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La Bestialité et la Sorcellerie

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LA Sorcellerie fut au moyen âge la grande pourvoyeuse des bûchers.

Tout ce qui, dans des siècles d’ignorance et de grossières superstitions, ne pouvait facilement s’expliquer, était attribué à la magie.

Voulait-on perdre un ennemi, on l’accusait d’être sorcier. Point n’était besoin d’avoir de grandes preuves, un accident dont les causes échappaient, une maladie sur le bétail, des allures équivoques et le prétendu sorcier, saisi et condamné, allait sur le bûcher expier des méfaits imaginaires.

La misère aussi bien que la richesse, la beauté, le talent, le génie artistique pouvait provoquer les soupçons de l’envie et de la haine qui y voyait l’œuvre du diable.

A côté des individus accusés faussement de sorcellerie existait un grand nombre d’individus se prétendant sorciers. Ils étaient assez fortement suggestionnés pour se croire doués d’un pouvoir surnaturel, en commerce avec «les démons dont ils employaient la prétendue puissance à commettre des crimes ou à nuire à leur prochain», disent leurs terribles juges.

Si les grandes vérités humaines sont contagieuses, font des adeptes prêts à donner leur vie pour les répandre et les défendre, il en est de même de l’erreur quelque grossière qu’elle soit.

Les religions, qu’elles se nomment Boudhisme, Mahométisme, Protestantisme, Catholicisme ne sont pas autre chose que ces forces ignorées qui poussent les hommes à se grouper autour d’un autre homme ou d’une idée, à les soutenir, les défendre, les propager sans souvent connaître les raisons véritables qui les font agir. Chaque époque a vu naître et mourir de ces bizarres conceptions. Ces êtres vivent d’une vie à part ayant en dehors de la société, dans laquelle ils se sentaient perdus, des mœurs, des coutumes, des lois enfreignant celles des autres hommes.

Les sorciers se réunissaient en de grandes assemblées nocturnes appelées Sabbat.

Elles avaient lieu souvent en forêt, dans des endroits écartés de toute habitation. Le démon y était convié et apparaissait sous diverses formes, homme ou bête.

Après les incantations, les cérémonies burlesques de ce culte, des scènes de débauche avaient lieu entre les initiés; le diable était leur maître et leur enseignait une luxure effrénée et abominable.

Au Sabbat, Satan, selon les confessions des sorciers, leur apparaissait tantôt en forme d’un grand homme rouge «gehenné, tourmenté et flamboyant, comme un feu qui sort d’une ardente fournaise», tantôt en forme de bouc barbu parce que le bouc est une «beste puante, salace et lascive». Pour lui faire un grand hommage les sorciers offraient à Satan des chandelles qui rendaient une flamme de couleur bleue et puis le baisaient aux parties honteuses du derrière.

Il y avait encore des démons qui prenaient la forme de boucs ou de moutons et qui accomplissaient l’acte charnel avec les sorciers.

Les filles et les femmes tenaient chacune leur démon par la main ou par la patte. Les danses et trépidations étaient suivies de scènes de débauche.

Françoise Sécretain, qui fut brûlée vive, avoua que le diable l’avait connue charnellement quatre ou cinq fois, tantôt en forme de chien, de chat ou de poule «et que sa semence était froide». Cette Françoise qui se disait sorcière était peut-être tout simplement adonnée à la bestialité et baptisait démon l’animal domestique qui lui servait à assouvir ses désirs.

Des femmes avouèrent qu’elles partaient au Sabbat tantôt sur un bouc, un taureau ou un chien, tantôt sur un cheval et subissaient souvent les assauts de l’animal qui les connaissait charnellement.

On lit dans un ouvrage sur l’histoire de France qu’en l’an 1458 un grand nombre de femmes et d’hommes furent brûlés en la ville d’Arras accusés les uns par les autres. Ils confessèrent que la nuit ils avaient été transportés aux danses et qu’ils avaient couché avec le diable, les uns sous figure humaine, les autres sous forme de bête.

