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En matière civile, les seigneurs hauts justiciers connaissaient de toutes les actions personnelles entre leurs hôtes, de celles dans lesquelles ceux-ci étaient seulement défendeurs, et de toutes les actions réelles qui avaient pour objet des immeubles relevant d’eux. Le juge compétent était donc celui du domicile du défendeur, en matière personnelle, et en matière réelle , celui de la situation de l’héritage litigieux.

Les documents judiciaires que nous avons recueillis se rapportent, pour la plupart, à l’administration de la justice criminelle. Les seigneurs justiciers avaient cependant aussi l’administration de la justice civile; mais ils étaient moins intéressés à la conservation des documents qui en constataient l’exercice, les amendes et les confiscations qui résultaient des sentences pénales étant, avec les aubaines, les déshérences et les épaves, leurs sources principales de profits.

Les Olim mentionnent cependant de nombreux appels de sentences civiles des justices de Paris. Ils nous montrent les cours temporelles des seigneurs ecclésiastiques, statuant, entre leurs justiciables, sur toutes les questions d’intérêt civil, questions de propriété, contrats, droits successoraux, conventions matrimoniales et autres. Il convient seulement de remarquer, en ce qui concerne les contrats, qu’une exception à la compétence des juges seigneuriaux s’introduisit, de bonne heure, en faveur du prévôt de Paris. Le sceau du Châtelet fut considéré comme attributif de juridiction, et les contestations relatives à tous les contrats passés sous ce sceau relevèrent exclusivement de ce tribunal .

Nous n’avons retrouvé, pour l’administration de la justice civile à Paris par les juges seigneuriaux, aucun document original, semblable aux registres que nous publions; mais il existe, aux Archives nationales, un registre civil de la fin du XIVe siècle d’une petite seigneurie dépendant de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés, celle de Villeneuve-Saint-Georges. Ce curieux manuscrit, qui est d’une bonne écriture et parfaitement tenu, a été signalé, pour la première fois, croyons-nous, par M. Viollet. Il porte pour titre: «C’est le papier des esplez de la prevosté de Villeneuve-Saint-George.» Il contient une série de notices très intéressantes relatives aux procès de toute nature qui s’engagent entre les parties, à la procédure, à la preuve; il mentionne généralement les sentences rendues, et rapporte le texte même de quelques-unes d’entre elles . Les remises successives de causes nous montrent que les longues écritures et les incidents de procédure ne manquaient pas. On échange des écritures, et on plaide sur le débat d’un ajournement, et sur les dilatoires aussi bien que sur le fond .

Le 30 mai 1372, une affaire relative à une demande en cas de saisine et de novelleté est remise, dans l’état, pour procéder sur les «escriptures, raisons et repplications baillées et mises

» en court desdites parties». Mais le procureur du demandeur est condamné à payer à la défenderesse deux flacons de bon vin parce qu’il avait essayé de la tromper en lui montrant, au lieu du dernier mémorial de la cause, qui en indiquait le véritable état, le mémorial du jour précédent. «Et avons con-

» dampné ledit Colin envers la dicte Perrette en 2 flascons de

» vin bon et soufifsant, pour ce que il ne lui a monstré le mémo-

» rial precédent de celui de ceste journée qui est le vray estat

» de la cause et dont il a esté requis, et avons ordené que elle

» ne sera tenue de procéder jusques ad ce que des II flascons

» de vin elle soit payée......»

La preuve se fait par la confession des parties, par le serment, par témoins, et par la preuve littérale, par lettres.

Une question de salaire est vidée par le serment du défendeur auquel le demandeur s’est rapporté, «ou quel serment

» ledit Poulain se mist et rapporta pour toutes pruves» ; c’est la formule habituelle, dans les divers cas assez nombreux où le serment est déféré par l’une des parties .

