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PROCÈS DE JACQUES PRENAULT

Table des matières

— 1551 —

Jacques Prenault habitait le bourg de Saint-Martin; vigneron de son métier, il gagnait de bonnes journées, il aurait pu vivre et mourir tranquille s’il n’eût eu une détestable passion.

Jacques Prenault aimait les chèvres, ce fut ce qui le perdit. Quand sa passion parlait, il ne gardait aucune prudence, ne cherchant même pas la solitude pour satisfaire ses désirs; plusieurs fois il fut pris sur le fait mais aucune dénonciation n’ayant suivi, Prenault continua sans se gêner à fréquenter les chèvres lorsqu’il en trouvait à sa convenance.

Un lundi, le 24 avril 1551, Jacques Prenault fut surpris «en train d’abuser charnellement et détestablement d’une chèvre noire» dans un pâturage de l’île de Ré, non loin du bourg de Saint-Martin.

Cette chèvre noire était l’objet des prédilections de Prenault, et appartenait justement à un des témoins de l’acte, un des plus acharnés accusateurs, l’aubergiste Eustache Robinet.

Robinet, accompagné de Pierre Duloir, marchand; Claude Dubois, gagne denier; Louis Grandjean, vigneron; Jean Levire, tisserand, déclarèrent qu’ils avaient vu Prenault «vêtu de drap rouge, avec des culottes de peau et des bas de chausses y jointes caresser charnellement la chèvre noire et consommer avec elle l’acte sexuel».

Prenault fut arrêté et remis entre les mains du chef de la brigade de maréchaussée, le nommé Leroux. Accompagné de la chèvre noire, Prenault fut conduit à deux heures de l’après-midi devant le juge royal de l’île de Ré. Jacques Prenault, interrogé, déclara au magistrat qu’il était âgé de quarante ans, était né au bourg de Saint-Martin où il exerçait la profession de vigneron; il ajouta que la chèvre noire n’était pas à lui mais appartenait à Robinet, marchand de blé à l’île de Ré et que jamais il n’avait commis le crime qui lui état reproché.

Le mercredi 26 avril, le juge royal ouvrit une information; tous les témoins s’accordèrent à déclarer que maintes fois ils avaient surpris Prenault commettant l’acte bestial avec cette chèvre. Louis Grandjean qui avait été souvent en conversation avec Prenault, fut très explicite, il ajouta à son témoignage une confidence que Prenault lui avait faite plusieurs fois.

Entre autres jours qu’ils parlaient ensemble des filles du pays, Prenault lui avait dit «qu’il aimait mieux cette chèvre qu’une femme».

Un autre témoin ajouta que Prenault n’aimait pas les femmes, qu’on ne lui avait jamais vu de cotillon autour de lui mais qu’en revanche il avait toujours paru aimer cette chèvre qu’il caressait en public et avec laquelle on le rencontrait souvent.

Le samedi 29 avril, Prenault fut de nouveau interrogé, mais il nia de plus belle, assurant même que tous les témoins avaient été subornés par Eustache Robinet qui lui en voulait particulièrement et qui, depuis longtemps, voulait tirer vengeance de plusieurs querelles qui avaient éclaté entre eux. Prenault raconta au juge que le jour de la précédente fête de Saint-Rémy il s’était disputé avec Robinet, que les coups avaient succédé aux injures et que Prenault, emporté par la colère et ne sachant plus trop ce qu’il faisait, avait frappé Robinet à la tête et si malencontreusement que Robinet dut garder le lit et appeler à son chevet le chirurgien de Saint-Martin-de-Ré, le nommé Alexis Prade, qui pourrait attester la véracité de ces paroles; Robinet avait gardé rancune à Prenault des coups reçus, qu’il n’avait pu rendre, et avait juré de se venger de Prenault. En voyant celui-ci jouer dans un pré avec une chèvre noire qui lui appartenait, Robinet avait résolu de profiter de cette circonstance pour le perdre et avait inventé cette odieuse histoire; pour trouver des témoins il leur avait promis quelque récompense.

Après cette déposition, Prenault affirme de nouveau qu’il est innocent.

Le lundi 15 mai une confrontation eut lieu, les témoins affirmèrent avoir vu Prenault se servant de la chèvre noire comme d’une femme et la caressant abominablement; Prenault maintint ses dénégations.

Le juge royal menaça alors l’accusé de le soumettre à la question.

Effrayé, Prenault supplia le magistrat de lui épargner cette épreuve et avoua alors les relations qu’il entretenait avec la chèvre noire, vers laquelle il se sentait entraîné irrésistiblement. Il demanda grâce, promettant de se corriger de cette affreuse passion, mais le juge appliqua la loi et Prenault fut condamné à être pendu, étranglé et brûlé sur la place de Saint-Martin-de-Ré. Par arrêt du Parlement fut confirmée cette sentence de mort.

Dans son interrogatoire, Jacques Prenault avoua qu’il se sentait irrésistiblement entraîné à commettre l’acte sexuel avec une chèvre, non pas avec une chèvre quelconque, mais une certaine chèvre noire qu’il savait appartenir à celui qu’il considérait comme un ennemi redoutable.

Dans un moment d’abandon il commit l’imprudence de faire à un camarade l’aveu de cette bizarre passion, confessant qu’il préférait cette chèvre à une femme, aveu qui se retournera un jour contre lui, lorsque le camarade sera devenu, par la force des choses, un de ses accusateurs.

Plusieurs fois, il fut surpris accouplé avec cette chèvre; il sait qu’une indiscrétion peut le perdre, que son secret est à la merci de tous; il ne doit pas ignorer quel terrible châtiment est réservé à ceux qui se rendent coupables de ce crime. Rien ne l’arrête, sa passion est plus forte que sa volonté ; quelque impossible que cela puisse paraître, la vue de cette chèvre noire le rend faible devant ses désirs, il perd toute prudence et ne songe qu’à satisfaire son penchant, c’est ainsi qu’il est surpris dans un pâturage de l’île de Ré, arrêté et conduit devant le juge.

Là il se défend habilement, niant énergiquement actes et propos; d’accusé se faisant accusateur, il rejette tout l’odieux de cette calomnie sur son ennemi mortel, ce Robinet, propriétaire de la chèvre noire. Dans sa défense on voit qu’il est doué de quelque intelligence, malheureusement chez Prenault l’instinct commande d’une façon obsédante et impulsive et en esclave docile il obéit à sa honteuse passion.

Étude sur la bestialité au point de vue historique, médical et juridique

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