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Préliminaires historiques

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Table des matières


L’HISTOIRE de la Bestialité présente, dans les temps modernes, de grandes difficultés quant à la documentation. Lorsqu’il s’agit de l’antiquité, ces difficultés deviennent des impossibilités. On ne peut établir qu’une agglomération artificielle de faits plus ou moins véridiques dont on ne doit tirer aucune conclusion.

Hérodote dit qu’en Egypte la bestialité était une des formes religieuses et qu’on offrait des femmes au bouc consacré.

Chez les Romains la bestialité était punie du châtiment réservé à la sodomie.

Pendant les Bacchanales, fêtes religieuses données en l’honneur de Bacchus, il est possible que des actes de bestialité furent commis par des individus ivres de vin et de luxure.

Ces fêtes se célébraient pendant la nuit, les hommes et les femmes y étaient admis et cette promiscuité, jointe à la fureur bachique, donna naissance à tous les excès possibles de la débauche.

De l’Etrurie, où ces mystères prirent naissance, ils passèrent à Rome et furent une école de tous les vices et de tous les crimes.

Les femmes étaient en majorité dans ces fêtes.

Ne trouver de crime à rien était pour les initiés le plus haut degré de la perfection religieuse.

Faut-il en conclure que la bestialité et la sodomie, furent plus connues parmi les fervents de Bacchus que parmi le reste du peuple: c’est une probabilité, mais cela n’est pas une certitude.

L’amour des bêtes fut à Rome un engouement général. Toutes les maisons patriciennes avaient des animaux domestiqués, couchant souvent dans la chambre du maître, mangeant avec lui.

N’en est-il pas encore ainsi de nos jours? On ne peut donner ces faits que comme indications sans pouvoir en tirer une conclusion.

Les Empereurs romains reproduisirent, tout en les exagérant, les monstrueux caprices des Néron et des Domitien. Caracalla eut un lion apprivoisé appelé Cimeterre, Acinaces ; il le menait partout, partageant avec lui sa table et son lit, et l’embrassait en public.

Il avait la prétention de rivaliser aussi avec Hercule. Valentinien Ier avait deux ourses favorites, Paillette d’Or et Innocence (Mica aurea et Innocentia); il avait le plus grand soin de ces monstres familiers, il leur donnait des hommes à manger; leurs cages étaient placées près de sa chambre à coucher, avec des gardiens fidèles chargés d’entretenir en eux cette ardeur sanguinaire. Luxurius, poète du Ve siècle, consacra quelques vers à un sanglier que son maître nourrissait dans sa salle à manger et qui venait chercher ses caresses.

Ovide décrit le cerf de Cyparisse et Virgile, celui de Sylvie, belles bêtes habituées à répondre à l’appel de leur maître, à manger à sa table, à sortir et rentrer librement, à se prêter à ses caresses et à ses soins, à recevoir des parures de toutes sortes: guirlandes de fleurs, pompons, chaînes enrichies de pierreries, colliers d’or, etc.

On les baignait, on peignait leur poil luisant, on dorait leurs cornes.

Le lièvre et le lapin sont souvent représentés dans les œuvres d’art entre les mains ou sur les genoux des jeunes femmes et des jeunes gens.

«Il est constant, dit Voltaire, qu’en Egypte plusieurs femmes donnèrent avec les boucs le même exemple que donne Pasiphaë avec un taureau. Hérodote raconte que lorsqu’il était en Egypte une femme eut publiquement ce commerce abominable dans le Nome de Mendès. Il dit qu’il en fut très étonné, mais il ne dit point que la femme fut punie.

«Ce qui est encore plus étrange, c’est que Plutarque et Pindare, qui vivaient dans des siècles si éloignés l’un de l’autre, s’accordent tous deux à dire qu’on présentait des femmes au bouc consacré.

«Cela fait frémir la. nature.

«Pindare dit, ou bien on lui fait dire:

Charmantes filles de Mendès,

Quels amants cueillent sur vos lèvres

Les doux baisers que je prendrais?

