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TOM POUCE (TOM THUMB).
ОглавлениеPoëme de 335 vers; d’après l’édition originale de 1630. — Strophes de huit vers, alternés de huit pieds et six pieds. (La traduction suit le texte d’aussi près que possible, afin de conserver la couleur de l’original .)
A la cour d’Arthur vécut Tom Pouce, homme de grand pouvoir, le meilleur de toute la Table Ronde, et vaillant chevalier. Sa taille était haute d’un pouce, du quart d’un empan; or ne pensez-vous pas que ce petit chevalier était un homme fier et vaillant?
Son père était simple laboureur, sa mère trayait les vaches; mais le moyen d’avoir un fils, ce couple ne le connaissait pas, jusqu’à ce qu’un jour le bon vieillard alla trouver le savant Merlin et lui dévoila en secret:
. Combien en son cœur il désirait d’obtenir un enfant pour le temps à venir, afin d’avoir un héritier, et quand même il ne devrait pas être plus gros que son pouce. Merlin lui prédit alors que son souhait serait exaucé, et ainsi ce fils de petite taille, l’Enchanteur le lui donna.
En lui ne seraient ni sang ni os, étant de telle taille que les hommes l’entendraient parler, mais ne pourraient toucher son ombre errante. Cependant il pourrait aller et venir où bon lui semblerait, engendré et venu au monde en une demi-heure, selon le désir de son père.
En quatre minutes, il grandit si rapidement qu’il devint aussi haut que le pouce du laboureur; à cause de cela on l’appela Tom Pouce. Tel fut le nom que lui donna la reine de féerie, lorsque, avec sa suite de lutins grimaçants, elle vint à son baptême.
Elle l’habilla richement de vêtements beaux et brillants, qui lui durèrent maintes années et qu’il portait avec grâce. Son chapeau était fait d’une feuille de chêne, sa chemise d’une toile d’araignée à la fois légère et douce pour ses membres qui étaient si délicats. Ses chausses et son pourpoint de duvet de chardon finement tissé, ses bas de la pelure d’une pomme verte. Ses jarretières étaient deux petits cils tirés des yeux de sa mère; ses bottes et ses souliers étaient taillés dans la peau d’une souris, tannée très-curieusement.
Ainsi, comme un vigoureux garçon, il s’aventura avec les autres enfants par les rues, pour montrer ses jolies malices. Il y joua des jetons, des épingles, des aiguilles, des noyaux de cerises, jusqu’à ce que parmi ces joueurs il eût perdu tout ce qu’il avait.
Pourtant il put recommencer bientôt, car, très-adroitement, il pénétrait dans les sacs de cerises et il les dérobait sans être ni vu ni deviné par personne; mais un jour un écolier enferma cet être agile dans la boîte où il mettait ses épingles.
Pour se venger, Tom prit, par un jeu aimable et gracieux, des pots noirs et des verres qu’il suspendit à un brillant rayon de soleil. Les autres enfants, voulant faire comme lui, brisèrent les pots en mille pièces, pour quoi ils furent très-vertement fouettés, et Tom rit de tout son cœur du succès de son espièglerie.
La mère de Tom Pouce lui défendit alors de jouer et de s’amuser, et il se vit après cela forcé de rester à la maison. Or, vers le temps de Christmas (Noël), son père ayant tué un cochon, Tom voulut voir faire les puddings, afin de veiller à ce qu’ils fussent réussis.
Il s’assit sur le bord du pudding pour tenir la chandelle, ce que jusqu’à ce jour on dit être un joli passe-temps. Or, Tom tomba dans le bol et ne put être retrouvé, car, dans le sang et la pâte, il était étrangement perdu et enfoncé.
Après l’avoir cherché longuement, mais en vain, la mère de Tom jeta son fils dans un pudding, au lieu de la graisse hachée; elle versa ensuite dans le chaudron, ce pudding de très-grande dimension, et Tom le fit déborder comme s’il était soufflé par un ouragan;
Car il se souleva en haut et en bas dans le liquide, où il barbotait comme si on y avait bouilli le diable. Telle fut la frayeur de sa mère qu’elle retira le pudding et le donna à un chaudronnier qui, de là, l’emporta dans son sac noir.
Mais le chaudronnier, sautant une barrière, fit un p...
«Fi! vieux coquin!» cria Tom Pouce pendu sur son dos; à quoi le chaudronnier se mit à courir, sans attendre plus longtemps en jetant et son sac et le pudding, et il fut bientôt hors de vue.
