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III

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L’abbaye de Saint-Germain-des-Prés avait, comme l’église de Paris, ses champions pour soutenir ses droits en justice et recevait également le duel dans sa propre cour.

Vers l’an 1027, l’abbé de Saint-Germain-des-Prés porta une plainte au roi, sur ce que le vicaire d’un certain Garin commettait de nombreuses usurpations et exactions dans quelques-unes des terres de l’abbaye. Garin se présenta devant le roi pour repousser cette plainte; mais il ne put soutenir ses prétentions à cause de la contradiction des serfs de l’abbaye qui étaient prêts à appuyer leur témoignage par le duel,

«propter rationabilem contradictionem servorum S. Vincen-

» tii et S. Germani qui legali conflictu erant resistere pa-

» rati .»

Une autre contestation qui s’éleva, un siècle plus tard, entre les religieux et un seigneur du nom d’Étienne de Macy, qui s’était saisi d’un de leurs hommes de corps, amena un véritable duel qui se vida, cette fois, sur le terrain. Étienne vint à l’audience du roi avec un champion, les religieux amenèrent un autre champion pour l’abbé. Les parties n’ayant pu s’accommoder, le combat dut être engagé, et se termina à l’avantage de l’abbaye. «Les champions, dit D. Bouillart, se se battirent courageusement pendant longtemps; celui de Saint-Germain arracha l’œil à son adversaire et se jeta sur lui avec tant de vigueur, qu’il l’obligea de se déclarer vaincu, ce qui décida l’affaire en faveur de l’abbaye» .

Le mémorial de justice de l’abbaye que nous publions contient un exemple d’un duel qui eut lieu dans la cour temporelle de l’abbaye, à la fin du XIIIe siècle. Cette affaire est inscrite, avec la rubrique, placée en marge, «De rat et traïson ». Un certain Baudoin porta plainte au prévôt de Paris, en 1280, de ce que Rendoul le Platrier avait abusé, de force, de sa femme, «que il, comme faus traitor, avait à force «geu avecques sa fame». L’abbaye se fit rendre la connaissance du cas, et fit tenir, à Saint-Germain-des-Prés, une assise où les gages furent donnés. Le combat eut lieu, le lundi après la Chandeleur, dans l’enclos du monastère, entre le célier et l’hôtel, en présence de plus de quatre mille assistants, tant clercs que laïques, accourus de Paris, de Saint-Germain et autres lieux. Il ne fut suspendu que par l’accommodement des parties, après que les premiers coups eurent été donnés par les deux champions qu’elles avaient choisis. «Et par-devant le consel monsegnor l’abé, furent donné les » gajes à Saint-Germain-des-Prez. Et le lundi après la Chan- » delor, fut la pes faite. Et furent rendu les cous, à celi jor » entre le celier et l’otel; et les rendi, por Baudoin, Guillot » la Gaerie, et por Rendoul, Robin Lescot. Là furent presenz » plus de IIII mille genz, clercs, lais, de Paris, de Saint-Ger- » main et moult autres genz.» Il est impossible de méconnaître, dans ce texte, le récit d’un véritable duel dans lequel on s’arrêta aux premiers coups, ou aux coups-le-roi. On ne s’expliquerait pas d’ailleurs, en dehors même des termes si décisifs de la notice, la présence de plus de quatre mille personnes à tout autre exploit de justice. L’expression même de, rendre les coups, que nous y relevons, est précisément celle qui sert à caractériser cette sorte de combats dans l’acte de 1236, cité plus haut, relatif à un champion de la ville de Beauvais. Il est stipulé dans cet acte, que le champion aura cent livres tournois, pour son salaire, dans les duels à outrance, et cinquante livres seulement, lorsqu’il n’aura fait, comme on dit vulgairement, que rendre les coups. «Ego Gaufridus, » dictus Blundel, Pugil, Notum facio omnibus présentes teras » inspecturis quod..... Insuper, si pro eisdem armatus fuero » contra aliquem seu aliquos, et me ictus reddere, secundum » quod vulgariter dicitur, contingeret, mihi tenentur in L lib. » Turon.; et si bellum perficere me contingent, pro eisdem, » ratione cuj uscunque causæ, mihi tenentur in centum lib. » Turon..... .»

