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COURS SEIGNEURIALES ET OFFICIERS DE JUSTICE

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I. Assises de Saint-Maur-des-Fossés au XIIIe siècle. — Équipement des hommes de Saint-Maur et de Saint-Germain-des-Prés pour la garde de leurs bourgs. — Assises de Saint-Germain, de Saint-Geneviève et de Saint-Martin-des-Champs, — Assises de l’évêque. — II. Officiers de justice. — Baillis, maires et prévôts. Procureurs fiscaux. Sergents. Tabellions. Voyers. — Nomination. Réception. Révocation.

Les principaux seigneurs justiciers tenaient dans leurs terres, des assises périodiques, auxquelles étaient déférées directement les affaires les plus importantes, et qui constituaient, en même temps, une juridiction générale d’appel pour les décisions de leurs juges inférieurs . Ces assises étaient diversement composées, selon les circonstances et les lieux, des hommes du seigneur, de ses officiers, et de praticiens, conseillers ordinaires de sa justice. Les assises de Saint-Maur étaient, au XIIIe siècle, formées, pour la plus grande partie, de chevaliers et écuyers qui étaient, sans doute, les vassaux de l’abbaye. Les deux plus importantes qui soient mentionnées dans le registre de cette abbaye, ne comptent pas moins de vingt-trois membres; la troisième, qui est appelée à statuer sur une affaire moindre, en comprend encore douze. Quelques membres figurent dans les trois, ce sont deux chevaliers et le prévôt des Fossés; huit membres figurent, à la fois, dans les deux premières; six, dans la première et la troisième. Les deux premières se rapportent aux deux affaires de 1275 et de 1278, dont il a été déjà parlé.

Le jugement de la première affaire fut précédé d’un curieux débat entre l’abbaye et le lieutenant du prévôt de Paris. Le lieutenant du prévôt, qui remplaçait ce dernier alors absent, prétendant que la connaissance du crime de fausse monnaie n’appartenait qu’au roi, avait demandé aux religieux de lui rendre leurs prisonniers. L’abbé, se fondant sur les chartes royales, qui lui conféraient, dans sa terre, la plénitude de la justice haute et basse, résista à cette prétention. Le lieutenant du prévôt fit alors arrêter et conduire au Châtelet, à titre de contrainte, cinquante hôtes de l’abbaye, tant du bourg des Fossés que du village de Maisons ; et comme cette mesure violente ne triompha pas de la résistance de l’abbé, il fit enlever, par ses gens, des prisons de l’abbaye, les quatre malfaiteurs qui étaient la cause du conflit. Le prévôt de Paris, instruit de ces faits à son retour par la plainte de l’abbé, commença par faire délivrer les malheureux hôtes, victimes innocentes de cette querelle. Il examina ensuite les chartes produites par l’abbé, fit procéder à une enquête sur la haute justice du monastère, et restitua enfin les prisonniers. Le registre nous a conservé les noms des vingt-trois membres de l’assise qui connurent de l’affaire; c’étaient huit chevaliers, milites, dix écuyers, armigeri, quatre bourgeois, et le prévôt du bourg des Fossés.

L’assise de 1278, composée du même nombre de membres, comprenait seize chevaliers, deux écuyers, trois bourgeois de Paris, le prévôt du bourg des Fossés et un maire . La troisième assise, composée de douze membres, comprenait quatre chevaliers, un écuyer. trois bourgeois, le prévôt des Fossés et deux maires. La condamnation qu’elle prononça fut exécutée sans délai. Les juges se transportèrent sur la place publique, aussitôt après la sentence; et le coupable y reçut, à l’instant même et en leur présence, la marque du fer chaud, à laquelle il avait été condamné. «Et post hoc, dictus Colinus ductus

» fuit in pleno foro, etibi combustus, videntibus istis et com-

» pluribus aliis existentibus in foro.»

Ces assises solennelles étaient tenues publiquement. Les grandes affaires criminelles attiraient une foule considérable, qui assistait souvent, en même temps, comme dans la précédente, aux débats, à la sentence et à l’exécution. Dans la première assise, de 1275, l’exécution eut lieu ainsi, dans la journée même où la sentence fut prononcée, en présence d’une grande multitude accourue de Paris et des bourgs et villages voisins de l’abbaye. «Et anno et die predictis, fuit

» hoc per justiciam completum, videntibus fere omnibus

» hominibus, feminis, juvenibus de villa Fossatense et pluri-

» bus aliis hominibus, de Parisiis, de Conflento, de ponte

» Charentonis, de Charentone, de Domibus, de Cristolio, de

» Bonolio, de Valentone, de Limolio, de Boissiaco, de Sus-

» siaco, de Cauda, de Caneberia, de Champeigniaco, de Villa-

» ribus, de Briaco, de Noisiaco Magno, de Nuilliaco, de No-

» gento, de Fonteneto, et de Varennis, villis predicte abbatie

» Fossatensi adjacentibus.» Dans l’assise de 1278, c’est la présence des assistants à l’audience même, qui est expressément mentionnée «Et totes ces choses» (la promesse d’accomplir le voyage de Terre Sainte, et d’en rapporter des lettres revêtues du sceau du patriarche de Saint-Jean-de-Jérusalem)

«jura li diz meires, en plaine assize, present les diz chevaliers

» et grant multitude d’autres genz».

