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II

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Après la peine capitale, la peine corporelle la plus grave était celle de la mutilation. Le Registre de Saint-Maur nous fournit, à une date indéterminée, un exemple unique d’une mutilation que l’on voudrait voir, avec Beugnot, réléguée dans les Coutumiers, à titre comminatoire: c’est celle des yeux. Elle est appliquée à un voleur: «Guillelmus,

» dictus li Biausiers, furatus fuerat quasdam bidentes et eas

» excorriavet; et, per justiciam nostram judicatus, et oculosa

» habuit extractos.» Ce cas, qui est rapporté dans une enquête de 1273, remonte vraisemblablement au commencement du XIIIe siècle .

La mutilation ordinaire était celle de l’oreille. C’était souvent la peine d’un premier vol. Elle était d’ailleurs appliquée indistinctement aux hommes et aux femmes. Un homme la subit à Saint-Maur, pour avoir volé seulement une poule.

«Quidam homo furatus fuit quandam gallinam in granchia

» Petri Vincentii, qui adduetus fuit apud Fossatum, ibique

» justiciatus per aurem.» Cette mutilation vouait à peu près infailliblement le condamné à la peine capitale, à la première récidive .

La mutilation de l’oreille était habituellement subie devant l’échelle de justice de la seigneurie. Le prévôt de l’évêque de Paris la faisait exécuter à la Croix du Tiroir, ou du Trahoir, dans la rue Saint-Honoré, à la hauteur de la rue de l’Arbre-Sec. «Item ledit prévost dudit évesque a cognoissance de pendre et ardoir hors la banlieue de Paris, bannir et faire coupper oreilles, à Paris, à la Croix du Tirouer .» Cette peine était d’une application générale, comme on le voit par les nombreuses coutumes qui la mentionnent. C’était une marque qui désignait de telle sorte le condamné à la réprobation publique que tout moyen régulier de vivre lui était enlevé. C’est ce caractère odieux qui devait la faire disparaître; Imbert nous apprend qu’elle n’était plus pratiquée de son temps, et qu’on lui avait substitué la marque à la fleur de lys parce qu’on avait reconnu que les condamnés mutilés ne trouvaient plus à être employés nulle part, et étaient contraints à se retirer dans les bois et à se mettre à voler . Nous la retrouvons cependant encore dans un bail des défauts et amendes de la prévôté de Saint-Magloire de 1564, qui impose au preneur la charge de «payer et frayer .....à ses despens, l’exécuteur de haulte justice qui coup-

» pera oreilles, fustigera par les carrefours, metera à l’es-

» chelle aulcuns malfaiteurs.....suivant la sentence du

» maire de la justice dudit Saint-Magloire, tant en ceste dicte

» ville de Paris, faulsbourgs d’icelle, que ès villages de Cha-

» ronne et Issy» .

La marque au fer chaud n’occupe qu’une place secondaire dans nos Registres. Elle est infligée, à Saint-Germain, à des femmes de mauvaise vie qu’on brûle avant de les bannir de la terre de l’abbaye ; elle n’est appliquée qu’une fois au vol à Saint-Maur.

C’est le bannissement qui sert le plus souvent de répression aux vols les plus légers, à défaut de la mutilation de l’oreille .

Le bannissement était une peine essentiellement arbitraire qu’on appliquait, soit à titre principal, soit à titre accessoire, aux délits les plus divers. Le Registre de Sainte-Geneviève mentionne toute une série d’hommes et de femmes de mauvaise vie, dont les religieux purgent ainsi leur terre. Ce sont des femmes arrêtées dans la ville, ou «défoulant les blés aux champs», des proxénètes, houliers, houlières et autres gens de cette espèce. En 1283, Marote la Flamenge, et quatre autres femmes, sont bannies sur la besche, «pour ce que elles estoient

» foles de leur cors». En 1300, Marguerite Lenglesche est également bannie «sur poine d’estre brullée....., pour b.....

» que elle recetoit en son ostel». La même année, Perrenele la lavendière, que l’on avait surnommée la demoisele, subit la même peine pour un fait analogue. En 1300, Phelippot de Marseilles est banni, «pour ce que l’on le soupçonnoit d’estre

» houlier et d’embler les miches dont il soustenoit deux

» fames».

