commença sa carrière de poulinière à 11 ans et eu 7 foals consécutifs. Alice Hawthorn, qui ne fut dressée qu’à 3 ans, gagna 50 courses (dont les coupes de Chester, de Goodwood et de Doncaster). Elle donna naissance, de 9 à 20 ans, à onze produits, dont le troisième avant-dernier fut Thormanby, Guiccioli, la mère de Birdcatcher et de Faugh a Ballagh, fut saillie la première fois à 5 ans, recourut 6 fois l’année suivante, étant pleine et produisit ensuite 13 fois encore.
D’autre part, Queen Mary, mère, à 4 ans, de Haricot, n’avait jamais couru. A 21 ans, elle donna la célèbre Blink Bonny et, à 27 ans, Bonnie Doon (grand’mère de Watercress et de Disguise).»
Concluons en nous basant sur notre longue pratique professionnelle, en disant que physiologiquement, la fécondité et la vitalité des produits sont fonctions du vitalisme des procréateurs. Bien qu’âgés, s’ils ne présentent pas de signe de déchéance vitale, le taux de fécondité, la rusticié des poulains ne seront pas modifiés; si au contraire, leur résistance organique est déficitaire, la stérilité relative, la débilité congénitale des produits seront à redouter.
Le tempérament des procréateurs joue un rôle important dans la fécondité ; chez l’étalon on sait que l’ardeur amoureuse s’allie ordinairement avec les tempéraments nerveux, tandis que les constitutions lymphatiques s’accompagnent d’une sorte de frigidité qui rend les mâles peu prolifiques. Chez la jument, au contraire, le tempérament lymphatique semble le plus favorable à la fécondation; aussi remarque-t-on que les procréatrices qui s’en éloignent sont celles qui fournissent un faible taux de fécondité.
La frigidité chez la jument est caractérisée par une sorte d’atonie sexuelle entraînant l’abolition partielle ou totale des chaleurs; elle s’observe fréquemment chez les primipares.
L’éréthisme génital, caractérisé par un nervosisme exagéré, peut être considéré comme le premier degré de la nymphomanie, cet état se traduit chez la jument par des manifestations génésiques continues (persistance anormale des chaleurs), les portant à réclamer l’étalon d’une façon inusitée. La nymphomanie qui est, dans certains cas, une perversion fonctionnelle des centres nerveux, peut être la conséquence de lésions pathologiques de l’appareil sexuel (vaginite, métrite chroniques, lésions ovariennes, etc.).
Les juments nymphomanes sont souvent stériles; l’éréthisme génital produit en effet la stérilité en déterminant par les efforts expulsifs, l’évacuation du sperme ou en provoquant par action réflexe, le spasme du col utérin qui s’oppose au passage du fluide fécondant.
Le surmenage sportif, dont le surentraînement est l’expression, diminue l’aptitude fécondante des reproducteurs et constitue une cause fréquente de stérilité relative; les éleveurs admettent — et le fait est confirmé par la pratique — qu’une jument exceptionnelle en course ne fait qu’une médiocre poulinière; ils citent à l’appui de cette thèse: Ténébreuse, La Camargo, Pretty Polly, etc.
«Performer et racer» ne sont pas toujours deux qualités inconciliables ainsi que le prouve la production de Kasbak et de sa fille Kizil Kourgan.
Le doping répété entraîne un véritable état de déchéance organique dû au surmenage et à l’épuisement nerveux; le «dopé » livré à la reproduction du fait de la diminution de son potentiel génésique, constitue un médiocre reproducteur; en outre, les rares produits qu’il peut engendrer sont frappés de débilité congénitale et fournissent un taux élevé dans la mortinatalité.
La stérilité engendrée par le surmenage n’est souvent que temporaire; après un délai variable, avec le degré de déchéance vitale,la fécondation est possible.
Influence de l’alimentation sur la fécondité. — L’étude du régime diététique des procréateurs présente une grande importance car la fécondité est liée dans une large mesure, à l’alimentation, tant sous le rapport quantitatif que qualitatif. La richesse du sperme en produits phosphorés (nucléine, lécithine, etc.) fait prévoir l’importance de l’alimentation minérale chez l’étalon; physiologiquement, l’impuissance et l’infécondité sont fonctions — en dehors des états pathologiques — de la déminéralisation organique; pratiquement, on peut affirmer que l’étalon le plus minéralisé sera le plus fécond.
La suralimentation des juments de pur sang, à base d’avoine, provoque une inflammation vive, un état pléthorique, un degré d’éréthisme génital peu favorables à la fécondation; fréquemment nous avons constaté chez les «brûlées par l’avoine», l’infécondité temporaire; accouplées dans la suite au même étalon, après avoir été soumises à une diététique rafraîchissante (mashes, tubercules, mise à l’herbe, etc.), elles étaient fécondées avec succès.
L’influence de la consanguinité sur la stérilité a fait l’objet de nombreuses discussions. La consanguinité est accusée d’exercer une action dépressive sur la fécondité et sur la rusticité des produits. Cet te théorie est des plus discutables; ne sait-on pas en effet que les éleveurs sont parvenus à améliorer singulièrement certaines races en alliant avec leurs parents les plus rapprochés les sujets qu’ils trouvaient doués de qualités particulières, qu’ils étaient désireux de voir perpétuer. C’est le système de reproduction par l’inceste, auquel les éleveurs anglais ont donné le nom de breeding in and in. En examinant soigneusement les généalogies de nos chevaux de course les plus remarquables, on voit que dans chaque cas particulier, il y a toujours quelque alliance en «dedans» et chez la plupart des plus illustres, la consanguinité a été la méthode de reproduction la plus employée.
Aux éleveurs qui accusent la consanguinité d’engendrer par l’accumulation de l’hérédité, la stérilitié, nous dirons que l’expérience a démontré que lorsque les procréateurs sont indemnes de toute tare pathologique, la consanguinité même accumulée ne détruit ni la fécondité ni la rusticité des produits; mais, en revanche, il est d’observation courante que si la saillie réunit deux animaux atteints d’une même imperfection, le produit hérite doublement de leurs aptitudes morbides; dans ce cas la résistance vitale baisse et la fécondité diminue.
Il convient de remarquer, lorsque la consanguinité est alliée à l’obésité et le cas est fréquent dans certains haras, que les deux causes agissant dans le même sens, provoquent un abaissement réel du taux de la fécondité.
Cette étude physiologique, un peu aride, concernant l’étiologie de la stérilité, était indispensable, pour nous permettre, d’aborder utilement le problème si complexe de son diagnostic et de son traitement.