L’abbé de Saint-Maur exigeait de ses hommes, avec leur assistance pour la composition de sa cour de justice, les autres services féodaux, et notamment le service des armes, Une ordonnance de l’abbé Pierre, de 1274, prescrivit aux habitants des Fossés de s’armer, chacun selon ses ressources, pour être prêts à défendre la ville contre les entreprises des ennemis ou des malfaiteurs, malignantium seu delinquentium. Elle divise les habitants en trois catégories: ceux qui possédaient des biens d’une valeur de quarante livres et au-dessus; ceux qui avaient de trente à quarante livres, et ceux qui avaient moins de trente livres. Les premiers devaient se munir de cuirasses ou de cottes de mailles, avec casques de fer, épées et couteaux; ils étaient au nombre, de douze. Les seconds, au nombre de quarante-trois, pouvaient se contenter du vêtement de dessous de la cotte de mailles, le gambeson; les autres étaient suffisamment armés avec des arcs, des flèches et des couteaux. Cette ordonnance fut fidèlement exécutée, et l’abbé présida, en compagnie de plusieurs dignitaires du monastère, à une revue, ostensio, de cette petite troupe. On y fit une proclamation enjoignant à chacun des hommes qui la composaient de sortir à la première clameur, soit de jour, soit de nuit, revêtus de leurs armes, pour défendre le bourg ou se porter au secours de tous ceux qui réclameraient leur assistance .

Les hôtes de la seigneurie de Saint-Germain-des-Prés, à Issy, devaient s’équiper de même à leurs frais. En 1295, le prévôt de Saint-Germain fit publier un ban dans ce village, pour inviter tous les habitants à se pourvoir d’armures suffisantes à pied et à cheval, chacun selon son état, dans la huitaine suivante . Les hôtes directs de l’abbaye se présentèrent seuls, au jour fixé, «appareillés d’armeures,» dans le manoir de l’église; ceux des fiefs et arrière-fiefs, qui s’étaient abstenus de se rendre à cette convocation, furent condamnés à l’amende.

Les Registres de Saint-Germain et de Sainte-Geneviève mentionnent fréquemment les assises de ces abbayes; mais ils ne nous en font pas connaître la composition. Elles devaient se tenir habituellement à Paris, car nous voyons un assez grand nombre d’accusés, notamment des terres de Sainte-Geneviève, qui sont amenés à l’abbaye pour être jugés, et reconduits, pour l’exécution, dans le lieu où le délit avait été commis.

Ces assises étaient souvent, à l’origine, présidées par le seigneur en personne. C’est ainsi qu’en 1273, Jean de Cœuilly appela de larcin et de trahison, Robert de Villejuif en présence de l’abbé de Saint-Germain. En 1293, un débat important s’éleva entre le prévôt de l’abbaye et les hommes de Thyais qui avaient refusé un service commandé pour la garde du village contre «le péril du feu». Cette affaire, continuée pendant deux dimanches consécutifs, fut jugée par l’assise présidée encore par l’abbé, «en l’assise Saint-Germain-des-

» Prés de Paris, présenz monseigneur l’abbé de Saint-Ger-

» main et son conseil ».

La composition des assises dut se modifier assez rapidement; et les praticiens y furent substitués, sans doute, de bonne heure, aux hommes de la seigneurie; le nombre de leurs membres dut, en même temps, être réduit . Nous voyons, vers le milieu du XIVe siècle, une assise de Saint-Martin-des-Ghamps composée de trois membres seulement; il est vrai qu’elle ne statue que sur une mise en liberté . Les assises du prieuré devaient être tenues, au moins quatre fois l’an. Le chambrier, chargé de les convoquer, signifiait le jour de leur réunion au prieur, une quinzaine au moins d’avance, afin qu’il pût les tenir lui-même ou désigner un délégué pour les tenir à sa place . Le registre du prieuré mentionne cette assise, à plusieurs reprises; il atteste encore la publicité de ses audiences, ainsi que de celles du maire, et de certains actes de l’instruction. Il semble que, sauf les enquêtes, les informations et la question, tous les autres actes de la procédure et des débats se passaient encore publiquement. Le registre indique à la suite d’un très grand nombre d’exploits de justice les noms mêmes d’une partie des assistants . L’évêque de Paris faisait tenir ses assises, de mois en mois, par son bailli, dans les principaux bourgs de ses seigneuries. Les comptes de l’évêché, de 1407 à 1409, nous donnent le chiffre des dépenses occasionnées par une assise de Saint-Cloud: il fut dépensé par le bailli, ses conseillers., consiliarios, le procureur fiscal et quelques autres, six livres, dix-huit sous et quatre deniers, pour le pain, le vin, les vivres, et le reste, «tam pro pane et vino quam cibariis et » aliis necessariis ».