Lorsque le demandeur n’obtient pas du défendeur un aveu et qu’il n’entend pas se rapporter à son serment, c’est la preuve testimoniale qui est habituellement administrée. «Dep-

» posicion. C’est la depposicion des tesmoings produiz et ame-

» nez de par Gautier de Laistre, demandeur, contre Sedilon

» la Cordiere deffenderesse sur la demande du dit Gautier, de

» unes aumoeres et d’une table que le dit Gautier dit et pro-

» pose que pour le tamps que feu Jehan Cordier, jadis mary

» de ladite Sedilon, vivoit, ycelui Cordier achetta dudit Gau-

» tier lesdites aumoeres et la table, le pris de trois francs

» d’or.» Les dépositions suivent sous la formule suivante:

«Colin, charpentier, produit et amené d’une partie et d’au-

» tre, juré et diligemment examiné sur les faiz et raisons

» contenus en la demande du dit Gautier et aussi sur l’excep-

» tion par ladite Sédilon proposée, dit et depposa par son

» serment......» Enfin la sentence est rendue: «Dit est que,

» veu la demande de Gautier de Laistre faite contre Sedilon

» la Cordière, les deffenses et les excepcions proposées par

» ladite Sedilon au contraire, la depposicion des tesmoings

» produiz et amenez d’une part et d’autre, non contrediz, ledit

» Gautier a moins souffisamment prouvé que ladite Sedilon,

» et avons absout ladite Sedilon de la demande dudit Gautier

» et l’avons condamné aux despens de partie, à nous le taux

» réservé.»

Dans une contestation entre un habitant du village et le procureur de l’abbaye relativement à la propriété de certains saules que l’habitant avait émondés, on s’en rapporte, pour toutes preuves, aux serment et déposition de quatre personnes qui visitent préalablement les lieux; c’est une sorte d’expertise .

La preuve par lettres, est plus rarement mentionnée. Elle ne paraît être d’ailleurs que subsidiaire et il semble qu’elle demeure subordonnée, dans tous les cas, à la preuve testimoniale . Cette prédominance de la preuve testimoniale sur la preuve littérale est attestée par une notice, bien caractéristique, du 25 novembre 1371. Il résulte de cette notice que le registre même de justice de la seigneurie ne faisait pas une preuve complète des faits, et des condamnations mêmes qu’il relatait, et que les parties étaient admises, lorsqu’elles y avaient intérêt, à en combattre les énonciations par le témoignage des personnes qui avaient assisté au jugement. Jean de Lorme avait été condamné à une amende pour avoir enlevé un prisonnier des mains d’un valet de l’abbaye. Le jour fixé pour le paiement de cette amende, le juge lui demande s’il n’a à élever contre le tabellion aucun grief de natureà infirmer la foi due au registre des exploits de la cour. Jean de Lorme ne propose aucun fait précis, mais il fait observer que les clercs ou greffiers enregistraient parfois des amendes plus fortes que celles qui avaient été prononcées pour être agréables au seigneur. «Ce jour (25 novembre 1371) fu demandé de nous

» à Jehan de Lorme se il voulloit aucune chose dire ou propo-

» ser contre le tabellion, par quoy le registre des esplez de la

» court ne doye estre creu, pour ce que il avoit jour à veoir

» tauxer une amende.... Lequel Jehan de Lorme ne dist ne

» proposa riens contre le tabellion, fors tant que les clers

» enregistroient aucune foiz les amendes gregneurs que en

» ne les faisoit, pour faire au gré du seigneur, et que il se

» rapportait à ceulx qui avoient esté à l’amende ployer. Et.

» encore lui fu demandé s’il voulloit autre chose dire, et il

» respondy que n’en diroit autre chose. Si, lui fu l’amende

» tauxée à IIII lb Parisis dont il demande l’amendement de

» Monseigneur l’abbé à la prochine assise.»