Tom Pouce se dégagea à la fin et revint à la maison, où longtemps il resta à l’abri du danger jusqu’au jour où sa mère mena paître sa vache. Alors elle attacha fortement à un chardon Tom avec un fil,
Un fil qui le tînt bien, de crainte que le vent violent ne l’enlevât et afin qu’elle pût le retrouver sain et sauf. Mais, voyez le hasard: une vache passa par là et mangea le chardon. Le pauvre Tom avec tout le reste, comme une feuille de bardane, fit le repas de la vache rousse.
Sa mère, l’ayant perdu, alla partout appelant: «Où es-tu, Tom? où es-tu, Tom? — Ici! mère, ici! répondit-il. Dans le ventre de la vache rousse ton fils a été englouti.» Ce qui, dans le cœur effrayé de la mère, mit des douleurs poignantes.
Pendant ce temps la vache était très-ennuyée, car Tom sautait dans ses entrailles, et elle ne put être tranquille qu’elle n’eût rejeté Tom Pouce par derrière. Tout embousé qu’il était, sa mère le prit, puis emporta le pauvre garçon en le fourrant dans sa poche.
Ensuite, au temps des semailles, son père l’emmena dans les champs pour diriger sa charrue, et alors il lui donna un fouet fait d’une paille d’orge pour conduire l’attelage; mais, dans le sillon nouvellement semé, le pauvre Tom se perdit.
Or, par un corbeau de grande force, il fut enlevé, et l’oiseau des charognes le porta dans son bec comme un grain de blé jusqu’au sommet d’un château dans lequel il le laissa tomber, et bientôt le géant qui y demeurait avala le pauvre Tom, ses vêtements et son fouet de paille.
Mais dans son ventre, Tom Pouce fit un tel tapage, que ni jour ni nuit le géant ne put prendre le moindre repos jusqu’à ce qu’il l’eût vomi à trois milles dans la mer, où un poisson l’engloutit bientôt et l’emporta au loin.
Ce gros poisson fut pris peu après et envoyé au roi Arthur. Tom y fut trouvé et devint le nain du roi. Là, il passa de longs jours dans la joie et la gaieté, aimé de toute la cour, et personne autant que Tom ne fut alors estimé entre les nobles seigneurs.
Entre autres exploits de cour, sur l’ordre de Son Altesse, il dut danser une gaillarde sur la main gauche de la reine. Tom obéit au roi, et pour le récompenser, son souverain lui donna comme insigne une belle ceinture que Tom à sa taille porta longtemps.
Après ce haut fait, le roi ne voulait plus sortir pour se distraire que Tom ne chevauchât avec lui, posé sur l’arçon de la selle. Or, un jour qu’il pleuvait, Tom Pouce se glissa agilement par le trou d’un bouton dans le sein du roi, où il s’endormit.
Et étant près du cœur de Sa Majesté, il implora un riche don, un présent libéral, que le roi ordonna de remettre à Tom, afin qu’il vînt en aide à son père et à sa mère devenus vieux; et le présent fut d’argent monnayé autant que les bras de Tom pourraient en porter.
Et de la sorte s’en alla le robuste Tom avec trois pence sur le dos, fardeau pesant qui pouvait briser ses membres fatigués. Ainsi, voyageant jour et nuit avec peine et grande lassitude, Tom arriva dans la maison où ses parents habitaient.
La maison n’était qu’à un demi-mille de la cour du bon roi Arthur, et en quarante-huit heures, Tom y parvint bien fatigué. Mais, arrivé à la porte de son père, il fit une entrée telle que ses parents se réjouirent, et Tom fut bien content.
Sa mère, dans son tablier, prit en toute hâte son gentil fils, et, auprès du feu, dans une coquille de noix, elle l’installa. Elle le régala trois jours avec une noisette, et il fit une telle bombance, qu’il mit ses parents en peine.
Et de là, il tomba bien malade pour avoir mangé en si peu de temps ce qui aurait dû faire pour un mois la nourriture de ce grand homme. Ensuite les devoirs de sa charge le rappelèrent à la cour du roi Arthur, dont il ne pouvait rester éloigné plus longtemps.
Mais quelques petites gouttes de rosée d’avril, qui se trouvaient sur la route, retardèrent et embarrassèrent son long et pénible voyage. Alors son père voyant les efforts de Tom prit par jeu un tube fait avec une plume d’oiseau, et d’un souffle, il souffla son fils dans la cour du roi Arthur.
