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Table des matières

La peine du feu et celle de l’enfouissement sont appliquées systématiquement aux femmes punies de mort .

Deux femmes sont condamnées au feu par les juges de Saint-Germain, en 1291, pour avoir donné la mort à leurs enfants nouveau-nés: «L’an nostre Seigneur m cc quatre-

«vingt-onze, le samedi emprès la Saint-Remy, fu une mes-

» chine jousticié et arse à Meudon, pour ce que elle avoit

» porté noier, en un roteur à chanvre, 1 enfant tout vif que

» elle avoit enfanté .» Cette exécution exemplaire fut faite solennellement à Meudon, en présence de tout le village, convoqué «à ban crié » par les juges de l’abbaye. La même peine fut infligée par les juges de Saint-Martin, en 1333, à une femme, Jacqueline la cyriere, chandelière, qui avait livré de force à un lombard une fille de dix ans .

La peine du feu, à la différence de l’enfouissement, était d’ailleurs commune aux hommes et aux femmes. On sait qu’elle était appliquée habituellement, au moins en récidive, aux crimes contre nature . Nous en avons un premier cas dans le Registre de Saint-Germain. «L’an m ccc et sis, le di-

» manche devant la Chandeleur, fu ars Jehannot Chicot, de

» Vermenton, pour cas de bouguerrie; et fu jugié par le conseil de l’église .» Jean Le Coq nous en donne, dans ses Questions un second exemple qui fournit avec celui-ci un rapprochement étrange. Il s’agit d’une condamnation prononcée, par le bailli de l’évêqué de Paris, contre un certain Jean Hardi, dont tout le crime était d’avoir entretenu des relations avec une juive. «Petrus, alias Johannes Hardi, fuit combustus per

» baillivum domini episcopi Parisiensis, eo quod habuerat rem

» cum Judæa.» Jean Le Coq ne rapporte pas autrement les circonstances de l’affaire, mais il énonce ce motif atroce de la rigueur de la peine, «quia rem habere cum Judæa, a chris

» tano, est rem habere cum cane, juris interpretatione .»

L’enfouissement disparut, d’assez bonne heure, de notre pratique criminelle et y laissa assez peu de traces pour que Sauval, en en mentionnant deux cas, qu’il avait probablement empruntés au registre même de Sainte-Geneviève, ait exprimé des doutes sur sa réalité . Cette peine était cependant très commune à Paris, au XIIIe et au XIVe siècles. Le premier cas mentionné par Sauval est rapporté dans notre registre en ces termes: «L’an de grâce MCCIIIIXX et xv ou environ, fu » prise, a Auteul, une fame qui avait non Marie de Romain- » ville, pour souppeçon de larrecin, et d’illeucques fu mené à » Sainte-Geneviève à Paris en prison et tenue lonc tens; et » puis fu remené à Auteul, et enfouie sollempnement desouz » les fourches d’Auteul.» Le second cas s’applique à une femme de Créteil qui avait commis un vol important chez un habitant de Rungis .

Les condamnations de cette nature sont au nombre de sept à Sainte-Geneviève. Deux ont été prononcées dans la seule année 1271, deux autres dans l’année 1302; la plus ancienne remonte à 1265. Toutes s’appliquent à des femmes coupables de vol; l’une avait volé un hanap, une pinte, et d’autres objets, à Paris et en divers autres lieux; une autre avait pénétré, pendant la nuit, avec effraction, dans une maison de Saint-Germain-sur-École, et y avait soustrait des draps et une toile au métier.

Mais tous les vols qui entraînaient cette redoutable répression n’étaient pas aussi qualifiés. Une femme qui avait déjà, il est vrai, subi une condamnation, et avait l’oreille coupée, fut enfouie à Épinay pour avoir seulement volé des poules dans une étable. «Fu prise nuitantre en une est able ou elle

» avoit emblé gelines, et avoit l’oreille coupée...., et fu en-

» foïe à Eppineul». Deux femmes furent enfouies à Saint-Maur pour avoir volé des souliers et des linges ou effets.

«Quædam mulier, que furata fuerat sotulares et pannos

» lineos penes Theobaldum Auctionarium, capta fuit et in-

» carcerata. que, inventa signata, infodita fuit sub furchis

» nostris .» Enfin la même peine fut appliquée, par les juges de Saint-Martin, à une femme qui avait commis plusieurs larcins à Noisy.