Cette affaire eut une suite qui nous fournit encore un détail caractéristique. Robin Lescot, l’un des champions, qui avait sans doute eu l’avantage sur son adversaire, fut frappé, à l’issue du combat, par un certain Thomasin des Hales qui avait à son service, en qualité de sergent, le second champion. La notice qui relate cette voie de fait et l’arrestation de Thomasin des Hales, qui en fut la conséquence, rappelle les circonstances de l’affaire qui y donna lieu et ajoute que l’on avait fait, au moment où les coups furent donnés, un cri enjoignant aux assistants de ne pas bouger, sous peine de la hart, «et aus cous doner, avoit esté crié que nus ne se meust

» sus la hart». On sait, en effet, qu’il était d’usage de faire une proclamation semblable au moment où le duel allait s’engager .

Dans une autre notice du même Registre, de 1273, Jean de Cœuilly appelle, de larcin et de trahison, Robert de Villejuif devant l’assise de Saint-Germain. Le plaid en fut tenu par l’abbé en personne assisté de son conseil, mais la paix fut faite entre les parties. «L’an Nostre-Seigneur mil ne lXXIII,

» le jeudi devant Penthecoste, apela,Jehans de Cueilli, en l’as-

» sise Saint-Germain, Robert de Vilejuive, de larrecin et

» traïson, pour vin que celui Jehan disait que celui Robert

» en avoit porté de la vigne à celui Jehan senz son seu. Et

» en fut le plé entemmé devant monseigneur l’abé, et puis,

» pes faite.» Les termes de cet appel en justice paraissent bien se rapporter à une nouvelle provocation au combat judiciaire qui ne fut pas, cette fois, suivie d’effet, par suite de l’accommodement des parties .

Il n’est pas douteux que le duel ne fût pratiqué de la même manière dans les autres cours seigneuriales de Paris. Nous voyons dans le Registre de Sainte-Geneviève, qu’un certain Pierre Pillon, arrêté en 1266, dans une taverne de la rue de la Montagne-Sainte-Geneviève, par les sergents du roi, pour lemeurtre d’Amaury de Maumont, fut rendu à l’abbaye, pour être jugé, après avoir subi une longue détention dans les prisons royales, qu’il fut appelé dans la cour des religieux, par la demoiselle Pétronille, parente de la victime, et que la paix fut faite entre les parties sous le bouclier, sub scuto, par le conseil de bonnes gens: «Et appellatus fuit in curia nostra,

» super facto hujusmodi, per domicellam Petronillam, cogna-

» tam dicti defuncti. Et, de consilio bonorum, facta fuit pax

» inter dictas partes, sub scuto.» Nous n’hésitons pas à voir ici un nouveau cas de duel terminé par l’accord des parties, alors que les combattants étaient déjà sous les armes. C’est là ce qui nous paraît résulter des termes caractéristiques qui terminent cette notice. On sait que les champions étaient armés d’un bouclier, «cum scuto et fuste contendere, campionum fuit» ; le mot de scutum s’employait aussi pour exprimer le duel même: «Scutum, pro duello, seu

» duelli judicio, maxime campionum .»

On sait que plusieurs cours seigneuriales conservèrent pendant longtemps, dans leurs auditoires, des images qui étaient, en même temps qu’une marque de leur haute justice, un signe visible de l’ancien usage du duel: c’étaient des tableaux représentant des combats par champions. Le Grand Coutumier nous apprend que l’église de Saint-Merry en avait un semblable dans sa salle de justice. «Les chanoines de

» Saint-Marry ont, en leur auditoire, deux champions com-

» batans, pour signifiance qu’ils ont haulte justice en leur

» cloistre .»

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