Читать книгу Essai sur Talleyrand - Henry Lytton Bulwer Baron Dalling and Bulwer - Страница 17
XII
ОглавлениеLes membres du «tiers-état» qui, en tant que le plus considérable des trois corps formant les états généraux, avaient été laissés en possession de la grande salle où tous les ordres s'étaient d'abord rassemblés pour recevoir le souverain—accident qui devait leur être très-favorable—invitèrent les membres des deux autres ordres à venir se joindre à eux. Le clergé hésita; les nobles refusèrent.
Les jours et les semaines s'écoulèrent, et le ministre, reconnaissant sa faute, y aurait volontiers remédié alors en proposant ce qu'il aurait dû établir dès le commencement, à savoir que les trois ordres voteraient ensemble dans les questions de finance, et séparément dans toutes les autres questions. Cette idée venait un peu tard; mais, même à cette heure tardive, elle aurait pu prévaloir si la cour l'eût prise en sérieuse considération. Cependant, le roi et ceux qui avaient sur lui une influence directe, avaient commencé à penser que le déficit était moins embarrassant que les moyens adoptés pour s'en délivrer; et s'imaginant que les états généraux, si on les laissait à eux-mêmes, pourraient se dissoudre d'eux-mêmes, avant longtemps, au milieu des discussions par lesquelles ils étaient, disait-on, en train de se discréditer, ils désiraient voir ces dissensions continuer. D'ailleurs cette politique n'aurait certainement pas manqué son effet si les négociations s'étaient prolongées un peu plus longtemps.
Mais c'est à de grands moments comme ceux-là qu'un grand homme surgit subitement, et pendant que la foule discute ce qu'il y a de mieux à faire pour savoir quel est le meilleur chemin à suivre, entre résolûment dans celui qui mène au but.
Le comte de Mirabeau était un de ces hommes-là, et le 15 juin, ce personnage extraordinaire, dont l'audace n'était souvent que de la prudence, ayant engagé l'abbé Sieyès (dont l'autorité était alors grande dans l'assemblée) à mettre le sujet en discussion, poussa le «tiers-état,» encore hésitant, à se constituer tout de suite, et sans attendre plus longtemps la noblesse, comme «les représentants du peuple français.» C'est ce que firent en réalité, quoique avec un autre nom, les membres du «tiers-état,» se déclarant eux-mêmes régulièrement élus et prenant le titre d'«Assemblée nationale.» Le gouvernement pensait entraver leurs mesures en fermant tout simplement la chambre où ils s'étaient jusqu'alors réunis; mais un si pauvre moyen fut insuffisant pour arrêter les résolutions d'hommes dont l'esprit était alors préparé à d'importants événements. S'encourageant mutuellement, les députés du tiers se précipitèrent comme un seul homme vers un jeu de paume, et dans cet endroit, qui ne paraissait guère destiné à être témoin d'une cérémonie aussi solennelle, tous leurs membres, moins un, jurèrent de rester fermement unis jusqu'à ce que la France eût une constitution. Après un tel serment, l'alternative était clairement posée entre la vieille monarchie, avec tous ses abus, et une nouvelle constitution, quels que pussent être ses dangers.
Sur ce terrain, deux ordres de l'État se trouvaient en présence d'une manière hostile.
Mais il restait un autre ordre, dont la conduite dans un tel moment devait décider des choses. Cet ordre était le clergé. Le clergé était encore respecté, sinon vénéré; il était riche, il se rattachait par des liens divers à toutes les classes de la société, et c'était sur lui surtout qu'avaient les yeux fixés cette grande masse apathique d'hommes tranquilles qui sont toujours longtemps à hésiter entre les partis extrêmes; il avait déjà tâché de trouver quelque compromis entre les classes privilégiées et leurs antagonistes, mais n'avait encore pris parti ni pour les uns, ni pour les autres. Le moment était venu où l'hésitation ne pouvait se prolonger.