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1. LE TABLIER DE CUIR.

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Table des matières

Un tablier de cuir formait le costume de l’Aryas ancien; cela résulte de la manière dont le juriste romain GAIUS, III, 192, 193, décrit la perquisition domiciliaire en vue de retrouver des objets volés (furtum licio et lance conceptum). Parmi les formes solennelles romaines, il s’est conservé, comme je l’établirai plus tard par une foule d’exemples, une quantité extraordinaire d’usages et de dispositions des temps primitifs. Telle, à mon avis, la forme de la visite domiciliaire. Elle consistait en ce que le volé, vêtu seulement du tablier de cuir: licium , et muni d’une écuelle (lanx) vide, se rendait dans la maison du prévenu pour y pratiquer la visite domiciliaire. L’écuelle ne présente point ici d’intérêt, son but était évidemment d’indiquer que l’on cherchait quelque chose, ce qui ne peut être représenté plus clairement qu’au moyen d’une écuelle ou d’un panier vides, et elle ne se rencontre que dans la forme romaine de la visite domiciliaire. Au contraire le tablier de cuir se retrouve chez les Grecs, et chez les Germains du Nord, avec un léger changement, à savoir sous la forme d’une longue chemise de crin . Il en résulte que nous nous trouvons devant une forme qui doit avoir été commune aux indo-européens avant leur séparation. Il est impossible que les Germains du Nord l’aient empruntée aux Grecs ou aux Romains, et réciproquement. Il me paraît tout aussi incontestable que la forme grecque et romaine était la forme originaire, seulement elle a été accommodée par les Germains du Nord à leur climat plus rude. Si la chemise avait été la forme originaire, les Grecs et les Romains n’auraient eu aucune raison de la remplacer par le tablier de cuir.

Pourquoi maintenant le tablier de cuir dans la visite domiciliaire? L’opinion courante que j’ai également partagée dans le temps répond: pour empêcher de dissimuler sous les vêtements la chose prétendument volée. Lorsque la chose volée était découverte, le prévenu, d’après le droit romain, devait en payer quatre fois la valeur, et il fallait par conséquent empêcher que le chercheur n’apportât lui-même, sous ses vêtements, la chose prétendument volée, et ne la cachât dans la maison pour la retrouver. Soit, mais fallait-il pour cela qu’il vînt tout nu? A quoi bon, lorsqu’il s’agissait d’un objet que l’on ne saurait pas cacher sous les vêtements, p. ex. une tête de bétail, une lance? D’après les termes généraux de la disposition du droit romain, il est certain que la forme devait être observée dans ces cas également. Mais même lorsqu’il s’agissait d’objets qui pouvaient se cacher sous les vêtements — l’époque primitive ne devait guère en connaître; il n’y avait encore alors ni bijoux ni objets d’or ou d’argent — pourquoi cette nudité ? Il était tout aussi sûr de fouiller soigneusement les vêtements. La meilleure preuve que cela suffisait d’après l’opinion des Romains, c’est qu’ils connaissaient une seconde forme de visite domiciliaire — que j’appellerai la forme romaine, pour la distinguer de la première qui est la forme aryenne — dans laquelle le chercheur arrivait tout habillé, mais pour laquelle il fallait le consentement du prévenu. Pour l’amadouer on lui concédait une prime, en abaissant pour cette forme au tiers de la valeur la peine qui comportait le quadruple dans la forme aryenne. C’était une pierre de touche imaginée avec une malice vraiment romaine Celui qui devait craindre la découverte acceptait volontiers la proposition, puisqu’au pis aller il en était quitte pour le triple; l’innocent la repoussait, et comme revanche de l’accusation injuste, il avait la satisfaction de voir son adversaire se retirer les mains vides, exposé tout nu aux regards et aux moqueries des curieux. On peut admettre que dans ce cas la perquisition, d’avance inutile, ne se faisait point. Que l’on se figure un romain notable obligé de comparaître tout nu aux yeux du peuple; tout le peuple romain serait accouru pour se repaître de ce spectacle.

La circonstance que le chercheur amenait des témoins pour lesquels n’existait point l’obligation d’être nus, montre combien peu comptait le danger de voir cacher des objets sous les vêtements. S’il avait réellement existé, les témoins auraient également dû arriver nus, car à quoi bon empêcher la personne principale de dissimuler et de cacher, quand on le permettait à ses aides? Si pour les témoins il n’était pas nécessaire, pour parer à ce danger, de les faire comparaître nus, si l’on voyait plutôt une garantie complète dans la visite de leurs vêtements, pourquoi n’agir pas de même pour la personne principale?

Je crois avoir ainsi prouvé qu’il est absolument impossible d’admettre que l’ancienne forme de la visite domiciliaire eût une destination à tendance. Nullement commandée par des raisons pratiques, puisque la seconde forme suffisait complètement au but, cette forme aurait entouré la perquisition de difficultés telles qu’elle l’aurait littéralement interdite aux personnes d’un certain rang, et qu’elle aurait rendu pratiquement illusoire la protection du droit qui leur était destinée. L’opinion vraie est la suivante.

Le tablier de cuir était le costume habituel de l’Aryas primitif, de même qu’il est resté jusqu’à nos jours celui de l’Hindou du peuple; cette forme appartient ainsi à la catégorie de celles que je nomme. résiduelles : institutions commandées originairement par les rapports réels de la vie, et qui se sont conservées pour certains cas d’application comme formes purement vides, depuis longtemps abolies pour la vie ordinaire, par les progrès de la technique, pétrifications du temps passé.

Si j’ai frappé juste, le tablier de cuir acquiert la valeur d’un certificat d’origine des Indo-européens; il se range dans sa force probante à côté de l’hivernage du bétail à l’air libre. Si l’on demandait à quelqu’un: sous quelle latitude doit avoir vécu un peuple où l’homme allait sans habits et où le bétail passait l’hiver à l’air libre? il ne devrait pas même réfléchir pour répondre: sous une latitude très chaude.

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