Quoi! ce sont les maris des chèvres!

On peut interpréter comme une immolation devant racheter non pas tous les péchés des hommes, mais les péchés spéciaux commis avec la race caprine, le sacrifice du bouc Hazazel que les Israélites devaient emprunter à leurs maîtres et précipiter du haut des rochers.

Ce n’est pas seulement un bouc émissaire qui eût dû être sacrifié au milieu des fleurs dont il était paré, mais aussi une chèvre émissaire.

«On ne doute pas, écrit Lang, que plusieurs Egyptiennes n’aient poussé leur infamie superstitieuse jusqu’à soumettre leurs corps à des boucs, tandis que les hommes commettaient le péché d’impureté avec des chèvres. Cette dépravation a été fort commune dans les pays chauds où les troupeaux de chèvres sont gardés par des jeunes gens ou par des jeunes filles.»

En Lydie et en Phrygie le culte de Cérès et d’Atys donnait lieu à des fêtes où dans l’orgie sacrée se commettaient les débauches les plus monstrueuses. C’étaient des moments de réjouissances générales qui donnaient lieu à un débordement de passion, d’une exubérance inouïe, plaisirs effrénés, vices monstrueux.

Dans cette épithète faut-il comprendre la bestialité et la sodomie?

La fornication caprine ne peut, dans l’antiquité, être spécialisée à telle ou telle race, on doit la considérer comme entachant les mœurs de tous les peuples pasteurs, il n’est donc pas étonnant que les Hébreux y aient été sujets.

Le Lévitique constate que la bestialité était très répandue dans le pays de Chanaan.

Les chapitres XVII, XIX, XX de ce livre prescrivaient que les Hébreux n’offrissent plus d’offrande aux velus avec lesquels ils avaient forniqué ; que les femmes ne forniquassent point avec les bêtes; que la femme qui aurait servi de succube à une bête serait punie avec la bête et que leur sang retomberait sur eux.

Voltaire commente ainsi ce passage:

«Cette expression remarquable prouve évidemment que les bêtes passaient pour avoir de l’intelligence. Non seulement le serpent et l’ânesse avaient parlé, mais Dieu, après le déluge, avait fait un pacte, une alliance avec les bêtes.

«C’est pourquoi de très illustres commentateurs trouvent la punition des bêtes qui avaient subjugué des femmes très analogue à tout ce qui est dit des bêtes dans la Sainte Ecriture. Elles étaient capables de bien et de mal. Quant aux velus on croit dans tout l’Orient que ce sont des singes, mais il est sûr que les Orientaux se sont trompés en cela, car il n’y a point de singes dans l’Arabie Déserte. Ils sont trop avisés pour venir dans un pays aride où il faut faire venir de loin le boire et le manger. Par les velus il faut absolument entendre les boucs.

«C’est principalement des boucs et des chèvres dont il s’agit dans ces lois devenues malheureusement nécessaires au peuple hébreu. C’est aux boucs et aux chèvres, aux asirim qu’il est dit que les juifs se sont prostitués: asiri un bouc ou une chèvre; asirim, des boucs ou des chèvres.»

Voltaire abuse des dons précieux de son esprit alerte, railleur, paradoxal, pour maltraiter ces pauvres juifs déjà persécutés de toutes parts. Ce n’est plus de l’histoire mais de la polémique, et pourtant il faut dire qu’en consacrant, dans son Dictionnaire philosophique, un chapitre à la bestialité, Voltaire a fait preuve d’un certain courage — dont il était d’ailleurs coutumier — car à son époque comme à la nôtre l’écrivain qui ose écrire ce qu’il pense, ou qui ose aborder certains sujets taxés immoraux, soulève contre lui toute une armée de gens indignés qui crient au scandale, à la corruption. Hypocrisie ou sottise des gens bien pensants. Au chapitre XIV intitulé : «Qui a fait la cour à des boucs et à des chèvres? » Voltaire prenant parti dans une dispute simulée entre «Un chrétien contre six juifs» répond à une protestation:

«Vous êtes fâché contre mon ami de ce qu’il passe selon vous pour avoir dit que vos grands-pères faisaient autrefois l’amour à des chèvres et vos grands-mères à des boucs dans les déserts de Pharan, de Sidin, d’Oreb, de Cadès-Barné, où l’on était fort désœuvré. La chose est très vraisemblable puisque cette galanterie est expressément défendue dans vos livres.