En Allemagne, au pays de Constance et de Navenspurg, en l’an 1485, Jacques Sprenger et ses quatre compagnons, inquisiteurs des sorciers, écrivirent qu’ils avaient fait le procès à une infinité de sorcières qui toutes confessèrent qu’elles avaient eu copulation charnelle avec le Diable ou avec un démon sous la forme d’un bouc, d’un chien ou d’un cheval ailé.

Henry de Coulongue confirme cette opinion, et dit qu’il n’y a rien de plus vulgaire en Allemagne, en Grèce et en Italie.

Car les faunes, satyres et sylvains ne sont autre chose que les malins esprits qui prennent quelquefois la forme de l’animal pour obtenir la possession des femmes.

Saint Augustin, au quinzième livre de la Cité de Dieu, dit que la copulation des femmes avec le Diable est si certaine que ce serait grande impudence de dire le contraire.

Sprenger va plus loin et dit que plusieurs fois aux champs et aux bois les sorcières se découvraient et avaient compagnie du Diable en plein jour et souvent avaient été vues dévêtues et trouvées par leurs maris conjointes avec le Diable tantôt sous la forme humaine, très souvent sous celle d’un bouc, d’un mouton noir ou d’un gros chien. Paul Grillard, jurisconsulte italien, qui fit le procès à plusieurs sorcières, récite au livre des sortilèges que l’an 1576, au mois de septembre, il fut prié par un abbé de Saint-Paul, près de Rome, pour faire le procès à trois sorcières lesquelles finirent par confesser entre autres choses qu’elles avaient eu copulation avec le Diable. Au livre premier, chapitre vingt-septième, des histoires des Indes Occidentales, on peut lire que les peuples tenaient pour certain que leur Dieu Cericoto couchait avec les femmes, car ce Dieu n’était autre qu’un diable.

Sprenger écrivait que les Allemands avaient une grande expérience des sorciers et qu’ils tenaient pour certain que de l’union charnelle des femmes et des démons, sous quelque forme que ce soit, naissaient quelquefois des enfants appelés Wechselkind ou enfants changés qui sont beaucoup plus pesants que les autres, restent toujours maigres et épuiseraient trois nourrices sans engraisser. Saint Hiéronyme, Saint Augustin, Saint Chrysostome et Grégoire de Naziance soutiennent contre Lactance et Joseph qu’il n’en provient rien et que s’il en venait quelque chose ce serait plutôt un diable incarné qu’un homme.

Maître Adam Martin, procureur au siège de Laon, a dit qu’il avait fait le procès à la sorcière de Bieure qui est à deux lieues de la ville de Laon en la justice du Seigneur de la Boue, bailly de Vermandois, l’an 1556. Elle fut condamnée à être étranglée puis brûlée; par la faute du bourreau, elle fut brûlée vive. Elle confessa que Satan qu’elle appelait son compagnon avait sa compagnie ordinaire, qu’il prenait quelquefois la forme d’un animal et qu’il avait toujours la semence froide.

Boguet qui a reçu les confessions de sorciers et de sorcières, écrit que «la laideur et la difformité de Satan est en ce qu’il connaît les sorcières tantôt en forme d’homme tout noir, tantôt en forme de bête, soit chien, chat, bouc ou mouton. Satan connut Thévienne Saget et Antoine Tornier sous la forme d’un homme noir. Lorsqu’ il s’accouplait avec Jaquema Saget et Antoine Gaudillon, il prenait la figure d’un mouton noir, portant des cornes.»

Le grand juge ajoute qu’il n’y a rien d’étonnant que le Diable emprunte le corps d’une bête pour connaître charnellement une femme puisque l’on a vu autrefois à Paris et à Tolose (Toulouse) des femmes qui abusaient d’un chien naturel et que ces femmes furent brûlées pour expier un si grand crime.

Le cas de Françoise Sécretain qui a connu le diable sous la forme d’une poule semble extraordinaire au juge: «Je me doute, dit-il, qu’au lieu d’une poule elle n’ait voulu dire un oison, d’autant plus que le diable se transforme en oison, d’où est venu le proverbe: que Satan a des pieds d’oie.»

Boguet ne conteste pas la puissance de Satan, qui peut prendre telle forme qu’il lui plaît, aussi bien celle d’une oie, d’une poule que d’un chien.

De quoi il rapporte deux exemples.

