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II

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La procédure contradictoire ordinaire, en dehors des délits flagrants ou notoires, se poursuivait habituellement par la voie de l’enquête. Un faux monnayeur est délivré, par cette voie, à Sainte-Geneviève, en 1266, «facta inquestione, ipsum de-

» liberavimus». En 1289, un Anglais accusé d’avoir tué un homme sur la place Maubert, est déchargé du meurtre, mais banni pour d’autres méfaits que l’enquête établit à sa charge,

«mez pour autres meffez où il avoit esté trouvé coupable par

» l’enqueste desus dite, il fu banis de la terre .» De même, un individu prévenu de vol est banni, après enquête, à Saint-Maur, «factaque inquesta, super dictum Robinum, missus

» fuit in exilium sine ulla revocatione». A Saint-Germain, en 1275, un clerc bigame est déchargé d’un homicide parce que l’enquête a établi qu’il était en état de légitime défense et banni jusqu’au rappel de l’abbé : «Et pour ce

» que li clers le feri seur soi deffendant, si come il fu

» trouvé par loial enqueste, il fu délivré dou conseil de l’a-

» baie». A Saint-Martin, en 1332, un prévenu de vol est.

«absouls par le conseil et par enqueste» ; de même, en 1343, un autre prévenu de vol est renvoyé des poursuites,

«absoulz par anqueste, et pour ce que ledit Guillaume (la victime du vol) dit que il ne lui demandoit riens». Une notice de 1341 mentionne, avec l’enquête, l’information faite d’office par le juge et le rapport de chirurgiens jurés; il s’agit d’une femme prévenue de blessures suivies de mort: «Absoulse par le conseil, parmi l’enqueste, information et rapport de jurez fait sur le cas dessus dit, par le maire, et aussi que Jehan de de Chielle, frère dudit Jehannin (la victime), dit que il n’entendoit riens à demander à ladite Marguot pour cause de la mort de son frère, si comme il apert par le procès fait sur ce.»

L’enquête, selon son caractère primitif, devait, pour être pleinement probante, être acceptée par l’accusé . Elle entraînait, dans ce cas, la condamnation ou l’absolution de ce dernier, selon son résultat. Dans le cas contraire, elle n’était qu’un moyen d’information personnelle pour le juge, et elle ne pouvait, en principe, être mise en jugement que si elle rendait le fait véritablement notoire . Elle prenait, dans ce cas, le nom d’aprise; «Le différence qui est entre aprise et enqueste est tele que enqueste porte fin de querele, et aprise n’en porte point; car aprise ne sert fors de tant sans plus que li juges est plus sages de la besoigne que il a aprise .» Il faut voir, dans Beaumanoir, par des exemples la distinction un peu subtile, mais néanmoins très importante, qu’il en fait entre ces deux procédures. L’adhésion de l’accusé à l’enquête était évidemment considérée comme une sorte d’aveu anticipé de ses résultats, et le juge se contentait, dans l’enquête, de preuves beaucoup plus légères que dans l’aprise; des contradictions, de simples présomptions, qui n’auraient pas été probantes dans l’aprise, suffisaient souvent pour motiver une condamnation par l’enquête.

Beaumanoir cite un exemple de chacune de ces procédures. Voici le premier cas. Un individu accusé d’un meurtre commis publiquement refuse l’enquête qui lui est offerte; le juge informe alors d’office et procède à une aprise; il en résulte qu’un grand nombre de témoins ont vu l’accusé courant sus à la victime, un couteau à la main, puis sortant de la foule qui s’était assemblée autour d’eux, avec son couteau ensanglanté ; cette aprise détermina la condamnation de l’accusé parce que, bien que les témoins n’eussent pas vu le coupable porter directement le coup, elle établit, parles présomptions les plus claires, la notoriété du fait . Il s’agit encore d’un meurtre dans le second cas. On interroge l’accusé ; on lui demande où il était, et en quelle compagnie, au moment où le crime a été commis; il répond qu’il était sur la route de Clermont, avec des bouchers qui allaient à leur marchandise; on lui demande alors s’il veut accepter l’enquête sur ce fait, de telle maniéré qu’il sera condamné s’il est convaincu de. mensonge, et absous si le fait est reconnu véritable; l’enquête qu’il accepta prouva la fausseté de ses allégations; et il fut condamné, sur cette seule procédure, malgré les hésitations de quelques uns de ses juges .

Beaumanoir remarque, dans l’une et l’autre affaire, que la condamnation a été fondée sur de simples présomptions; mais ces présomptions résultent, dans le premier cas, de témoignages si nombreux et d’une telle nature qu’ils établissent l’évidence du fait, tandis que ce ne sont, dans le second cas, que des présomptions pures et simples qui font seulement présumer la culpabilité d’une manière indirecte, par la réfutation d’un alibi et qui auraient été insuffisantes pour motiver la condamnation si elles avaient été recueillies dans une simple aprise .

On voit, par là, que l’adhésion à l’enquête n’était pas sans danger pour l’accusé. Le juge choisissait son terrain; il pouvait tendre un piège à l’accusé et lui offrir l’enquête sur des faits dont la preuve lui était à peu près acquise et qui devaient entraîner, presque à coup sûr, la condamnation. Lorsque cette procédure trompait les prévisions du juge et que ses résultats étaient entièrement négatifs, elle affranchissait définitivement l’accusé de la peine normale réservée au crime qui lui était imputé .

Cet effet justificatif de l’enquête inspira aux juges de Saint-Martin, dans une accusation de meurtre, une supercherie singulière. Un homme du village d’Annet fut arrêté, avec ses fils, à Noisy, à la suite d’un meurtre commis sur la personne d’un sergent qui gardait les foins du prieuré. Amenés prisonniers à Paris, ils furent admis à se mettre en enquête; mais cette enquête n’eut pas le résultat qu’on en attendait, et elle ne fournit pas de charges suffisantes contre les accusés. Les juges feignirent alors de les condamner et les envoyèrent aux fourches patibulaires de Noisy où on fit le simulacre de les pendre. On avait espéré leur arracher ainsi des aveux qu’ils ne firent pas. Ils n’eurent cependant pas encore le bénéfice entier de l’immunité que paraissait devoir leur assurer cette dernière épreuve; et ils furent bannis de toute la terre du prieuré .

Cet expédient bizarre montre bien toute l’ardeur que les juges apportaient à la recherche de l’aveu. C’est qu’en effet, l’aveu était resté, pour eux, la seule preuve qui fût pleinement décisive, après la suppression du duel et des épreuves judiciaires. La disparition de ces institutions barbares, poursuivie par la royauté avec une si sage persévérance, avait néanmoins laissé, dans la procédure, une lacune que la preuve testimoniale, trop nouvelle, et sans doute aussi trop incertaine encore, était impuissante à combler. L’introduction de l’enquête dans la pratique rencontra de grandes résistances; et c’est vraisemblablement pour ce motif qu’elle n’était pas considérée, à l’origine, comme un moyen légitime de preuve, sans l’adhésion de l’accusé. Le juge était donc conduit à poursuivre, par tous les moyens en son pouvoir, la confession du coupable; et cette recherche systématique donna naissance à une procédure nouvelle qui fut caractérisée par la voie extraordinaire de la question.

Histoire des justices des anciennes églises et communautés monastiques de Paris

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