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COMPÉTENCE

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I. Haute, moyenne et basse justice. — Cas royaux: rapt, meurtre, fausse monnaie. — Aubaine; bâtardise; déshérence. — Épaves. — II. Compétence du juge du domicile. Flagrant délit. — III. Nobles. — IV. Privilège de cléricature. — Officialités. Peine de la prison perpétuelle. Supercheries des malfaiteurs pour usurper le privilège de cléricature. — V. Compétence civile. — Exercice de la juridiction civile par les seigneurs haut justiciers de Paris. — Registre civil de la fin du XIVe siècle, de la seigneurie de Villeneuve-Saint-Georges, dépendante de Saint-Germain-des-Prés. Procédure écrite et plaidoieries. Preuves par l’aveu; par le serment; par témoins; par lettres. Recours à l’assise. Contrats.

Nous avons vu plus haut que les titres de confirmation des seigneurs de Paris substituèrent, à partir du XIIIe siècle, aux formules d’immunité, la reconnaissance formelle des droits de haute justice. Les titres du XIIIe et du XIVe siècles énoncent la haute et basse justice; les titres postérieurs, la haute, moyenne et basse justice, On sait que le degré intermédiaire qui constitua la moyenne justice n’apparaît dans les chartes que dans le cours du XIVe siècle, bien que la division qu’il exprime existât, sans aucun doute, antérieurement à cette époquè.

La haute justice emportait la plénitude de la juridiction civile et criminelle; elle comprenait la moyenne et la basse, et le haut justicier les exerçait toutes les trois ensemble sur son territoire, à moins que d’autres seigneurs ne fussent déjà en possession de celles-ci, par titres ou usage ancien . Les décisions de Jean Desmares donnent, bien que dans une énumération un peu confuse, l’indication la plus complète de l’ensemble des droits qui dépendaient de la haute justice.

«Cas de haute justice et desquels la cognoissance appartient tant seulement as haux justiciers, sont, rapt, traîner, pendre, ardoir, enfouir..., et tous autres par lesquels mort naturelle s’ensuit. — Item, couper oreille ou autre membre, bannir, prendre espaves, lever morts trouvés, en aubenage succéder. — Item, cognoistre de fausses mesures et denrées, de petit pain, despécier mesures ou ardoir ou autres fausses denrées; des voieries, des ormes et autres arbres qui sont ès chemins, et abonnements des chemins; des quarrefors et places communes; de ports d’armes; et oster les débats d’aguet apensé ; et faire batre pour denier; mettre à question et tormens; fustiguier ou battre de verges pour délit publiquement; oster le péril hors; avoir baillif, avoir scel authentique pour sceller lettres et instrumens; avoir forcbes à un ou deux ou trois ou quatre pilliers, eschelle ou pillori; faire desdire devant le pueple; mettre en especial garde et protection; donner asseurement; d’avoir la cognaissance de avoir appelé famme mariée putain, ou homme larron ou murtrier et semblables ou plus grans injures; faire vendre héritages par cri solennel et mettre décret, par espécial quand chouses et biens immeubles de meneurs se vendent, avoir ressort .»

La compétence des hauts justiciers, si étendue qu’elle fût, fut de bonne heure limitée par les cas royaux dont la connaissance était réservée aux officiers du roi. Ces cas mal définis, auxquels les légistes s’efforcèrent de donner la plus grande extension possible, étaient, d’une manière générale, ceux qui contenaient quelque offense au roi ou quelque atteinte à ses droits. La charte confirmative donnée par Philippe III, en 1272, à l’abbaye de Saint-Germain des-Prés, les réserve formellement avec le droit de ressort: «Inhibemus etiam ne servien-

» tes nostri de Castelleto faciant evocationes seu citationes in

» terra Sancti Germani infra metas predictas, nisi ratione

» ressorti, vel casuum ad honorem nostrum pertinentium, vel

» aliquorum aliorum casuum nobis et successoribus nostris...

» retentorum; vel alterius alicujus casus qui ad nos vel suc-

» cessores nostros, ratione debiti nostri, vel alicujus forisfacti

» nobis vel servientibus nostris illati, vel aliquo alio modo,

» jure communi, possit pertinere .»