Le bailli était le juge supérieur, et du second degré, des seigneuries investies du droit de ressort; au-dessous de lui se plaçaient divers officiers de justice, tels que maires, prévôts, procureurs fiscaux, voyers, tabellions et sergents. Le juge ordinaire de première instance prenait le titre de maire ou prévôt. Il tenait, à jour fixe, les plaids de la seigneurie. Il connaissait, en général, de toutes les affaires civiles et criminelles qui n’étaient pas réservées à l’assise .

Dans les seigneuries qui, n’ayant pas le ressort, ne tenaient pas d’assises proprement dites, le maire ou le prévôt devaient juger tous les procès civils et criminels. Mais ils ne jugeaient pas seuls, et ils se faisaient assister, au moins dans les cas graves, comme le bailli présidant l’assise, de conseillers choisis aussi par le seigneur ou son délégué. Un document du XIVe siècle relatif aux droits temporels de l’évêché, nous ap — prend que le prévôt de cette temporalité devait prendre conseil de bourgeois de l’évêque pour rendre ses jugements. «Et

» doivent être faiz telz jugement par le conseil des bourgeois

» dudit évesque, à ce présent et appelé son procureur ».

Les baillis, maires ou prévôts, avaient souvent un lieutenant qui les suppléait.

Le procureur du seigneur, ou procureur fiscal, chargé, comme l’indique son nom, des intérêts du seigneur, finit par prendre, dans toutes les procédures, un rôle semblable à celui du procureur du roi dans les juridictions royales. Ce rôle est déjà nettement indiqué dans le passage relatif aux droits de l’évêque que nous venons de rappeler.

Les sergents arrêtaient les délinquants, et les amenaient devant le juge; ils recevaient les dénonciations et faisaient toute la police de la seigneurie. Ils donnaient les ajournements, et procédaient aux saisies, et, en général, à tous les actes d’exécution; tout, en un mot, s’exécutait par leurs mains.

Le tabellion recevait tous les actes et contrats passés sous le sceau de la seigneurie. C’était là son office propre; mais il servait aussi souvent de greffier. Le droit de tabellionnage proprement dit n’appartenait pas d’ailleurs à tous les seigneurs hauts justiciers; il fallait qu’ils en fussent en possession par titre, ou usage ancien .

Le voyer avait la garde de la voirie. Il avait la police spéciale de la voie publique, et ordonnait la démolition ou la réfection des maisons qui menaçaient ruine. Il percevait les taxes auxquelles donnait lieu la concession des enseignes, auvents et autres saillies.

Les divers offices des justices de Paris furent presque toujours tenus exclusivement par des laïques. Nous constatons cependant, dans divers documents, quelques exceptions à cette règle, et nous y voyons de véritables fonctions de judicature confiées à des religieux; mais les ordonnances royales prohibèrent cet usage. Une ordonnance de 1287 prescrivit à tous les justiciers du royaume, de n’instituer dans leurs terres, que des officiers laïques, baillis, prévôts ou sergents, en excluant rigoureusement de ces fonctions tous les clercs.

«Ordinatum fuit, per consilium domini regis, quod duces, comités, barones, archiepiscopi et episcopi, abbates, capitula, collegia, milites et generaliter omnes in regno Francie temporalem jurisdictionem habentes, ad excercendam dictam jurisdictionem, ballivum, prepositum et servientes laïcos et nullatenus clericos instituant .» Il ne faut pas confondre d’ailleurs, avec des officiers de justice, les bénéficiers des communautés ecclésiastiques chargés de l’administration de la temporalité, qui recevaient le titre de prévtôs ou de chambriers. Ces dignitaires n’avaient, en général, aucune juridiction propre. Ils étaient souvent, il est vrai, mêlés de très près à l’administration de la justice dont ils surveillaient, et assuraient l’exercice, mais ils ne remplissaient, d’ordinaire, par eux-mêmes, aucune fonction de judicature, et ils n’avaient que la gestion des intérêts temporels de la communauté.

