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PRÉFACE

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Table des matières

«Plus les nations proscrivent le vin plus elles meurent d’alcoolisme.»

(D’après la Statistique du Dr Hubbart, Directeur de l’Hygiène publique aux États-Unis (1923).

L’ANJOU — n’est-ce pas une banalité de le redire? — est entre toutes nos provinces une région agricole privilégiée. Ronsard l’appelait «le paradis de la France». Tout y pousse, en effet, comme au Paradis terrestre. Seulement. pour obtenir du sol tant de belles fleurs. tant de fruits savoureux, tant de plantes textiles et fourragères, les gens doivent tout de même se donner un peu plus de peine que nos premiers parents. jardiniers de l’Eden.

Mais les roseraies et les cultures de graines, les vertes prairies et les champs plantureux, ce n’est pas là tout l’Anjou. En maints endroits, des élévations douces et agréablement arrondies interrompent la monotonie des campagnes et exposent aux rayons du soleil leurs pentes heureusement orientées. Ce sont là emplacements de choix pour la culture de la vigne; et celle-ci vient y étaler amoureusement ses pampres.

..... apertos

Bacchus amat colles .

Si parfois le soleil d’automne disparaît un peu prématurément derrière nos coteaux; s’il arrive, en quelques fâcheuses années, que les signes avant coureurs de l’hiver empiètent de façon inopportune sur la beauté de la saison automnale, et si. par suite, le roi du ciel. le soleil, n’a pas tout à fait le temps d’imprégner les grappes de ses vertus fécondes, il peut se faire alors que dans ces années-là le palais du dégustateur trouve au vin plus de fraîcheur que de chaleur, moins de liqueur que de verdeur. Mais, le plus souvent le soleil se montre le fidèle ami de nos vignerons et leur distribue généreusement le nombre de calories qui sont nécessaires pour transformer l’acidité des grappes en un sucre savoureux, indispensable générateur du bon vin.

Et puis, comme compensation aux années médiocres, il y a les grandes, les très grandes années, où la qualité du jus de nos coteaux ne craint plus la comparaison avec les meilleurs crus de France, autant dire du monde entier. Et dame! alors, il devient quelque peu pervers.

Grâce à lui, plus d’une fillette

A vu s’envoler dans l’azur

Son bonnet par-dessus le faîte

Des plus hauts moulins de Saumur .

En réalité, si l’Anjou appartient à cette zone-limite où la vigne prospère encore et mûrit bien ses fruits, mais au delà de laquelle la culture du précieux arbuste donne plus de déception que de satisfaction, ces conditions mêmes valent au raisin d’y acquérir des qualités rares.

Qui donc oserait soutenir que c’est dans les régions les plus chaudes, les plus brûlantes, que les plantes donnent les fruits les meilleurs, les plus savoureux, les plus finement parfumés? Les climats tropicaux fournissent, il est vrai, la banane et l’ananas; mais nous, nous possédons la pomme de rainette et la poire de William, la fraise, l’abricot et la pêche.

Il en va de même du fruit de la vigne. Sous notre climat le raisin acquiert une finesse de goût exceptionnelle, qui communique au vin un «fruité » incomparable.

D’ailleurs, chacune des Régions viticoles de la France a son mérite propre et sa caractéristique très nette; et il serait de mauvais goût de renouveler les luttes homériques auxquelles se sont livrés au XVIIe siècle les partisans du vin de Champagne et ceux du vin de Bourgogne et d’exalter l’un au détriment de l’autre. Si le vin de Bourgogne, généreux et alcoolique, est bien le vin des hommes; si celui de Bordeaux, plus souple, est le vin des dames; si le Sauternes, royalement doué, est le vin des dieux, l’ «angevin» couleur d’or et d’un bouquet si fin, est bien, j’en prends à témoin son nom même, un vin digne des anges.

Peut-être n’est-il pas assez connu au loin. C’est que les Angevins aiment beaucoup le jus qui vient de leurs coteaux et s’en réservent égoïstement la plus grosse part. Ensuite, il a en dehors de l’Anjou des amis fidèles, qui croiraient manquer à leur devoir si chaque année ils ne donnaient pas dans leur cave l’hospitalité à une ou deux pièces de choix. Enfin, concédons aussi que jusqu’à ces dernières années, où un généreux effort d’expansion s’est produit, les propriétaires, justifiant un peu l’antique qualificatif, Molles Andecavi, au lieu de se donner la peine d’aller chercher la fortune, trouvaient généralement plus commode d’attendre qu’elle vint à eux.