«On ne s’avise guère d’infliger la peine de mort pour une faute dans laquelle personne ne tombe, mais si ces fantaisies ont été communes il y a près de trois mille ans chez quelques-uns de vos ancêtres, il n’en peut rejaillir opprobre sur leurs descendants.

«Vous savez qu’on ne punit point les sottises des pères passé la quatrième génération, de plus vous ne descendez point de. ces mariages hétéroclites et quand vous en descendriez personne ne devrait vous le reprocher.

«On ne choisit point son père.

«Par un reproche populaire

«Le sage n’est pas abattu.»

On ne peut disconvenir que la réponse était spirituelle, mais ce qu’il ne faut pas oublier c’est que Voltaire était un antisémite enragé. En toutes circonstances il décoche contre les Juifs ses traits les plus acérés.

Il les hait de parti pris.

C’est une des faiblesses de ce grand esprit.

Il semble étonnant qu’un homme de cette valeur, s’enorgueillissant du titre de philosophe et de penseur, ait pu garder le plus odieux et le plus ridicule des préjugés: celui des races.

Peut-être, malgré son anticléricalisme, y joignait-il le préjugé des religions.

«Il faut, dit-il, que la bestialité ait été commune chez la nation juive, puisqu’elle est la seule nation connue chez qui les lois aient été forcées de prohiber un crime qui n’a été soupçonné ailleurs par aucune législation. »

On aurait pu facilement lui faire remarquer que les documents législatifs font absolument défaut sur un grand nombre de matières connues et que sans aller plus loin, en France, les monuments législatifs que sont les capitulaires, les établissements de Saint-Louis et divers coutumiers faisaient beaucoup mieux que soupçonner ce que Voltaire, par un vieux reste d’hébraïsme, appelle un crime.

Relativement à la bestialité masculine, Voltaire écrit:

«Il est à croire que dans les fatigues et dans la pénurie que les juifs avaient essuyées dans les déserts de Pharan, d’Oreb et de Cadès-Barné, l’espèce féminine, plus faible que l’autre, avait succombé.

«Il faut bien qu’en effet les juifs manquassent de filles puisqu’il leur est toujours ordonné quand ils s’emparent d’un bourg ou d’un village, soit à gauche, soit à droite du lac Asphaltite, de tuer tout, excepté les filles nubiles.»

C’est une hypothèse plausible mais qui a le défaut de n’être applicable qu’aux hébreux alors que tous les peuples pasteurs peuvent être légitimement soupçonnés des mêmes faits.

La Galette des Tribunaux a dit avec plus de vraisemblance:

«Moïse remarquait que les habitants des collines et des montagnes avaient la spécialité de pratiquer le coït avec des chèvres et il attribuait ce fait à l’influence de l’altitude élevée qui les poussait, pensait-il, à la bestialité.

«L’influence de l’altitude n’a rien à faire ici, les pauvres chevriers, éloignés de toute créature humaine n’usaient de leurs chèvres que comme pis-aller.»

Voltaire fournit une explication sur la bestialité féminine. Elle résulte simplement d’un tour spécial de son esprit, on ne peut lui attribuer aucune valeur scientifique, c’est une arme de polémique grossière que nous ne citons qu’au point de vue documentaire.

«Le Lévitique fait ce reproche aux dames juives qui erraient dans le désert. Je dirai, pour leur justification, qu’elles ne pouvaient se laver dans un pays qui manque absolument d’eau et où l’on est encore obligé d’en faire venir à dos de chameau. Elles ne pouvaient changer ni d’habits ni de souliers puisqu’elles conservèrent quarante ans leurs mêmes habits, par un miracle spécial; elles n’avaient pas de chemise. Les boucs du pays purent très bien les prendre pour des chèvres à leur odeur.