Les cas royaux dérivaient, en principe, de l’idée que le seigneur suzerain ne pouvait pas recevoir la justice de la main de ses sujets et plaider devant leur cour. C’est ce principe qui, appliqué au seigneur suzerain par excellence, leur donna naissance. Il fut étendu, par la suite, dans l’intérêt de la prépondérance du pouvoir royal, au delà de ses applications naturelles. Mais il n’était, à l’origine, qu’une conséquence de la hiérarchie féodale, et il produisait des rapports analogues entre les autres seigneurs suzerains et leurs sujets hauts justiciers. On le voit, en effet, servant de guide à Beaumanoir dans l’énumération des cas qu’il réserve au comte de Clermont, à l’encontre des seigneurs hauts justiciers ses sujets .

La délibération des trois États de la prévôté de Paris ne définit pas les cas royaux. Elle énumère seulement, à titre d’exemple, les crimes de lèse-majesté, de fausse monnaie, d’assemblées illicites et port d’armes, et d’assassinats. Bacquet ajoute qu’il faut y joindre le rapt et l’incendie, qui étaient, en effet, réservés au roi, avec l’assassinat, dans un assez grand nombre de Coutumes . Mais nous avons vu que les principaux seigneurs justiciers de Paris connaissaient du meurtre et du rapt, aussi bien que des autres crimes de droit commun. Ces deux cas étaient, il est vrai, réservés au roi dans la terre de l’évêque; mais c’était en vertu d’une stipulation expresse contenue dans un accord de 1222 . Un arrêt du Parlement de 1269 reconnut formellement en faveur de l’abbé de Saint-Magloire, le droit de justice sur les meurtriers .

La connaissance du crime même de fausse monnaie qui, par sa nature, rentrait le mieux dans les cas réservés au roi , appartenait à certains hauts justiciers. Nous avons vu, plus haut, que l’abbaye de Saint-Maur et le prieuré de Saint-Martin étaient en possession de ce droit. Il en était de même de l’abbaye de Sainte-Geneviève. Ses juges réclament du prévôt de Paris et en obtiennent, à deux reprises, la connaissance de ce crime. En 1266, le prévôt Étienne Boileau leur rendait un faux monnayeur qui avait été arrêté dans le clos de Garlande «Anno domini m° cc° lx° sexto, fuit captus in

» Garlandia, in terra nostra..., per servientes prepositi Pari

» siensis, Johannes dictus de Paris, qui dicebatur esse falsa-

» rius false monete, etrequisivimus justiciam deipso. Et Ste-

» phanus Boilieaue, cognito quod fuisset captus in terra nostra,

» ipsum nobis reddidit, justitia exigente...» En 1302, les sergents de la douzaine ressaisissent les religieux de deux femmes qui avaient été arrêtées, pour soupçon de fausse monnaie. Ils remettent, entre leurs mains, l’une d’elles en personne, et leur délivrent un gant à la place de l’autre qui avait été déjà justiciée .

Les droits d’aubaine, de bâtardise, de déshérence, d’épave et de confiscation, étaient régulièrement exercés par les seigneurs de Paris. Bacquet considère ces droits comme appartenant légitimement au roi, et comme n’ayant été attribués aux seigneurs que par une sorte d’usurpation . Guénoys émet la même opinion, et explique les dispositions des coutumes relativement aux aubaines et aux bâtards, par la négligence ou la connivence des officiers du roi, qui auraient favorisé ou toléré les usurpations des seigneurs . Mais on sait que les juges royaux ne pouvaient pas être taxés de faiblesse pour les juges seigneuriaux, et que, loin de tolérer leurs entreprises, ils ne cessaient d’empiéter sur leurs attributions. Les dispositions favorables aux seigneurs étaient donc bien plutôt le témoignage d’un droit ancien, que des nouveautés usurpées; et les divers droits dont il est question ici semblent pouvoir être rapportés tous ensemble, sans en excepter le droit d’aubaine, à cette idée générale que les biens devenus vacants, soit fortuitement, soit par une cause juridique, tombaient naturellement dans le domaine des seigneurs hauts justiciers .

Histoire des justices des anciennes églises et communautés monastiques de Paris

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