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IX

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Table des matières

Il est facile de donner une esquisse du règne de Louis XVI; et cependant je ne me souviens pas que cette esquisse ait été tracée brièvement et clairement. A son aurore, l'influence des opinions nouvelles ne s'étendait pas au delà des bibliothèques et des salons. Les notions modernes de liberté constitutionnelle et d'économie politique qui prévalaient parmi les hommes de lettres, et qui étaient à la mode parmi les gens du monde, n'avaient pas encore été professées par les hommes qui étaient au pouvoir, et, en conséquence, elles étaient dédaignées par cette classe nombreuse dans tous les pays qui désire passer pour la portion pratique de la société. A cette époque, un vieux ministre, courtisan lui-même, et ne voulant pas que d'autres courtisans acquissent sur son maître l'ascendant qu'il possédait lui-même, introduisit dans les affaires une espèce de personnages jusqu'alors inconnus à la cour; les plus éminents de ces personnages étaient Turgot, Malesherbes et Necker; et ces trois éminents réformateurs n'eurent pas plutôt obtenu une position politique sérieuse, que leurs vues acquirent une considération politique sérieuse qu'elles n'avaient pas eue jusqu'alors, et l'idée que quelque grande et radicale réforme allait avoir lieu prochainement commença à prendre une place sérieuse dans l'esprit public. Chacun de ces ministres aurait désiré accomplir avec le secours de l'autorité royale les réformes les plus urgentes; et, si ce désir eût pu être suivi d'effet, le courage et les forces de la vieille monarchie, ébranlés alors seulement d'une manière superficielle, auraient encore pu être relevés. Mais les changements modérés qu'ils désiraient introduire avec le consentement de tous les partis, rencontrèrent l'opposition de tous ces partis, en dépit—ou, peut-être à cause même—de leur modération: car ceux qui perdent se consolent rarement par la considération que leurs pertes sont petites, et ceux qui gagnent ne sont jamais satisfaits, excepté si leurs gains sont considérables. Cependant, Maurepas, qui aurait appuyé la politique de ses collègues, si elle lui eût procuré la popularité, n'était nullement disposé à le faire du moment qu'elle le mettait dans l'embarras. Ce fut ainsi que Malesherbes, Turgot et Necker furent successivement forcés de renoncer à leur haute position; ils ne purent faire prévaloir leur politique personnelle, mais ils avaient assez fait pour rendre toute autre politique inacceptable et difficile.

La publication du fameux «Compte rendu,» ou balance des dépenses et des recettes de l'État, fut ce qui, surtout, rendit impossible de continuer à gouverner comme on l'avait fait jusqu'alors. Puis Maurepas mourut, et une jeune reine hérita de l'influence d'un vieux favori. M. de Calonne, homme habile, intelligent, mais superficiel, fut le premier ministre de quelque importance qui ait été choisi par l'influence des amis de Marie-Antoinette. Il comprit qu'il devait y avoir quelque proportion entre les dépenses et les recettes du gouvernement. Il recula devant la réduction subite des anciens impôts; il fallait alors créer de nouvelles taxes; et cependant il était presque impossible d'obtenir de telles contributions des basses classes et des classes moyennes, si le clergé et la noblesse, qui à eux deux possédaient environ les deux tiers du sol, étaient exemptés de toutes taxes, et dispensés de porter leur part des charges publiques. Le ministre, néanmoins, hésitait à dépouiller de leurs immunités les classes privilégiées, sans qu'elles l'y eussent elles-mêmes autorisé. Il convoqua, par conséquent, les personnages considérables, ou notables, (comme on les appelait), du royaume, et sollicita leur sanction pour de nouvelles mesures et de nouveaux impôts, leur disant franchement que quelques-unes de ces mesures limiteraient leur autorité, et que quelques-uns de ces impôts s'attaqueraient à leur bourse.