Les officiers seigneuriaux étaient les délégués du seigneur, et rendaient la justice en son nom. M. Championnière, dans l’intéressante étude des droits seigneuriaux qui forme le fond de son traité sur la Propriété des eaux courantes, assure qu’à partir de l’époque à laquelle les seigneurs cessèrent de juger en personne, leurs officiers ne furent plus que des délégataires du pouvoir royal. «Dès le XIVe siècle, le seigneur jus- » ticier, dit-il, avait cessé d’être un juge, et de posséder » l’autorité justicière. Les vilains, justiciables des juridictions » privées, recevaient leurs jugements du pouvoir royal, le » seigneur n’était qu’un délégataire de ce pouvoir, et pour » parler plus exactement, le véritable délégataire était l’offi- » cier du seigneur .» Mais cette assertion n’est point exacte, et les juges seigneuriaux ne cessèrent nullement, au XIVe siècle, d’être les délégataires du seigneur. Lorsque le roi administrait la temporalité de l’évêque de Paris, par exemple, dans le cas de vacance du siège épiscopal, il y instituait des officiers nouveaux pour rendre la justice en. son nom; et lorsque, la vacance prenant fin, le nouvel évêque reprenait possession de cette temporalité, ces officiers cessaient aussitôt leurs fonctions. L’évêque en instituait d’autres, ou rendait leurs offices aux anciens, et les procès commencés au nom du roi, qui n’étaient pas encore terminés, devaient être repris au nom de leur seigneur par les nouveaux officiers. C’est ce que nous voyons dans des lettres de rémission, du 3 octobre 1422, accordées, sous le règne de Charles VI, à un certain Philippot Gilles, qui s’était rendu coupable de blasphème. Gilles fut arrêté et conduit dans les prisons du For-l’Évêque, pendant la vacance du siège épiscopal, par le bailli commis par le roi, «par le commandement » et ordonnance du commis lors de par nous au gouverne- » ment du bailliaige dudit éveschié, (à la requête) de nostre » procureur en l’audictoire du Four-l’Evesque, le temporel de » l’éveschié de Paris estant en nostre main comme régalle.» La vacance ayant été remplie, l’exercice des officiers royaux prend fin et le procès est repris avec ceux de l’évêque. «De- » puis laquelle chose ainsi faicte, (il a été) pourveu oudit eves- » chié, de nostre amé et féal conseiller le patriarche de Cons- » tantinople, et lui (a été) ou à ses vicaires, et députez pour » lui, le temporel dudit eveschié, par nous ou nos officiers, » baillé et délivré, et le procureur commis de par lui audit » auditoire (a repris le procès qu’avait commencé) nostre dit » procureur, par nous, audit auditoire, à l’encontre d’icellui » suppliant ».

Les officiers des justices seigneuriales tenaient donc bien leurs pouvoirs de l’autorité de leurs seigneurs. Ils recevaient d’eux leurs lettres de provision et prêtaient serment devant eux ou leurs délégués. Ils étaient reçus d’ordinaire publiquement dans l’auditoire de la justice. Le bailli était reçu par le seigneur; le maire, et le prévôt, par le seigneur ou le bailli; les officiers subalternes étaient généralement reçus par celui dont ils relevaient. Tous étaient arbitrairement nommés par le seigneur, à gages ou en titre d’office. L’ordonnance d’Orléans de 1560 imposa, il est vrai; dans son article 55, une condition préalable à leur admission; elle exigea qu’ils fussent, avant d’être reçus, examinés par les officiers royaux, après une information sommaire de bonne vie et mœurs; mais cette prescription fut si mal observée, qu’elle dut être renouvelée par l’édit de mars 1693, «nonobstant tous édits

» et autres choses à ce contraires». Loyseau constate lui-même que les juges seigneuriaux se contentaient souvent de leurs lettres de provision et se bornaient à se faire recevoir par leurs seigneurs . Ceux-ci conservaient d’ailleurs le droit de les révoquer à leur gré, à moins qu’ils ne les eussent institués à titre onéreux; ils avaient même, sous ce rapport, un pouvoir plus absolu que le roi qui ne pouvait destituer ses officiers sans cause légitime. Cette faculté, qui leur fut expressément conférée par l’art. 27 de l’ordonnance de Roussillon, leur est encore reconnue par Bacquet, comme elle l’avait été par Dumoulin, Choppin et d’autres jurisconsultes.

Les principaux officiers des justices seigneuriales de Paris étaient choisis habituellement parmi des praticiens distingués, la plupart avocats, ou procureurs au Parlement ou au Châtelet.

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