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PROCÈS DE JEAN DEVIALLE

Table des matières

— 1544 —

Jeanne la Grosse, femme de Jacques Ménard, tisserand habitant Chastard en l’an de grâce 1544, trouvait à plusieurs reprises le berger Jean Devialle, blotti dans son étable. Elle crut qu’il se cachait là pour la voler, et. le chassa en lui défendant de mettre jamais les pieds dans sa maison. Le malheureux était bien loin d’en vouloir à son bien, il ne désirait que prendre la place des mâles dont manquait peut-être le bétail du tisserand.

Ce Jean Devialle était le plus pauvre parmi les pauvres du pays, il ne possédait rien, pas même une hutte qui fût à lui ni un bout de terre, ni un arbre, ni une bête si petite fût-elle.

Ses parents étaient morts il y avait longtemps, si longtemps qu’il ne se souvenait plus d’eux. Alors qu’il était encore un enfant on l’avait mis berger afin qu’il ne coutât plus à nourrir.

Il avait toujours été malheureux, d’autant plus qu’il n’éveillait aucune pitié ; il était laid, mal fait, les filles riaient de lui lorsqu’il passait, les garçons en faisaient leur souffre-douleur.

D’enfant il devint homme. Mais il n’embellit pas, au contraire, et n’étant toujours qu’un berger il ne s’enrichit pas.

Vivant avec les bêtes il les aimait, au moins elles étaient dociles à sa voix, meilleures pour lui que les hommes dont il ne recevait que des coups, n’entendait que des mauvaises paroles.

Lorsque l’âge vint où il commença à sentir en lui le travail mystérieux des désirs charnels, il regarda avec envie les gars qui, plus heureux que lui, s’en allaient avec leurs promises se promener dans les champs après la vesprée ou danser le dimanche sur la place de l’Eglise.

Il assistait à la vie des bêtes, par elles il connut les mystères de l’union sexuelle qu’il ne faisait que soupçonner.

Un moment vint où il fut incapable de maîtriser ses désirs, et quoiqu’il regardât les femmes avec concupiscence, il n’aurait pas osé penser à elles pour satisfaire ses désirs, il se sentait trop loin d’elles; plus près de lui, ces bonnes bêtes qu’il aimait étaient accessibles à ses désirs. Nul ne s’inquiétait de lui, il couchait dans une hutte près du troupeau, il pouvait sans être vu s’introduire la nuit dans une chaude étable. La chaumière des Ménard était non loin de là ; une nuit il s’enhardit, et comme un voleur ou un amoureux sans faire de bruit s’introduisit dans l’étable et après avoir consommé l’acte bestial, s’endormit. Plusieurs fois il recommença, tant et si bien qu’il fut surpris par la Jeanne qui n’était pas une commère commode mais qui était loin de soupçonner ce qu’il venait faire chez elle.

Ne pouvant plus y retourner, Devialle chercha un autre endroit pour satisfaire sa passion. Peu à peu dans le village on sut que ce vilain garçon à sa laideur, à sa bêtise, à sa misère ajoutait le plus grand des crimes: qu’il aimait charnellement les bêtes.

Le mercredi 22 novembre 1544, Jeanne la Grosse s’en fut déposer devant le juge de Chastard; là, elle rencontra des voisins qui ne lui laissèrent aucun doute sur les attirances que Jean Devialle avait eues longtemps pour son étable et du danger que la vertu de ses bêtes avait couru.

Voici les faits qui avaient amené Devialle devant le juge:

Le 11 août, Jean Carpin, laboureur, surprit Devialle «en copulation charnelle avec une génisse dans une étable à lui appartenant».

Le 23 août suivant, le chirurgien Joseph Valdatte le surprenait aussi «en copulation charnelle avec une chèvre noire». Le praticien le menaça d’une dénonciation, Devialle le supplia de n’en rien faire. Il n’était pas toujours d’humeur aussi conciliante et parfois supportait mal les reproches que lui valait son vice. Un de ses cousins germains, Hugues Minelle, gagne-denier qui connaissait sa détestable inclination, «lui ayant fait des remontrances» la veille de la Saint Denis, Devialle irrité «prit un gros bâton et le lança à toute volée mais manqua son coup».

Antoine Podelette, ouvrier en toile, connaissait aussi la «détestable passion» de Devialle et l’en avait aussi réprimandé, mais le malheureux lui avait avoué «qu’il n’en était pas le maître».

Dans l’interrogatoire qu’il subit le lundi 27 novembre à huit heures du matin, Devialle avoua son crime.

La sentence rendue le 3 décembre 1544 par le juge de Chastard et confirmée au Parlement de Paris par arrêt du 9 janvier 1545 le condamna à être pendu et étranglé.

Étude sur la bestialité au point de vue historique, médical et juridique

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