Le premier, d’un chien que l’on disait être un démon, lequel levait les robes de certaines femmes du diocèse de Cologne pour en abuser.

L’autre, de chiens qui ne voulaient pas sortir de dessous les lits de certaines femmes du pays de Hesse, en Allemagne.

Saint Athanase nous apprend que le diable prend souvent la forme d’une bête et qu’ainsi il possède plus facilement ceux qu’il convoite.

Il écrit, dans la Vie de saint Antoine, que les démons se présentaient à ce saint sous la forme de taureaux, de loups, d’aspics, de scorpions, de léopards, d’ours et de dragons épouvantables.

Dans les Confessions de Rolande du Vernois et de Georges Gaudillon, on voit que le diable avait eu des rapports avec eux sous la figure d’un gros mouton noir portant des cornes, et qu’il paraissait très souvent au sabbat en mouton ou en bouc.

Du reste, les sorciers prétendaient s’attacher les animaux d’une façon toute particulière.

Agrippa de Netlesheim aimait son chien et son chien l’aimait si bien que, à la mort de son maître, à Lyon, la pauvre bête, désolée et inconsolable, se jeta dans la Saône.

En un temps où ces belles choses étaient comprises de si peu de monde, un animal comme celui-là, avec un patron qui lui-même, d’ailleurs, passait pour magicien, ne pouvait être que le diable.

Simon le Magicien avait de même un chien dressé à dévorer ceux qui voulaient entrer de force dans sa maison.

Sans être sorcier, on a encore de nos jours de vigoureux chiens de garde.

Saint André chassa sept démons qui tourmentaient les paysans, et la vue seule du saint les fit changer en chiens.

Thévet raconte que chez une peuplade du Brésil, existait un démon appelé Agnan, qui changeait de forme et possédait alternativement les hommes et les femmes.

Boguet prétendait que la colombe et le taureau de Mahomet n’étaient que des démons métamorphosés.

Les démons, même lorsqu’ils possédaient les femmes, sous la forme d’un animal, s’efforçaient de leur persuader qu’ils étaient très passionnés jusqu’à être jaloux des rapports naturels que les maris avaient avec leur femme.

Clauda Jamprost, Jaquema Paget, Antoine Tornier, Antoine Gaudillon, Clauda Janguillaume, Rolande du Vernois, Clauda Paget, Jeanne Platet, plusieurs autres sorciers ou sorcières qui furent brûlés, confessèrent, avant de mourir, avoir eu des rapports amoureux avec Satan, soit en homme ou en femme, soit en animal. Et, dit Boguet, Satan n’agissait ainsi que parce qu’il savait que les femmes sont adonnées aux plaisirs de la chair et que les hommes ne leur cèdent guère en lubricité.

Une grande question, qui passionnait les inquisiteurs, les juges, les théologiens, enfin tous ceux qui avaient voix au chapitre dans les jugements et les condamnations des sorciers, était de savoir si l’union des sorciers et des sorcières avec le diable, sous quelque forme que ce soit, pouvait produire un résultat.

Les avis étaient partagés.

Boguet ne croyait pas qu’il pouvait naître quelque chose de l’accouplement d’une sorcière avec un mouton, un chat, un chien, à cause de la trop grande disproportion qu’il y a entre eux. Pourtant il raconte que les deux femmes qui furent brûlées à Toulouse et à Paris étaient accouchées de l’œuvre d’un chien naturel qui les avait engrossées.

Et ce qui prouve qu’à cette époque la bestialité était assez répandue, Boguet ajoute:

«On verrait la terre remplie pour la plupart des fruits provenus de telles copulations, car ce n’est pas dès aujourd’ hui qu’elles sont en pratique, malgré les punitions que la loi de Dieu infligeait à ceux qui se rendent coupables de ce crime et que la mort soit le châtiment réservé à l’homme ou à la bête.»

Martin del Rio écrit que l’imagination est tellement puissante sur les femmes enceintes que l’on a vu des femmes enfanter l’une un loir, l’autre un rat sauvage, l’autre un monstre ressemblant à un ours.

Torquemada pense que ce sont des châtiments que Dieu envoie aux femmes qui s’adonnent à des accouplements désordonnés et abominables.

