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VII

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Environ à l'époque de l'assemblée des états généraux, parut un ouvrage auquel il sera maintenant curieux de nous reporter; il était dû à la plume de Laclos et avait pour titre: Galerie des états généraux [9]. Cet ouvrage, sous des noms d'emprunt, donnait des croquis des principaux personnages qui devaient figurer aux états généraux. Au milieu d'une variété de portraits, se trouvent ceux du général la Fayette et de l'évêque d'Autun; le premier sous le nom de Philarète, le second sous celui d'Amène, et certainement, l'auteur nous surprend par sa perception si nette du caractère de ces deux hommes, et par la sagacité prophétique avec laquelle il devine leur future carrière. Il sera utile, toutefois, de se rappeler que Laclos était un familier du Palais-Royal, que fuyait l'austère soldat et que fréquentait l'évêque moins scrupuleux; et que, tandis qu'il enregistre les défauts, il omet les qualités éminentes qui firent du soldat et du disciple de Washington l'un des hommes les plus remarquables de son temps.

«Philarète, ayant expérimenté qu'on était un héros à bon marché, a imaginé qu'il n'était pas plus difficile de passer pour un homme d'État... Le malheur de Philarète est qu'il a de grandes prétentions et des conceptions ordinaires; il prend en main la cause de la liberté, non qu'il en raffole, non qu'il croie venir à son secours; mais en se mettant du parti le moins nombreux, il espère être aperçu; et s'il est condamné à se taire à Paris, il fait sensation dans la province, où il déclame comme un énergumène.

«Philarète est parvenu à se croire l'auteur de la révolution d'Amérique, et il s'arrange pour être un des premiers acteurs de la Révolution de France. Il prend le bruit pour la gloire, un événement pour un succès, son épée pour un monument, un compliment pour des titres à l'immortalité, des grâces pour des récompenses, et la valeur pour l'héroïsme.

«Il n'aime pas la cour, parce qu'il y est emprunté, le monde, parce qu'on y est confondu, les femmes, parce qu'elles altèrent la réputation quand elles ne mènent pas à la fortune; mais il aime les clubs, parce qu'on y recueille les idées des autres dont il se fait honneur dans l'occasion, les étrangers, parce qu'ils ne regardent pas de si près; les sots, parce qu'ils écoutent et même admirent.

«.....Philarète sera fidèle au parti qu'il a pris, sans pouvoir se rendre un compte bien exact des raisons qui l'y retiennent. Il ne sait pas au juste ce que c'est qu'une constitution et le degré de force qu'il importe à une nation de conserver à l'autorité; mais le mot de liberté réveille chez lui l'ambition, quitte à savoir ce qu'il en fera lorsqu'il la croira acquise.

«Tel est Philarète. Il mérite une espèce de renommée, parce qu'il vaut mieux que la plupart de ses rivaux. Peut-être ignore-t-il lui-même la source de l'indulgence qu'il a obtenue. Elle vient de ce qu'il a beaucoup fait avec les moyens médiocres qu'il tenait de la nature. On lui a su plus de gré de ce qu'il a voulu être, que de ce qu'il était. D'ailleurs il a l'extérieur de la modestie, et les connaisseurs seuls savent sur cet article à quoi s'en tenir.

«Sa réputation militaire n'est qu'ébauchée; c'est la première guerre qui y mettra le sceau. Sa réputation d'homme d'État est faite, il n'ira jamais au delà de ce que nous le voyons: peu de génie, peu de nerf, peu de poumons, peu d'art, toujours avide de petits succès.» (Pages 93-97.)

Tel était le portrait qu'avait fait de la Fayette l'auteur anonyme. Nous arrivons maintenant à celui de M. de Talleyrand:

«Amène a ces formes enchanteresses qui embellissent même la vertu. Le premier instrument de ses succès est un excellent esprit. Jugeant les hommes avec indulgence, les événements avec sang-froid, il a cette modération, le vrai caractère du sage. Il est un certain degré de perfection qui n'existe que dans l'entendement, et une espèce de grandeur à vouloir le réaliser; mais ces brillants efforts donnent un instant de faveur à celui qui l'entreprend, et finissent par n'être d'aucune utilité aux hommes, bientôt détrompés. Le bon esprit dédaigne tout ce qui traîne à sa suite de l'éclat, et mesurant les bornes de la capacité humaine, il n'a pas le fol espoir de les étendre au-delà de ce que l'expérience a montré possible.

«Amène ne songe pas à élever en un jour l'édifice d'une grande réputation. Parvenue à un haut degré, elle va toujours en décroissant, et sa chute entraîne le bonheur, la paix; mais il arrivera à tout, parce qu'il saisira les occasions qui s'offrent en foule à qui ne violente pas la fortune. Chaque grade sera marqué par le développement d'un talent, et, allant ainsi de succès en succès, il réunira cet ensemble de suffrages qui appellent un homme à toutes les grandes places qui vaquent.

«L'envie, qui rarement avoue un mérite complet, a répondu qu'Amène manquait de cette force qui brise les difficultés nécessaires pour triompher des obstacles semés sur la route de quiconque agit pour le trésor public. Je demanderai d'abord si l'on n'abuse pas de ce mot, avoir du caractère, et si cette force qui a je ne sais quoi d'imposant, réalise beaucoup pour le bonheur du monde. Supposant même que, dans les moments de crise, elle ait triomphé des résolutions, est-ce toujours un bien? Je m'arrête. Quelques lecteurs croiraient peut-être que je confonds la fermeté, la tenue, la constance avec la chaleur, l'enthousiasme, la fougue: Amène cède aux circonstances, à la raison, et croit pouvoir offrir quelques sacrifices à la paix sans descendre des principes dont il fait la base de sa morale et de sa conduite.

«Amène a contre lui la douceur du caractère, l'agrément de la figure, le charme de l'amabilité; je connais des gens que tant d'avantages choquent; ils se préviennent contre un homme qui s'avise de les joindre au hasard utile de la naissance, et aux qualités essentielles de l'âme; ils s'en consolent par la recherche de quelques défauts, ou du moins de bons ridicules qu'on puisse au besoin travestir dans quelque chose de mieux.

«Que peut-on attendre d'Amène aux états généraux? Rien, ou peu de chose s'il obéit à l'esprit de corps; beaucoup s'il agit par lui-même, et s'il se pénètre de cette grande vérité, qu'il n'y a que des citoyens dans l'Assemblée nationale.» (Pages 83-85).

Essai sur Talleyrand

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