Читать книгу Histoire des justices des anciennes églises et communautés monastiques de Paris - Louis Tanon - Страница 16
III
ОглавлениеSi nous cherchons, au point où nous sommes parvenus, à établir une comparaison entre nos Registres, nous constatons une parfaite conformité entre eux, quant à la répression des grands crimes; ces crimes sont toujours punis des mêmes peines, et avec les aggravations prescrites par les Coutumiers. Les délits moindres, et en particulier le vol, sont, au contraire, frappés d’une répression variable qui peut s’élever des pénalités les plus légères à la peine capitale. Le registre de Saint-Martin, qui est le plus récent, accuse, sous ce rapport, un certain adoucissement de la pénalité ; l’échelle des peines reste la même, mais il y a plus de mesure dans leur application aux vols et aux moindres délits .
Le registre de Saint-Maur est manifestement celui qui porte les traces de la pratique la plus rigoureuse et la plus ancienne. Nous y voyons figurer, à côté de la pénalité ordinaire, le pèlerinage pieux ou le voyage en Terre-Sainte. Le premier cas, qui est rapporté dans une enquête de 1275 sur les droits de justice de l’abbaye, remonte sans doute au commencement du XIIe siècle. Il s’agit d’un homme auquel on imputait le meurtre de sa femme, et qui fut condamné au pèlerinage de la Terre-Sainte par suite d’un accord entre ses amis et ceux de la victime, «qui missus fuit, per abbatem, » in perpetuum, in transmarinis partibus, de assensu ami- » corum dicte femine et dicti Jehannoti».
Le second cas est de l’année 1278. Il fut jugé dans une grande assise de l’abbaye. Un triple homicide avait été commis dans une mêlée; entre Créteil et Mesly. Le maire de Mesly et trois autres individus en furent soupçonnés. Leur participation directe au crime ne put pas être prouvée par l’enquête à laquelle il fut procédé ; mais comme il fut établi qu’ils avaient assisté à la mêlée, et qu’il n’avaient rien fait pour empêcher le crime de se commettre, l’assise condamna le maire à faire le voyage d’outre-mer, et les autres à accomplir un pélerinage à Saint-Jacques de Compostelle: «En l’an de grâce MCCLXVIII, le jour de lundi ouquel
» fu la décollation saint Jehan Baptiste, en plaine assise,
» fu esgardé et jugié, par le consoill mon seigneur l’abbé
» Pierre...., que par ce que l’on ne trovoit pas, parl’enqueste
» fete dou fet de III hommes qui furent ocis entre Gristoill et
» Melli, que Simon li maçons, Maci de la Granche, et Johan de
» Boissi qui estoient detenuz en prison, dès la Chandeleur jus-
» qu’aujourd’ui, por la soupeçon dou dit fet, eussent mort de-
» servie, ne qu’ils fussent corpable dou fet; mes, par ce qu’il
» virent la mellée et n’en firent plus, l’en esgarda et juja
» qu’il iront à Saint-Jasque, et mouront dedenz les oitièves
» de la Saint-Remi, et au revenir, il aporteront letres scel-
» lées en tesmoignage qu’il auront fet le voiage qui lor est
» enjoint.» Le maire fut condamné au pèlerinage plus lointain de la Terre-Sainte, à cause de sa qualité, «por ce qu’il
» estoit meires et joustice, et oï le cri et vit la mellée com-
» mancier et n’en fist plus».
Le registre de Saint-Maur présente encore une intéressante particularité relativement aux criminels en fuite: on confisquait leurs biens mobiliers et on détruisait les autres, comme pour effacer le souvenir du coupable; leur maison était abattue, leurs arbres coupés, leurs vignes arrachées. «Johannes
» carnifex occidit quendam qui vocabatur Dardi, qui Johannes
» fugit, cujus mobilia habuimus, et domum suam fecimus
» dirui propter dictum factum.»