La preuve testimoniale était donc la règle. M. Guérard, dans son introduction au Cartulaire de Notre-Dame, a très bien fait ressortir l’importance de cette preuve et les nécessités qui l’imposaient, en déterminant, avec exactitude, les conditions ordinaires des débats qui s’engageaient devant la justice dans les temps qui précèdent la reconnaissance définitive et la réglementation de la preuve littérale. Le débat portait-il sur une question de droit? la fonction du juge se bornait à rechercher, dans le témoignage de ses assesseurs ou d’autres praticiens, quels étaient, sur le point en litige, la loi ou l’usage de la terre. Portait-il, au contraire, sur une question de fait? une enquête pouvait seule le résoudre, dans la plupart des cas, en dehors de l’aveu ou de l’accord ultérieurs des parties. Si le droit litigieux s’était transmis par contrat, par héritage ou autrement, sans laisser de preuve écrite, il était nécessairement établi par l’enquête, et même, à l’origine, par le duel ou les épreuves judiciaires. Si des actes étaient produits et si la cause se renfermait ainsi dans une discussion de titres, ces actes n’étaient reconnus qu’autant qu’ils étaient empreints de tels caractères d’authenticité qu’ils ne pussent être contestés. En dehors de ce cas assez rare, ils ne valaient qu’autant qu’ils étaient appuyés de la preuve testimoniale, c’est-à-dire du témoignage des personnes, souvent mentionnées dans ces titres, qui avaient assisté à l’acte. Enfin, à défaut de titres valables et de témoins présents et vivants, la preuve de la longue possession était exigée et des enquêtes avaient encore lieu,

Les sentences civiles du juge de Villeneuve-Saint-Georges pouvaient être déférées à l’assise de l’abbaye. Elles devaient même nécessairement subir ce second degré de juridiction avant d’être portées, en appel, devant la justice royale; c’était, en effet, une règle générale que les appels devaient être poursuivis, de degré en degré, sans en omettre aucun. Le recours à l’assise est mentionné dans l’une des affaires que nous venons de rappeler, et il est provoqué, à la fois, par la partie qui a succombé et par le procureur fiscal. «Tauxée est

» l’amende à nous ployée, par Odin Cordier, pour raison des

» émondeures des saulx de notre pré de Vaulx, à XXs. parisis

» dont il a demandé l’amendement de monseigneur l’abbé à

» sa prochaine assize, et le procureur de notre court aus-

» sy.. .»

Les parties qui comparaissent devant les juges de Villeneuve agissent, tantôt en leur nom propre, tantôt pour autrui comme dans le cas de tutelle ou curatelle . Une femme se présente comme exécutrice testamentaire de son mari. «Oye

» la requeste à nous faite par Denise veufve de Jehan Fauchart,

» en son nom et comme exécuteresse du testament ou ordon-

» nance de derrenière voullenté de feu Jehan Fauchard...»

On voit, par ces quelques exemples, avec quelle mise en œuvre de tout l’appareil judiciaire, la justice civile était administrée dans une aussi petite seigneurie.

Notre registre contient enfin, en dehors des notices concernant les affaires litigieuses, des mentions relatives à divers contrats. Les parties contractantes avaient là un moyen précieux de fixer leurs engagements, et d’en faciliter ou d’en assurer la preuve. Nous y voyons figurer les contrats les plus divers, bail, vente, prêt et autres . «Jehan Petit, charpentier, et

» Belon sa feme, pridrent ce jour, de Jaquet Charron et de

» Denise sa feme, une meson aveques ses appartenances séant

» à Villeneuve, tenant d’une part à Pierre le cordonnier et,

» d’autre part, à Jehan le mercier, pour vint sous de rente

» parisis à II termes, Pasques et Saint-Remy, et gagèrent VI

» lb parisis à y mettre d’amendement dedans trois ans...» Un contrat d’apprentissage intervient entre les mêmes parties.

«Jehan Petit et Belon sa feme pridrent ce jour lesdiz enfans

» (Jehan et Jehanneton) jusques à IX ans, à les nourrir bien

» et deuement, et querir, vestir, chausier, linge, lenge et tou-

» tes leurs nécessitez, apprendre la fille à cousture et le fils à

» charpentier par cy que P. de Préaulx, J. Moton, et Jehan

» Charron leur bailleront, dedans Noel prochain, chescun une

» mine de blé, et dedans la Saint-Martin d’hyver prochain

» venant, chescun 1 franc d’or.

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