Ce qui marque le mieux le caractère arbitraire de cette peine, c’est l’application qu’on en faisait parfois aux accusés de délits graves, qui échappaient à la peine normale de leur crime, parce que la preuve n’était pas suffisamment faite, mais qu’on bannissait néanmoins à cause des soupçons qui subsistaient contre eux, ou de leur mauvaise renommée. Une femme de Choisy, qui avait été arrêtée par les gens de de Saint-Martin dans la rue du Chevet Saint-André, sous la prévention d’un vol important, et qui aurait certainement été condamnée à la peine capitale, si elle avait pu être convaincue, est néanmoins bannie, «por ce que ce forfet ne pot bien

» estre prové ».

Les hauts justiciers prononçaient le bannissement pour toute l’étendue ou pour une partie seulement de leurs terres . C’est ainsi qu’un homme qui est arrêté pour avoir volé une pelle à Saint-Martin, est banni seulement de la seigneurie du prieuré à Paris. La durée du bannissement était d’ailleurs variable: il était tantôt définitif et tantôt à rappel, c’est-à-dire pour un temps indéterminé, à la volonté du seigneur. Un mendiant, porteur d’une besace qu’il avait volée pendant qu’il demandait du pain pour Dieu, est banni de la terre de Saint-Martin jusqu’à l’époque où il plaira au prieur de le rappeler. Un pelletier de Saint-Martin, qui s’était emparé, dans une taverne, d’une bourse tombée à terre contenant quarante sous parisis, est banni sous cette même réserve, qui se réalise, peu de temps après, par la grâce que lui accorde le prieur. Une femme est bannie, pour le vol d’un chaperon, jusqu’à Pâques.

Le bannissement était souvent appliqué cumulativement avec la mutilation, la marque, l’exposition publique ou la fustigation.

L’exposition publique se faisait par le pilori, l’échelle et le carcan. Il n’y avait que deux piloris à Paris, le pilori royal des Halles et celui de Saint-Germain-des-Prés. C’était un privilège spécial de l’abbaye, comme nous l’apprend le Grand Coutumier. «Aucuns tiennent que, en bonne ville où le roi a

» pillori, nul autre hault justicier ne pourroit en icelle ville

» faire dresser pillori, mais eschelle, si. Et ce est pour oster

» la comparaison, et à trouver la différence entre ung souve-

» rain et le subject. Et cela fut tenu par opinion pour ceulx de

» Saint-Germain-des-Prés, qui de leur eschelle feirent pillori,

» mais c’est tout dehors la ville de Paris et devant leur porte

» et loing du pillori du roy .»

Il s’agit là du pilori à demeure dressé dans le bourg de Saint-Germain dont il sera parlé plus loin. Il est mentionné à plusieurs reprises, dans le Registre de l’abbaye. On y expose une femme de mauvaise vie, un couturier de Meudon qui avait juré le vilain serment. En 1272, c’est dans l’intérieur même de la ville, au bout de la rue d’Hirondelle, qu’on expose des malfaiteurs à un pilori portatif dressé pour la circonstance.

Les principaux justiciers de Paris, autres que l’abbé de Saint-Germain, avaient une échelle en guise de pilori. Nous indiquerons ailleurs la place de plusieurs d’entre elles; celle qui subsista la dernière est celle du Temple ; elle était située dans la rue des Vieilles-Haudriettes. Si communes qu’elles aient été, les échelles de Paris ne sont décrites exactement nulle part. Mais l’abbé Lebeuf nous en donne une idée suffisante, d’après celle de l’abbaye de Chelles, qui existait encore de son temps. Elle était détachée de tout édifice, et très élevée, et les échelons étaient en forme d’escaliers. Dans le haut, se trouvait une plate forme, au-dessus de laquelle étaient dressées deux planches, maintenues, sans doute, dans les rainures de deux montants en bois. Ces deux planches, disposées verticalement entre les montants, et mobiles à la façon d’une trappe, étaient échancrées dans le milieu et sur les côtés. On plaçait la tête et les mains du condamné dans les échancrures de la planche inférieure, et on rabattait la planche supérieure, dans les ouvertures. Certaines échelles avaient un double système de planches, pour exposer à la fois, la tête, les mains et les pieds du condamné.