Entre autres exemples: Alcipe enfanta un éléphant.

En Suisse, en l’an 1278, une femme accoucha d’un lion.

En 1471, à Pavie, une femme enfanta un chien.

Enfin, en 1531, une autre femme, d’une même ventrée, enfanta premièrement un chef d’homme, enveloppé d’une taie; deuxièmement, un serpent à deux pieds; en troisième lieu, un pourceau entier.

Les sorcières qui allaient au sabbat, à défaut de «balai rôti», enfourchaient un animal quelconque.

Rolande du Vernois y partait sur un gros mouton noir.

Jehanne Lebinat, sur un chien énorme.

Marie-Magdelaine Larue, sur un cheval.

Une femme, amenée prisonnière au château de Bretoncourt, conçut dans son cachot un petit chien blanc.

Alors qu’elle était détenue, Thévenne Paget, qui fut brûlée, aimait le diable sous la forme d’un chat.

Wier cite l’observation d’un démon, agité de la folie sexuelle, qui se déguisait en chat à Hensberg et courait après les filles.

De Lancre résume ainsi le récit d’une de ces malheureuses: «Danser indécemment, festiner ardemment, s’accoupler diaboliquement, sodomiser exécrablement, blasphémer scandaleusement, se venger insidieusement, courir après tous les désirs horribles, sales et dénaturés brutalement, tenir crapauds, vipères et lézards et toutes sortes de poisons précieusement, aimer un bouc puant ardemment, le caresser amoureusement, s’accointer et s’accoupler avec lui horriblement et impudemment: telles étaient les choses qu’elles confessaient»

Le sabbat était-il imposture, rêve ou réalité ? Michelet le considère comme un reste du paganisme.

Les mystères du sabbat furent dénoncés en 1353, dans un procès qui eut lieu à Toulouse; l’épidémie démoniaque devait durer trois cents ans.

Ce qui caractérise tout spécialement la sorcellerie, la rattache en quelque sorte à la bestialité, en la distinguant de la magie proprement dite, c’est surtout le commerce charnel avec le diable, souvent sous la forme de bête.

«Les malheureux, infatués de cette horreur, écrit Voltaire, se mettaient à genoux vis-à-vis d’un bouc dans leurs assemblées et le baisaient au derrière, et la nouvelle initiée, qui se donnait au diable, se soumettait à la lasciveté de ce puant animal qui, rarement, daignait condescendre aux désirs de la femme. Ces infamies n’ont jamais été commises que par les personnes les plus grossières de la lie du peuple, et dans tous ces procès on ne voit que rarement le nom d’un homme un peu qualifié.

«Il est constant que la cohabitation des sorcières avec un bouc, la coutume de le baiser au derrière, qui est passée en proverbe, la danse ronde qu’on exécute autour de lui, les petits coups de verveine dont on le frappe, toutes les cérémonies de cette orgie viennent des Juifs, qui les tenaient des Egyptiens. En effet, ce furent les Juifs qui enseignèrent, dans une partie de l’Europe, la sorcellerie.»

Le jésuite Del Rio, dans ses Disquisitions magiques, en 1599, sur la foi des jurisconsultes du temps, assurait même qu’en 1595 une femme accoucha, à Bruxelles, d’un enfant que le diable lui avait fait, déguisé en bouc, et qu’elle fut châtiée pour ce fait.

La science moderne a fait raison de ces superstitions et n’ajoute aucune créance aux récits invraisemblables de ces démomaniaques dont les hallucinations enfantaient le commerce avec le démon sous la forme de bouc ou de lycanthropes qui, au milieu même des plus violentes tortures, avouèrent s’être accouplés avec des louves et avoir éprouvé, pendant ces accouplements, autant de plaisir que s’ils eussent été unis à des femmes.

On ne peut en conclure que la bestialité, au moyen-âge, était communément répandue dans les villages puisqu’ il est impossible de vérifier l’exactitude des faits. Les aveux mêmes arrachés par la torture ne peuvent servir de preuves, la plupart avouant sans être coupables; d’autres, suggestionnés, se croyaient coupables sans l’être.

C’est un indice seulement.


Étude sur la bestialité au point de vue historique, médical et juridique

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