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PROCÈS DE JEAN GERBOURT

Table des matières

— 1560 —

Adrien Martel, fermier de la ferme de la Geolle, avait à son service un charretier nommé Jean Gerbourt, né à Daumartin, et alors âgé de quarante-huit ans.

Gerbourt était un bon ouvrier qui ne rebutait pas à la besogne, aussi son maître y tenait-il malgré les mauvais propos qui couraient sur son compte.

On disait dans le pays que Gerbourt avait une passion extravagante pour une ânesse; plusieurs affirmaient qu’ils l’avaient surpris sur le fait. Gerbourt avait avoué à quelques-uns qu’il avait une inclination pour une ânesse et que cela était malgré lui.

On parla tant et si bien que dame Justice, qui n’est sourde que lorsqu’elle le veut bien, finit par s’émouvoir. Devant le juge et bailly de Laguy, Pierre de Hautefeuille, comparut Jean Gerbourt, arrêté par Joseph Castagne, exempt, Paul Duguerre, Abraham Bausy, Jérôme Vitard et Toussaint Piquot, cavaliers de la maréchaussée. En même temps que Gerbourt, comparut l’ânesse, à l’audience du magistrat, l’homme et la bête accusés du crime de bestialité.

Interrogé, le délinquant nia énergiquement être coupable du crime qu’on lui reprochait. Les informations commencèrent le mercredi 27 août 1560.

D’abord parut le boulanger du village, Etienne Dutrot «vêtu de rouge»; un boulanger qui se respecte est toujours au courant de ce qui se dit et se fait. En venant chercher le pain du ménage, les femmes jacassent, et c’est toujours très intéressant pour des commères que de parler d’un sujet aussi scabreux. Etienne Dutrot convint donc «que le bruit était public».

Le brasseur Nobert Dubuisson «vêtu de drap bleu et veste rouge» fut plus explicite. Il savait davantage et ne se fit pas tirer l’oreille pour le raconter.

Il dit donc au magistrat qu’il savait que Gerbourt avait la détestable inclination de commettre la sodomie avec des bêtes brutes et qu’il avait une ânesse dont il usait comme d’une femme, d’ailleurs Gerbourt lui avait avoué être possédé de cette détestable passion.

Dubuisson essaya de lui donner quelques bons conseils, de lui remontrer l’énormité de son crime; Gerbourt accepta les conseils avec douceur mais à toutes les remontrances il trouvait la même réponse «qu’il n’en était pas le maître».

Le tanneur Simon Bonhomme avait eu Gerbourt à son service pendant quatre ans et demi, il avoua qu’il avait eu des soupçons sur la mauvaise conduite de son serviteur mais qu’il n’avait jamais pu le convaincre de ce détestable penchant.

Un autre témoin, Adrien Martel, mandé par le juge, ne put se présenter; étant retenu au logis par une maladie assez grave, il envoya à sa place son fils, Joseph Martel, qui, le mercredi 3 septembre, déposait au lieu et place de son père.

Il déclara que, depuis l’arrestation de Gerbourt, ils avaient entendu dire que celui-ci avait toujours pris un soin particulier de l’ânesse emmenée par la brigade de la maréchaussée. Pour se conformer, ajouta-t-il, à la vérité il ne pouvait rien ajouter de plus précis, il n’avait jamais vu Gerbourt avec l’ânesse ni avec aucune autre bête; ce qu’il savait du malheureux penchant de l’accusé, il l’avait appris par les causeries de l’un et de l’autre.

Aucun de ces témoignages ne reposait sur quelque chose de précis, sur la constatation d’un fait matériel indéniable, aussi Gerbourt nia-t-il avec la plus grande énergie les accusations portées contre lui jusqu’au moment où le juge lui fit subir la question pendant laquelle il s’avoua coupable..

C’était ainsi qu’on procédait au XVIe siècle, lorsque des accusations étaient portées contre un individu, fût-il même innocent, le juge le pressant de questions pour obtenir l’aveu de la faute qui lui était imputée. Si l’individu ne voulait avouer, on le condamnait à la question, les tortures avaient raison de son mutisme et souvent il se produisit ce fait que des innocents avouèrent des fautes qu’ils n’avaient pas commises afin d’échapper aux souffrances qu’ils enduraient.

Gerbourt, ayant avoué, fut condamné par Pierre de Hautefeuille à être pendu et étranglé, son corps brûlé avec celui de l’ânesse, les cendres jetées dans la rivière de Marne, ses biens confisqués au profit du Roi, en plus une amende de cent livres pour le Roi et vingt livres de dommages et intérêts à Martel, propriétaire de l’ânesse.

L’arrêt du Parlement du 9 octobre 1560 confirma la sentence du 20 septembre, sauf que la Cour décida que les cendres seraient jetées au vent.

Étude sur la bestialité au point de vue historique, médical et juridique

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