Le registre de Saint-Germain ne fait pas une mention expresse de ce mode d’exécution de la peine capitale, mais les femmes qui sont indiquées, à diverses reprises, dans ce registre aussi bien que dans les autres, comme ayant été exécutées, sans indication du genre de mort qui leur a été infligé, doivent être considérées comme ayant subi l’enfouissement. Cette peine remplaçait, pour les femmes, la potence qu’on ne leur appliquait pas encore . La peine du feu était prononcée contre elles pour les grands crimes; celle de l’enfouissement, pour les autres crimes punis de mort et notamment pour les vols de quelque gravité. Cette distinction barbare entre les hommes et les femmes, quant à l’exécution de la peine capitale, se retrouve exactement dans le Registre criminel du Châtelet; elle y est même reproduite jusque dans les formules qui accompagnaient les sentences de bannissement . Les hommes sont bannis sous la peine comminatoire d’être pendus, les femmes, sous peine d’être enfouies. Jehan de Varias et Ameline, sa femme, sont condamnés, comme recéleurs, à être tournés au pilori des Halles, et bannis, «ledit de Varlus sur peine d’estre pendu et Ameline

» d’estre enfouie vive .» De même, à Sainte-Geneviève, des femmes de mauvaise vie sont bannies sous peine de la bêche, image brutale du supplice: «L’an de grâce MCCIIIIXX » et trois, Marote la Flamenge, Mehalot de Gisors, Tiecot » de Troies, Hanison de Dinant, Alison Lenglesche, furent ba- » nies de la terre, sur la besche, pour ce que elles estoient » foles de leur cors .»

Les condamnées étaient enfouies vives. On voudrait pouvoir en douter; mais l’un des cas rapportés par le Registre criminel du Châtelet ne laisse aucune incertitude à cet égard. On sait qu’il était alors d’usage de provoquer des condamnés, sur le lieu du supplice, une dernière confession de leurs crimes. Marion de la Court, femme de mœurs dissolues, qui avait été condamnée à l’enfouissement, comme larronesse, pour un nombre considérable de vols, fait une confession semblable, et on constate, avant de rapporter ses aveux, qu’elle était devant la fosse ordonnée pour l’enterrer et au moment où on l’y voulait mettre .

La peine du feu resta, à Paris comme ailleurs, dans la pratique criminelle ; celle de l’enfouissement disparut lorsqu’on se décida à appliquer la potence aux femmes. La Chronique de Charles VII, de Jean Chartier, enregistre comme une nouveauté, l’exécution d’une femme qui fut pendue à Paris en 1449 .

On sait que les faux monnayeurs étaient bouillis dans une chaudière . Nous en avons un exemple notable à Saint-Maur. L’exécution fut faite au bourg des Fossés, au milieu d’un grand concours de peuple, en vertu de la sentence prononcée contre le coupable, dans une assise solennelle de l’abbaye.

«Homine de Massilia recognoscente, coram dominis, Guidone

» de Campis, etc.», (suit l’énumération des membres composant l’assise) «se fecisse falsam monetam et plura latro

» cinia, bullitus fuit, per judicium predictorum, et suspensus». Une femme de Saint-Martin fut arrêtée à Paris, pour le même crime, par la justice royale. Les officiers du prieuré la revendiquèrent, mais leur prétention ne fut reconnue qu’après qu’elle eut été exécutée par les gens du roi. Ils ne s’en firent pas moins rétablir dans leur droit, par la tradition symbolique d’une figure qui fut bouillie, sous les fourches patibulaires de Noisy.

Les meurtriers étaient invariablement traînés sur la claie, et pendus . «L’an Nostre Seigneur mil cc quatre vinz et un, fut pris, un home, à Val Girart, emblant 1 drap. Et pour ce qu’il cognut qu’il avait murtri 1 home, il fu penduz à Saint-Germain-des-Prez et trayné .»

Une transaction de 1303 entre l’abbaye de Sainte-Geneviève et celle de Saint-Victor fait revivre, dans une de ses clauses, toute cette ancienne pratique. Les religieux de Sainte-Geneviève faisaient encore, à cette époque, quelques-unes de leurs exécutions, aux portes de la ville, sur les voies qui entouraient l’enclos de Saint-Victor et jusque sur celle qui conduisait à la porte principale de cette abbaye. Les religieux de Saint-Victor, dont cet usage blessait les convenances ou lésait les droits, obtinrent, de leurs puissants voisins, l’engagement de renoncer à procéder, sur deux de ces voies, aux exécutions qu’ils avaient accoutumé d’y faire, et qui consistaient, d’après les termes mêmes de l’acte, à brûler les femmes, à les enfouir vives, à mutiler les hommes et les femmes et à traîner les hommes sur la claie. «Et nos abbas

» et conventus, promittimus, bona fide, quod, in predicta via

» ria, execuciones que sequuntur non faciemus, per nos vel

» alios, in futurum, videlicet, mulieres adurere seu vivas in-

» fodere, homines et mulieres trainare, nisi contingeret in

» ipsa viaria delictum perpetrari propter quod aliquis esset

» trainandus .»

