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§ Ier.

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N'est-il pas ridicule que nous prononcions aimer, jouer, louer, comme aimé, joué, loué, et que nous fassions sentir la finale r dans courir, mourir, jouir? Le peuple n'a pas accepté cette inconséquence: il continue à dire à l'infinitif, couri, mouri, queri, joui. Il a raison.

RÈGLE.—On ne faisait jamais sentir de consonne finale; et il ne pouvait y avoir à cette règle une seule exception; car elle est la conséquence immédiate de celle des consonnes consécutives. Supposez en effet qu'on prononce avec l'r finale courir, mourir; vous retombez aussitôt dans l'inconvénient qu'à tout prix on avait résolu d'éviter, deux consonnes de suite. Courir fort, mourir bientôt, dans la prononciation moderne, ne peuvent s'articuler sans l'intercalation de cet e muet qu'on écrase, et qui obscurcit notre langage d'une multitude de sons sourds, rudes et confus.

Une autre conséquence, c'est que la plupart des mots avaient deux terminaisons, l'une devant une voyelle, l'autre devant une consonne, et qu'il existait, dans tel ou tel cas donné, deux prononciations pour une seule orthographe. Par exemple, on prononçait l'infinitif du verbe aimer comme le participe passé, comme nous faisons aujourd'hui; et l'on eût dit, en faisant sentir l'r,—Aimer éternellement.

Je rappellerai ici un passage de Théodore de Bèze, que j'ai déjà cité; mais il est important: «Une consonne finit-elle un mot, elle se lie à la voyelle initiale du mot suivant, si bien qu'une phrase glisse tout entière comme un seul et unique mot.» (De Fr. ling. recta pron., p. 10.)

Th. de Bèze ne parle que du cas où le second mot commence par une voyelle; mais il a fallu prévoir aussi le cas où il commencerait par une consonne, et, pour obtenir cette prononciation coulante qui fait glisser la phrase entière comme un seul mot, on a pratiqué, sinon formulé, cette loi de n'articuler jamais de consonne finale.

Cette consonne doit donc être considérée comme n'appartenant pas dans la prononciation au mot qui la traîne après soi sur le papier, mais plutôt au mot subséquent. C'est une espèce d'en-cas réservé pour les besoins de l'euphonie, pour servir de liaison et adoucir le passage entre deux voyelles. Son rôle est d'être présente quand on a besoin d'elle, et de s'effacer lorsqu'on n'en a pas besoin.

Une objection toute naturelle se présente: d'après cet arrangement, tout mot devrait se terminer par une consonne, afin de fuir les hiatus. C'est ce qui n'a pas lieu; le soin de l'euphonie n'allait donc pas si loin que je le prétends.

Je réponds que cela n'a plus lieu, mais que dans l'origine, et je le ferai facilement voir, tout mot se terminait par une consonne, tantôt étymologique, tantôt intercalaire, quand l'étymologie n'en fournissait pas. Je montrerai que de ces consonnes, les unes ont été recueillies et fixées par l'écriture, les autres ont été omises arbitrairement, au hasard; et que ces omissions, par l'influence inévitable de la langue écrite sur la langue parlée, ont introduit à la longue cette immense quantité d'hiatus qui défigurent notre prose, et ont fini par rendre la poésie à peu près impossible. Les consonnes euphoniques seront l'objet d'un chapitre particulier; il me suffit de les indiquer ici, et, sans anticiper sur cette matière, je reviens aux finales, qu'il faut passer rapidement en revue, afin de constater et l'ancien usage et les inconséquences modernes.

Des variations du langage français depuis le XIIe siècle

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