En ce moment, où le monde viticole tout entier se sent menacé par un prohibitionnisme exagéré, il est d’un patriotisme éclairé, en même temps que d’un haut intérêt économique, de trouver des débouchés aux vins de France et de ne pas laisser dans l’ombre un des meilleurs. Et puisque les temps où nous vivons veulent que ce ne soient plus ceux qui ont besoin d’une marchandise qui se mettent en quête pour se la procurer, mais que c’est à ceux qui la produisent d’aller l’offrir, eh! bien, n’hésitons pas à faire à notre vin la juste réclame qu’il mérite.

Il a semblé à quelques-uns que le moment était venu de célébrer en un livre élégamment édité les belles vignes de l’Anjou et les mérites de son vin. On m’a fait l’honneur de me demander de me charger de cette tâche. Si j’ai hésité, ce n’est pas que j’aie eu le moindre doute sur l’opportunité d’un tel livre, mais bien parce que j’ai douté de mes forces et que j’ai senti la difficulté de mener à bien une pareille entreprise. A Dieu vat! comme disent nos voisins les Bretons. A défaut d’autres qualités, j’y mettrai du moins toute ma bonne volonté.

A la fois historique, documentaire et technique, ce livre sera aussi, je ne m’en défends pas, un équitable plaidoyer en faveur de la liqueur parfumée dont nos coteaux gardent le secret.

Il présentera en un tableau raccourci la viticulture angevine considérée dans le passé et étudiée dans le présent. On y remontera, autant qu’il se pourra faire, aux origines mêmes de la vigne en Anjou et aux premiers procédés employés dans la vinification; on essaiera d’y montrer comment dans les âges les plus reculés on traitait la vigne et on fabriquait le vin; de quels instruments et appareils nos pères faisaient usage dans les temps primitifs et quels sont ceux qui, beaucoup plus perfectionnés, sont employés aujourd’hui. Si les vins naturels occupent la première place dans cette étude, celle des «mousseux» devra y avoir aussi la sienne. L’ampélographie, autrement dit la description des variétés de cépages cultivés en Anjou, a droit à son chapitre, comme aussi toutes les maladies et accidents qui éprouvent les vignes et les vins dans notre région. Une bibliographie aussi complète que possible de tout ce qui a été publié sur la viticulture et l’œnologie angevines trouvera sa place à la fin de ce travail, que complètera une Statistique, dans laquelle figureront les noms des viticulteurs de l’Anjou.

L’ouvrage formera deux volumes: le premier comprendra la PARTIE HISTORIQUE; le second sera consacré à la PARTIE TECHNIQUE.

Au moment où des ligues puissantes, tombant dans une aberration qui est à l’antipode du bon sens et de la vérité, mènent une campagne ardente en faveur d’une prohibition totale , il n’est que juste d’attirer l’attention sur les mérites du bon vin de France.

La preuve est faite que retrancher cette noble boisson de l’alimentation humaine, c’est vouloir remplacer la légère, et saine, et salutaire stimulation qu’elle exerce sur l’organisme, par d’autres excitants bien plus funestes à la santé, car, quoiqu’on, fasse, jamais l’homme ne saura se passer des agents qui stimulent nos actions physiologiques, et il les prendra là où il les trouvera.

Jadis la Chine était couverte de vignes. Pour obéir à une préoccupation du genre de celle qui pousse les Américains à établir chez eux et dans le monde entier le «régime sec», un édit contraignit les viticulteurs du Céleste Empire à les arracher toutes. C’est alors que se substitua à l’usage. du vin l’usage de l’opium. Qui ne pensera que ceci est pire que cela et que la santé du peuple chinois n’a pas gagné au change. Là où il n’y a pas de vin on boit de l’alcool, ou on avale quelque autre poison qui ne vaut pas mieux. Si paradoxale que paraisse cette affirmation: «l’ivrognerie augmente là où on supprime le vin», ce qui se passe actuellement en Amérique nous le prouve une fois de plus. On n’y a jamais condamné plus de gens pour ivresse, que depuis qu’il y est interdit de boire du vin.

Vive donc les vins de France, et parmi eux le vin d’Anjou, généreuse et noble liqueur, qui donne de la vigueur au corps, soutient le courage, excite la flamme de l’esprit et met l’âme en joie!

Fig. 1. — A votre service!


L'Anjou, ses vignes et ses vins

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