Читать книгу Essai sur Talleyrand - Henry Lytton Bulwer Baron Dalling and Bulwer - Страница 15
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ОглавлениеOn comprendra, d'après ce que j'ai dit, que la cour espérait trouver dans les états généraux un allié contre le parlement, tandis que le parlement, de son côté, espérait trouver dans les états généraux un allié contre la cour. Tous les deux se trompaient.
La noblesse ou les notables, le gouvernement, et le parlement, avaient tous jusqu'alors été impuissants, parce qu'ils sentaient chacun pour sa part qu'il y avait autour d'eux et auprès d'eux un autre pouvoir par lequel leurs actions étaient contrôlées, mais avec lequel ils n'avaient aucun moyen de traiter, ce pouvoir n'ayant aucune représentation visible.
Cette puissance était l'opinion publique. Dans les communes de France, chez les députés des classes les plus nombreuses, les plus réfléchies et les plus remuantes, un esprit qui jusqu'alors était resté impalpable et invisible, prit subitement une existence définie.
M. d'Espréménil, et ces patriciens parlementaires qui, un an auparavant, étaient en révolte presque ouverte contre le souverain, s'aperçurent enfin qu'ils avaient un plus puissant ennemi auquel il fallait tenir tête, et ils se rallièrent soudainement autour du trône. Le prince qui l'occupait était alors dans une position qui, sans doute, était périlleuse, mais qu'un degré modéré de sagacité et de fermeté aurait pu raffermir, je le crois du moins. La majorité des différentes classes de privilégiés, par un sentiment d'honneur féodal, était avec le roi. Les classes moyennes aussi avaient encore pour le monarque et son rang un respect considérable, et elles désiraient découvrir et sanctionner quelque compromis juste et raisonnable entre les institutions qui disparaissaient et les idées qui avaient commencé à se faire jour. Il était nécessaire de calmer les appréhensions de ceux qui avaient quelque chose à perdre, de fixer les vues de ceux qui pensaient qu'ils avaient quelque chose à gagner, et d'amener de suite une entente entre les différentes classes agitées ici par la crainte, là par l'attente. Mais, quelque évidente que fût la nécessité de cette politique, elle ne fut pas adoptée. Des soupçons, qui auraient dû être dissipés, étaient excités; des points qui auraient dû être définis allaient s'obscurcissant chaque jour davantage; toutes les tentatives d'arrangement furent ajournées; et ainsi la Révolution se précipita en avant, le flot montant toujours et sa rapidité étant augmentée par les bévues de ceux qui avaient le plus grand intérêt et le plus grand désir de l'arrêter dans sa marche. La fortune de M. de Talleyrand fut mêlée à ce grand courant, dont peu de personnes pouvaient apercevoir la source, et dont personne ne prévoyait la direction.