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On sait que saint Louis supprima les gages de bataille dans ses domaines, par une ordonnance que l’on place à l’année 1360, mais on sait aussi que cette loi vint échouer contre les préjugés de l’époque, et que le duel ne fut véritablement aboli, ainsi que le remarque M. Beugnot, ni dans les terres des seigneurs, ni même dans celles du roi. Philipe le Bel le rétablit d’ailleurs, par son ordonnance de 1306, pour les crimes capitaux autres que le vol, lorsqu’ils avaient été commis assez secrètement pour ne pouvoir être établis par témoins, et cette exception même du vol fut abolie par une ordonnance de Louis X, du 15 mai 1315 .

Il semble que la prohibition de Saint Louis eût dû rencontrer une faveur particulière dans les cours temporelles des seigneurs ecclésiastiques; elle n’y fut cependant nullement observée. Un arrêt des Olim, de 1267, nous apprend que le roi, qui avait la moitié des profits judiciaires dans les terres du monastère de Saint-Père, n’y voulait plus faire tenir les duels, mais que le prieur les faisait tenir pour son propre compte. Le bailli de Bourges, qui engagea, à ce sujet, un débat avec le monastère, ne contestait pas d’ailleurs le droit du prieur; il demandait seulement, au nom du roi, à partager les profits .

En 1269, des gages de bataille furent reçus, à Paris même, dans la cour du chapitre de Notre-Dame; et si le combat ne fut pas mené à fin, il fut du moins engagé. Ce cas qui nous donne, par sa date et par le lieu où il se produit, un exemple bien remarquable de la persistance du combat judiciaire, nous révèle en même temps, une particularité peu connue.

Si le duel était aisément accordé, il était prévenu, dans un grand nombre de cas, au moment même où il allait s’engager, par l’accommodement des parties, le refus ou le désistement de l’une d’elles. M. Guérard en fait justement la remarque, dans le Cartulaire de Saint-Père . Mais il omet une autre circonstance qui rendait le duel à outrance plus rare encore. Le combat était souvent engagé pour être arrêté, avant son issue finale, après que les premiers coups donnés avaient disposé les parties à un arrangement que l’espoir d’une prompte victoire leur aurait sans doute fait rejeter au commencement de la lutte. Ce moyen mitigé de vider une querelle par les armes était désigné sous la dénomination des «coups-le-roi», ou «ictus regis».

Cette particularité ne nous est révélée que par quelques documents judiciaires et quelques chartes de ville; et elle a passé assez inaperçue pour que M. Beugnot ne l’ait pas reconnue dans un arrêt des Olim qui s’y rapportait manifestement. Ce mode particulier du combat judiciaire devait cependant être assez fréquent. Les coutumes empreintes d’un certain degré de barbarie ne vivent, dans les temps mêmes qui paraissent les plus capables de les supporter, qu’à l’aide de corrections et de tempéraments ingénieux apportés par la pratique. Ce furent précisément les coups-le-roi qui furent donnés dans la cour du chapitre, en 1269. Un hôte des chanoines, Guillot dit Blèze, poursuivit, devant leur cour, un individu, du nom de Richard, qu’il accusait de lui avoir fait des blessures. Des gages de bataille furent échangés, et les coups furent donnés dans une maison du cloître, en présence du chambrier laïque, juge du camp pour le chapitre. «Et

» tradita fuerunt coram dicto camerario vadia duelli. Et

» tandem ictus capituli, qui vulgariter dicuntur les cous-lou-

» roi, dati fuerunt coram dicto Symone, camerario, tenente

» justiciam pro capitulo, et fuerunt dati in claustro, in domo

» thesaurarii Pontissarani, que alias dicitur domus domini

» Richardi cardinalis, et de hoc eciam capitulum habuit jura

» sua ».

M. Beugnot a méconnu un cas semblable, en transcrivant, dans les Olim, un arrêt de 1259. Il est dit en substance, dans cet arrêt, que les chanoines de Soissons firent donner dans leur cour, les coups-du-roi, «fecerunt dari ictus régis in curia sua», et qu’ils en eurent une amende de cinquante francs qu’ils durent restituer. M. Beugnot fait exprimer, par ce document, à l’aide d’une interpolation, que les chanoines firent donner des coups à un homme du roi, «fecerunt dari ictus [ho-mini] régis ». Cette interpolation constitue un véritable contre-sens. Du Cange rapporte précisément ce passage dans son Glossaire, sans aucune addition, pour fournir un exemple du vocable, ictus régis . Le sens de l’arrêt est d’ailleurs parfaitement clair. Les chanoines avaient fait donner les coups-le-roi dans leur cour, et ils avaient perçu l’amende qui leur était dûe par suite de la cessation du combat. Mais ils furent condamnés à restituer cette amende, parce que leurs droits de justice étaient alors litigieux, et qu’ils n’étaient pas autorisés à tenir un duel dans leur cour avant le règlement du litige, non plus qu’à y faire aucun autre exploit de justice.

Cet usage de la conclusion du combat judiciaire par l’accord des parties, après un premier engagement, constitua un progrès notable dans la pratique du duel Nous le voyons déjà mentionné dans un acte de 1256, constatant l’engagement d’un champion qui loue ses services à la commune de Beauvais. Un charte confirmative des privilèges de la ville de Joinville, de 1354, règle l’amende due par les combattants en pareil cas. On y voit que lorsqu’un habitant de la ville se sera engagé à soutenir un duel, il pourra se soustraire au péril de la bataille par un accommodement avec sa partie adverse, moyennant une amende qui sera, de soixante sous s’il n’était pas encore armé, de cent sous s’il était armé, et dans les lices, et de dix livres, si les premiers coups, que l’on nomme les coups-le-roy avaient été portés .

Une disposition semblable existe dans une charte de 1320: l’amende à payer au seigneur, lorsque la paix est faite après les gages de bataille, est de quinze sous avant le combat, et de soixante sous, lorsque les combattants en sont venus aux mains, et que les coups ont été donnés. «De champ

» formé, se on en fait paiz, quinze sols d’amende au seigneur;

» se on en est armez, et couz en est féruz, et paiz en est

» faite, soissante soulz d’amende au seigneur; se li champs

» est outrez, cil qui sera vaincuz sera en la volunté du sei-

» gneur, de corps et d’avoir.»

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