La traînée du meurtrier sur la claie était considérée comme une aggravation de peine nécessaire que le juge se croyait, en conscience, obligé d’ordonnner dans tous les cas. Nous en avons un singulier exemple dans une notice de Saint-Martin. Michelet de Terreblay, arrêté par les gens du prieuré pour le vol d’une charrue, fut condamné à être pendu, et conduit aux fourches de Noisy pour l’exécution de la sentence. Il fit sa confession, selon l’usage, sur le lieu patibulaire, et pensant avoir épuisé les rigueurs de la justice, il fit l’aveu spontané d’un meurtre. On jugea là-dessus que la peine qu’on allait exécuter devenait trop légère. Jugé comme meurtrier, il aurait été traîné avant d’être pendu: on le ramena donc des fourches et on le traîna pour l’y reconduire . De telles aggravations de peines n’étaient pas rares, si étranges qu’elles puissent nous paraître, et nous en voyons, dans le Registre du Châtelet, une plus cruelle encore, amenée dans des circonstances semblables, par la seule confession du coupable. Robin le Febvre, condamné à être pendu et conduit à son dernier tourment, avoue avoir commis, à diverses reprises, le crime de bestialité. On dresse aussitôt un bûcher, et on le fait périr par le feu. «Oyes lesquelles derrenières confes-

» sions,....... fu icelli Robin mys et lié à l’atache, avec les

» bourrées, et le feu illec print pour ardoir icelli Robin,

» lequel estant en cet estat, continua en toutes les confes-

» sions ci-dessus escriptes, par lui faites, et pour ce, fu jus-

» ticié et ars et illec fini ses jours....... »

Le viol était puni de la même manière que le meurtre :

«L’an de grâce MCCIIIIxx et VII ou environ, fu penduz et » traînez, Jehanot de Crespières, pour une vielle que il avoit » efforciée dehors la porte de Bourdelles. Et requenut que, » quand il en ot fait son plaisir....., embla ses poules et son » sourcot....» La même peine fut subie, à Saint-Martin, par un tailleur de robes de la rue du Grenier-Saint-Lazare, qui avait abusé de ses deux apprenties âgées de douze ans.

Le suicide était considéré comme un véritable crime par notre ancienne jurisprudence, et entièrement assimilé au meurtre . Le cadavre de l’homme qui s’était volontairement donné la mort était traîné et pendu, celui de la femme était enfoui par la main de justice.

En 1288, le prévôt de Paris obligea les religieux de Sainte-Geneviève, par une mainmise sur leur justice, à traîner le cadavre d’un suicidé qui n avait été que pendu. «Et fu ledit Robert pendu sans traîner. Et pour ce, ledit prevost prist notre joustice en la main le Roi, pour ce que nous l’aveismes pendu sanz traîner. Toutes voies, après ce, osta ledit prevost sa main, et nous rendi nostre joustice, et nous quémanda que nous ledit murtrier truinissions ou la figure de lui.... Et fu ledit meurtrier traîné de la porte de Bordelles desqu’à fourches. »

Le suicide était néanmoins excusé, et affranchi de toute peine, lorsqu’il paraissait qu’il avait été commis sous l’empire de la folie. Un pelletier, de Saint-Martin, qui avait été trouvé pendu dans une maison de la rue Quincampoix, fut rendu aux amis, pour le faire enterrer, parce qu’il résulta d’une information faite par le maire, qu’il était depuis longtemps tout fol, et hors du sens .

La potence simple était appliquée à l’homicide simple et au vol. La répression du vol était variable et arbitraire, mais il était très fréquemment puni de mort . La récidive la plus légère suffisait parfois pour motiver cette peine, comme le vol d’une chaîne de fer à Saint-Maur, ou un vol de poules dans la boucherie de Saint-Germain. Un homme est arrêté et pendu à Sainte-Geneviève pour soupçon de larcin et mauvais renom; de même à Saint-Germain, un homme qui avait volé des pots, parce qu’il était mal renommé .

Histoire des justices des anciennes églises et communautés monastiques de Paris

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