Les notables étaient partagés en deux factions, l'une opposée à M. de Calonne, l'autre aux réformes qu'il désirait introduire. Ces deux partis s'unirent et devinrent irrésistibles. Dans leurs rangs se trouvait un personnage de grande ambition et de peu de capacité, Brienne, archevêque de Toulouse. Cet homme était le plus violent des antagonistes de M. de Calonne. La cour, par une résolution subite, le choisit comme successeur de M. de Calonne. Cette mesure fut d'abord couronnée de succès, car le conflit des opinions finit par créer des inimitiés personnelles, et les «notables,» dans leur premier moment de triomphe après la chute du ministre qu'ils avaient renversé, accordèrent tout avec facilité au ministre qui l'avait supplanté. Toutefois, une nouvelle difficulté survint alors. Les notables, après tout, n'étaient qu'un corps consultatif; ils pouvaient dire ce qu'ils trouvaient convenable de faire, mais ils ne pouvaient l'exécuter.

C'était là l'affaire du souverain; mais ses édits, afin d'acquérir régulièrement force de loi, avaient à être enregistrés par le parlement de Paris; et il est facile de comprendre comment cette faculté d'enregistrement devenait, dans des cas particuliers, le pouvoir de refuser. L'influence de cette grande corporation de magistrats appelée le parlement de Paris avait, en effet, pris un caractère plus clair et plus positif que dans les époques précédentes, depuis qu'on avait jugé bon de se servir de son autorité pour casser le testament de Louis XIV. De cette manière, cette cour judiciaire était devenue l'un des corps constituants de l'État, et aussi, comme cela arrive à toute assemblée politique qui n'en a pas une autre pour rivale, un corps qui représentait l'opinion populaire. Elle avait vu, avec un certain degré de jalousie, la considération, même temporaire, d'une autre chambre (car l'on pouvait appeler ainsi l'assemblée des notables), et, de plus, en tant qu'appartenant à l'aristocratie, elle n'était pas très-disposée à l'abandon des priviléges aristocratiques. Elle refusa, en conséquence, d'enregistrer les nouvelles taxes qui lui furent proposées; elle mettait ainsi à néant la décision des notables, elle détournait, pour un temps, les impôts dont était menacée la classe dont elle faisait partie, et elle acquérait néanmoins quelque augmentation de popularité auprès du peuple, qui est ordinairement disposé à résister à tous les impôts, et qui écoutait avec plaisir les invectives lancées contre l'extravagance de la cour, invectives qui accompagnaient la résistance du parlement.

Le gouvernement cajola et menaça le parlement, le rappela, se querella de nouveau avec lui, essaya de le supprimer, et échoua.

Des troubles éclatèrent, la famine semblait se préparer, une banqueroute était imminente; il n'y avait là aucune autorité constituée possédant un pouvoir suffisant ou une confiance suffisante en elle-même pour agir avec décision. On cherchait quelque nouvelle autorité: on la trouva sous une forme antique. Les états généraux (c'est-à-dire une assemblée formée par les députés des différentes classes, assemblée qui, dans les époques critiques de la nation française, avait été auparavant convoquée), tel fut le cri unanime. La cour, qui avait besoin d'argent et qui ne pouvait en obtenir, espérait trouver plus de sympathie auprès d'un corps tiré de toutes les classes de l'État que chez un corps spécial et privilégié qui ne représentait qu'une seule classe.

Le parlement, d'un autre côté, s'imaginait que puisqu'il avait acquis la réputation de défendre les droits de la nation, ses pouvoirs seraient maintenus et étendus par toute réunion d'hommes représentant la nation. Voilà pourquoi le parlement et la cour en vinrent d'un commun accord à la même conclusion. La grande masse de la noblesse, quoique divisée dans les discussions précédentes, se rendit aussi à la fin à cet avis; une partie d'entre elle, parce qu'elle partageait les vues de la cour, et l'autre parce qu'elle était d'accord avec le parlement. Pendant ce temps, le malheureux évêque, qui avait essayé de tous les moyens pour remplir les coffres de la cour sans le secours du grand corps que l'on allait convoquer, fut destitué aussitôt que cette convocation fut définitive, et en vertu de la politique presque invariable qui consiste à ramener au pouvoir l'homme d'État dont la popularité a été augmentée par la perte de sa position, M. Necker fut de nouveau placé à la tête des finances et présenté au public comme l'organe le plus influent de la couronne.

Essai sur Talleyrand

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