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IV

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Les clercs étaient soustraits entièrement, en matière criminelle, à la juridiction des seigneurs aussi bien qu’à celle du roi et ne relevaient que des officialités . L’évêque était leur juge. L’abbaye de Saint-Germain-des-Prés avait cependant, sous ce rapport, une situation privilégiée. Elle demeura exemple de la juridiction épiscopale, jusqu’au XVIIe siècle. Nous en avons un intéressant témoignage dans un acte de 1384. On y voit que l’évêque de Paris, Pierre d’Orgemont, fils du chancelier de ce nom, s’étant présenté à l’abbaye avec son official, pour en faire la visite, en trouva les portes fermées, bien qu’il eût annoncé, par avance, son arrivée. Le prévôt des religieux sortit seul au-devant du prélat, pour lui interdire formellement l’entrée du monastère. «Lors issy frère Guil- » laume Lévesque, maistre en théologie et prevost de céans, » qui lui demanda s’il vouloit aucune chose; lequel respondi » que il vouloit entrer et parler à mon seigneur l’abbé ; et » ledit prevost lui dist que il estoit empesché, et que il ne » povoit entrer à présent, et pour cause.»

L’abbaye avait une officialité pour l’exercice de sa juridiction spirituelle. Nous devons à cette circonstance la relation de deux affaires graves concernant des crimes commis par des clercs. On sait que la peine temporelle la plus forte dont les officialités disposaient était la prison perpétuelle, mais elle ne valait souvent guère mieux que la mort, si nous en jugeons par ces deux cas . La mort des condamnés suivit de près la sentence; et leurs corps furent exposés publiquement à la porte de l’abbaye pour apprendre à tous que justice avait été faite. L’un d’eux avait tué, en 1304,dans un accès de jalousie, un clerc nommé maître Guillaume de Falaise, qu’il avait rencontré, en compagnie d’une femme, sous les murs de l’abbaye, au-devant de la petite chapelle de Saint-Martin-des-Orges.

«Et porceque il estoit clerc, il fu mis en chartre, et y mourut,

» et puis fu trait hors, et mis devant la porte de l’église pour

» monstrer au peuple, et puis fu enterré aux champs par la

» gent de l’Église. Et fu faite, ladite occision, pour cause de la

» jalousie d’une femme que ledit maistre Guillaume avait en

» sa compagnie.» La seconde affaire est rapportée à peu près dans les mêmes termes; il s’agit d’un autre meurtre, commis dans le même lieu, en 1286.

Lajuridiction ecclésiastique était néanmoins très recherchée. Il arrivait souvent que des malfaiteurs se faisaient tonsurer, les uns par les autres, ou par quelque barbier complaisant, pour réclamer, lorsqu’ils viendraient à être arrêtés, le privilège de cléricature . Un de ces faux clercs, faisant l’aveu de cette usurpation devant le prévôt de Paris, en donne franchement les motifs. Il s’était fait tonsurer, à sa sortie de prison à Provins, où il avait été détenu pour quelque rixe, sur le conseil d’un de ses codétenus, qui avait employé lui-même cette supercherie, et qui était parvenu ainsi à se faire renvoyer devant l’official. Son compagnon lui avait fait valoir tous les avantages du privilège qu’il s’assurait, en lui affirmant queles officialités ne condamnaient personne à mort, et et qu’on finissait toujours par sortir de leurs prisons, soit par l’effet d’une longue détention, soit par la grâce de l’avènement d’un nouvel archevêque ou de quelque grand seigneur . Le prévôt de Paris avait beaucoup de peine à déjouer ces fraudes; mais il avait fini par employer, pour en obtenir l’aveu, le moyen décisif de la question qu’il n’hésitait pas à appliquer à ces prétendus clercs, après les avoir mis en demeure de produire leurs lettres de tonsure .

Le nombre des vrais clercs était d’ailleurs considérable. Comme il y en avait de plusieurs ordres et que le mariage leur était permis dans les ordres inférieurs, on en rencontrait partout, dans toutes les situations, et dans tous les emplois de la vie civile et religieuse. Les prélats accordaient libéralement la tonsure, parce qu’elle leur faisait de nouveaux justiciables, et même ils en abusaient souvent, comme nous le voyons, par des arrêts des Olim de 1261.

L’abbé de Saint-Maur-des-Fossés, qui avait le droit de donner la tonsure à ses hôtes, ne permettait pas qu’ils se la fissent conférer par d’autres, sans sa permission. Deux de ses justiciables, qui avaient fait tonsurer leurs fils par les évêques de Melun et de Senlis, sans son autorisation, furent condamnés à l’amende, et les nouveaux tonsurés furent rasés, sur l’heure, par deux barbiers appelés à cet effet. «Emendaverunt

» dicto abbati quod procuraverant dictas tonsuras filiis suis

» sine licentia ejus; et fecit, idem abbas, capita filiorum eo-

» rumdem, per Colonum dictum Cauquet et Robertum Borge-

» ret, barbitonsores, presentibus predictis, radi totaliter, et

» inhibuit eis ne tonsuram clericalem de cetero præsumant

» portare, nisi licentia habita et obtenta ab eodem.»

Histoire des justices des anciennes églises et communautés monastiques de Paris

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