Cette peine était habituellement appliquée à ceux qui avaient juré le vilain serment. L’ordonnance du 22 février 1347, relative aux blasphémateurs, voulait qu’ils fussent pour la première fois, mis au pilori, et pour les fois suivantes, marqués aux lèvres d’un fer chaud, jusqu’à mettre les dents à nu, si que les dents appèrent. Elle permettait d’ailleurs, aux assistants, de jeter au patient de la boue et des ordures «Et lui

» pourra l’an jetter boues ou autres ordures, sans pierres ou

» choses qui le blessent, et après ce, demourra ung mois en-

» tier au pain et à l’eau, sans aultre chose.» L’exposition des condamnés dans le pilori se faisait, à peu près, de la même manière que sur la plate forme de l’échelle; elle était seulement plus complète dans le pilori, en ce que le patient, qui avait la tête et les mains pris dans une roue, tournait avec cette roue, de façon à être présenté de face, à toutes les parties de l’assistance .

La peine de l’échelle n’est mentionnée qu’une fois, en 1301, dans la période de temps normale qu’embrasse le Registre de Sainte-Geneviève. Elle est appliquée à une proxénète qui jurait vilainement. Une addition, de beaucoup postérieure, nous fournit un second exemple d’une condamnation semblable, prononcée contre un valet boucher. Trois individus subissent la même peine à Saint-Martin: les deux premiers pour le même fait, le troisième pour avoir fait fabriquer une fausse quittance revêtue du sceau de l’official.

La fustigation, qui devait être bientôt la peine corporelle la plus usitée, n’est mentionnée que deux fois dans le registre de Saint-Martin. Elle est appliquée, la première fois, à un enfant de neuf ans qui s’était rendu coupable de vol, et que son âge préserva d’une peine plus grave; il est dit qu’elle lui fut donnée au lieu de punition et considéré comme son petit âge; elle est prononcée dans le second cas, contre un homme qui avait battu un écuyer du Roi de Navarre. On la faisait subir habituellement au condamné, à diverses reprises, dans les lieux les plus fréquentés de la seigneurie, sur les places publiques et les principaux carrefours.

L’emprisonnement pur et simple était rarement appliqué à titre de peine. La longue prison à laquelle pouvaient être assujettis les individus accusés de faits graves, avait souvent le caractère mixte d’une détention préventive, prolongée pendant un temps indéterminé, à titre de conviction et d’épreuve, avant la libération définitive, lorsque les juges ne parvenaient pas à administrer la preuve du fait. Nous ne voyons appliquer l’emprisonnement, dans nos registres, à titre de peine principale, qu’à quelques délinquants, auteurs de légères infractions à l’égard desquels elle tient parfois lieu de l’amende qu’ils n’auraient pu acquitter. C’est ainsi qu’un individu poursuivi devant les juges de Saint-Martin, pour quelques coups, est délivré par prison, par povreté. D’autres délinquants, arrêtés dans une rixe, se libèrent de la même même manière. Enfin on délivre encore, par painnes de prison, deux filles qui avaient été surprises volant du raisin dans les vignes du prieur .

L’amende était habituellement appliquée aux délits de coups et blessures. Elle est très souvent mentionnée dans le Registre de Saint-Martin, qui rapporte avec soin les rixes qui s’élevaient si fréquemment entre les justiciables du prieuré. Ces affaires étaient jugées, sur le rapport du mire juré ou de la matrone jurée, Le mire examinait la victime, afin de constater si elle était en péril de mort ou de mehaing, c’est-à-dire de perdre la vie ou de subir quelque mutilation de membre. La matrone intervenait lorsque les violences avaient été commises contre des femmes enceintes pour rechercher si les résultats de la grossesse pouvaient être compromis. Lorsque la victime succombait ou subissait quelque mutilation, le coupable était puni de mort ou de toute autre peine arbitraire; c’est ainsi que Jacquet Legalais fut exécuté, pour avoir fait à Guillot Leveiller une blessure mortelle. Dans les autres cas, l’affaire se terminait généralement par une simple condamnation à l’amende.

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