Revenu à la cour, Tom Pouce joute aux tournois avec sire Lancelot du Lac, sire Tristan, sire Guy, sire Chinon, et les autres chevaliers; mais il s’était tellement fatigué qu’il tomba malade. Le médecin du roi Arthur vint le voir dans son lit.
Tom Pouce était devenu si maigre, que l’habile docteur fut forcé de prendre une lunette grossissante pour examiner son pauvre corps malade. Après l’avoir regardé en silence, il aperçut la mort qui, dans les intestins ravagés de Tom, s’apprêtait à arrêter le souffle de sa vie.
Ses bras et ses jambes étaient maintenant aussi fins que toiles d’araignée, car l’heure de sa mort approchait, et l’un après l’autre, ses membres devenaient inertes. Sa figure n’était pas plus grosse que celle d’une fourmi, et pouvait à peine se voir. La perte de ce renommé chevalier affligea beaucoup le roi et la reine.
Ainsi, dans la paix et la tranquillité, il quitta cette terre ici-bas, et dans le pays de féerie, son ombre s’évanouit. La reine de féerie reçut, en grand deuil, le corps de ce vaillant chevalier qu’elle chérissait tant.
Puis, avec ses nymphes qui dansent sur les gazons, aussitôt que la vie eut abandonné Tom, elle l’enleva de son lit au son de la musique et d’une douce mélodie. Le roi Arthur et les chevaliers pleurèrent Tom quarante jours, et en souvenir de son nom qui était si vaillamment porté.
Il lui bâtit un tombeau de marbre gris, et chaque année il venait célébrer le triste anniversaire des funérailles de Tom Pouce. La renommée de Tom vit encore en Angleterre parmi les gens du pays, et nos femmes et nos petits-enfants en font encore de plaisants récits.
En 1670, parut une autre version de Tom Pouce en trois parties; la première n’était que la reproduction de celle que nous venons de donner; mais l’auteur, pour répondre à la vogue qu’avait eu ce petit poëme, s’avisa d’y ajouter deux suites formant deux parties. Elles sont donc de pure imagination, et malgré de jolis détails, elles sont très-inférieures au poëme original. Je ne saurais cependant me dispenser d’en dire quelques mots, car elles sont devenues populaires. Dans la deuxième partie, l’auteur suppose que Tom étant mort, la reine de féerie se prend d’amour pour lui, et Tom vit près d’elle sous les ombrages élyséens pendant deux cents ans et plus. Au bout de ce temps, la reine voulant envoyer son favori à de nouveaux triomphes, souffle dessus, et le rejette ainsi sur la terre. Tom passe alors par une série d’aventures dont plusieurs ne font que rappeler celles de sa première existence. Dans la troisième partie, nous voyons Tom monté sur un papillon fuir le courroux de la reine, jalouse de l’amitié que lui porte le roi Arthur. Enfin Tom tombe dans une toile d’araignée; l’insecte, prenant notre héros pour une mouche, s’en empare et le tue. Ainsi finit Tom. Et il était réellement temps, car à force d’allonger le récit, l’auteur finit par lui enlever son charme et sa fraîcheur.
Telles sont les deux versions sur lesquelles ont été faites les nombreuses histoires qui continuent la renommée de Tom Pouce en Angleterre. Elles s’éloignent d’ailleurs fort peu de ces versions, et raccourcissent seulement les épisodes des deux suites parasites. En général, elles terminent la vie de Tom en le faisant tomber du haut de son papillon dans un lac, où il se noie.
Le personnage de Tom Pouce défraie un grand nombre de légendes de tous les pays d’Europe, et se retrouve aussi bien sur les bords du Rhin que dans les pays scandinaves et chez les Slaves.
Si dans ce long récit nous cherchons les traits appartenant à la légende véritable de Tom Pouce, telle qu’elle s’est conservée dans d’autres pays, nous les trouvons noyés dans les aventures de fantaisie que, selon la mode du temps, les vieux poëtes anglais trouvaient toujours le moyen de rattacher à l’histoire légendaire d’Arthur. Néanmoins, de ce caractère qui peut être reconstitué à l’aide des récits étrangers du même cycle, Tom Pouce a conservé dans le poëme sa petite taille, sa vie aux champs, où son père lui fait conduire les vaches avec un petit fouet de paille, et les deux aventures de sa chute dans un sillon, et de son séjour dans le ventre de la vache rousse. Tout le reste est d’invention poétique.
Voici maintenant un récit purement populaire conservé dans les Highlands et recueilli par M. Campbell.
CONTE I BIS