Cette conformité put établir quelques galanteries entre les deux espèces».

Voltaire, l’athée, Voltaire le libre-penseur, n’aurait jamais dû connaître la haine des races, c’est une petitesse d’esprit, un manque de logique, incompatibles avec son génie.

Le véritable historien doit livrer les faits sans les enrichir de louanges ou les dénigrer par de basses insultes. Il ne doit pas chercher à influencer l’esprit du lecteur, ses considérations générales ne doivent être empreintes que d’une sévère impartialité.

Toute une école anticléricale se réclame aujourd’hui de Voltaire qui s’est toujours montré adversaire d’un des principes fondamentaux de cette école: Egalité des races. Solidarité des races.

Voltaire a été un antisémite enragé.

Bizarre contradiction!

Dans tous les pays dès qu’on parle de bestialité, le merveilleux dénature la réalité. La fable joue un grand rôle dans ces récits. Sous la légende on a caché ce qu’il y avait de honteux dans l’union de l’homme et de la bête.

On ne peut donc que citer les rares faits s’y rattachant en se gardant bien de les qualifier d’historiques. Sans qu’il soit possible de contrôler l’exactitude de leurs dires, des voyageurs rapportent que les femmes des hautes montagnes du Pérou s’accouplaient ordinairement avec des singes et qu’elles accouchaient de monstres qui n’avaient de l’homme que le regard et les parties secrètes.

Saxon le grammairien dit qu’un roi des Goths tira son origine d’une vierge noble qui avait eu commerce avec un ours.

Les peuplades indiennes ont prétendu descendre d’une femme d’une grande beauté qui avait eu commerce avec un chien d’une très grande taille et d’une vigueur remarquable.

Les annales du Portugal citent le cas d’une femme qui avait commerce avec un singe et qui était accouchée de deux enfants.

Job Fincel dit qu’à Padoue il a vu des hommes avoir commerce avec des bêtes.

En Calabre, les bergers étaient les maris de leurs chèvres.

Du XIIIe au xve siècle l’amour des chèvres fut épidémique en Italie.

Actuellement dans certaines contrées de l’Orient, en Syrie, en Afrique, en Egypte, la bestialité est encore très répandue.

Le moyen-âge a certainement dû être l’époque où elle a été le plus fréquente dans nos campagnes.

Tant de préjugés grossiers et stupides régnaient alors; elle est tellement liée à l’histoire de la sorcellerie que, dans la plupart des cas, ceux que l’on brûlait pour avoir eu commerce avec les bêtes étaient aussi brûlés comme sorciers. Quant à ceux-ci, presque tous confessaient avoir eu des rapports charnels avec des animaux, mais il est impossible d’établir quelle part, dans leurs récits, il faut faire à la vérité ou au mensonge.

Nous avons donc traité la bestialité au moyen-âge dans un chapitre spécial.

Un fait de bestialité est signalé dans le journal d’un bourgeois de Paris sous François Ier. «En 1533, fut bruslé, à Bloys, où estoit le Roy, un italien de la ville d’Alexandrie à cause qu’il était bougre et sodomitte, et par devant avait été reprins par justice d’avoir contre-faict la signature du chancelier de France mais au pour-chas de ses amys le Roy lui avait pardonné.»

Un extrait de la Connestable Paris 1661, nous donne un arrêt du 2 juillet 1588 contre «Jean Dupuy, pour bestialité commise, condamné par sentence du Bailly de Blois d’estre pendu et estranglé, son corps mort bruslé avec ce qui a servi à son crime, confirmée par arrêst au deuxième juillet mil cinq cent quatre vingt huit qui cum jumento et pecore coiërit morte moriatur pecus autem occidetur.»

Les faits de bestialité trouvés dans les arrêts du Parlement forment un chapitre spécial.


Étude sur la bestialité au point de vue historique, médical et juridique

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