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CROYANCES ET SUPERSTITIONS APPORTÉES EN ANGLETERRE PAR LES RACES CONQUÉRANTES.

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Recherchons maintenant, en nous restreignant aux limites d’une introduction, l’influence exercée sur les superstitions mythiques et autres de la Grande-Bretagne par les races qui se sont succédé dans cette contrée. Considérées à ce point de vue, les traditions populaires de l’Angleterre sont particulièrement intérestantes, car elles empruntent leurs couleurs aux flores des différentes nations celtique, saxonne, danoise, normande qui sont venues tour à tour s’implanter sur son sol.

Arrivée des Celtes en Gaule ot on Angleterre.

Lorsqu’il y a cinq mille ans , à la suite de commotions inconnues, la nation âryenne, répandue dans la Bactriane et la Sogdiane, commença ce mouvement d’émigration que notre temps voit se continuer sous une autre forme, mais avec non moins de force, par delà l’Atlantique, dans les plaines du Far West et jusqu’en Australie, ce fut la tribu des Celtes qui s’ébranla la première. Laissant derrière elle l’Asie et les tombeaux de ses ancêtres, elle marcha toujours à l’ouest en suivant le cours du soleil, franchit montagnes et fleuves et s’avança jusqu’à ce qu’elle cessât de trouver la terre pour la porter. Elle parvint ainsi jusqu’en Bretagne (Finis terrœ) et se répandit en Gaule; puis traversant l’étroit canal qui sépare la France de l’Angleterre, elle envahit et peupla ce dernier pays.

Les Celtes apportèrent avec eux en Angleterre les idées et les traditions de leur mère patrie. L’imagination poétique de la nation aryenne qui, plus tard, des bords du Gange aux rivages de l’Atlantique, devait s’épanouir dans les merveilleuses productions de l’art et de la littérature, orgueil de notre civilisation, adorait alors Dieu dans les manifestations de la nature et donnant une incarnation aux astres et aux éléments, expliquait les phénomènes dont elle était le témoin par des luttes dont elle racontait poétiquement les phases et les incidents.

Kymris.

Les Celtes étaient depuis au moins quinze cents ans établis en Gaule, d’où ils avaient envoyé des colonies en Espagne et en Italie, quand une invasion de Kymris ou Cimbres, chassés de la Chersonèse par une inondation de la Baltique, pénétra en masses profondes en Gaule et en Angleterre. Ils marchaient sous la conduite de Hu-Gadarn, ou Hu le Puissant. En Gaule, ils refoulèrent les Celtes du nord-est qui émigrèrent sous la conduite de Sigovèse et de Bellovèse, les uns dans la Cisalpine, les autres dans la forêt Hercynie et le long du Danube. Prenant ainsi la place des Celtes du nord-est, ils s’étendirent dans la Gaule-Belgique et dans l’Armorique. En Angleterre, ils s’établirent dans le pays de Galles (les Welches). Leur langue était voisine de celle des Celtes; il est probable qu’ils descendaient d’un groupe resté en arrière de la masse lors de la migration d’Asie en Europe.

Quoi qu’il en soit, la langue kymrique est encore parlée en France dans quelques districts de Bretagne; elle comprenait les dialectes comique (aujourd’hui éteint), gallois ou cambrien et le bas-breton. Le celtique ou gaélique, qu’il ne faut pas confondre avec le gallois, est encore le langage de l’Irlande, où il s’appelle errinach, des Highlands d’Écosse, où il se nomme erse, et de l’île de Man.

L’Angleterre et la France se trouvèrent donc peuplées d’éléments semblables ayant des traditions communes, que fortifiait encore la pratique d’une même religion: le druidisme. En dépit de toutes les invasions et du flot d’idées nouvelles qui en fut la conséquence, les vestiges des anciennes traditions des deux Bretagnes se retrouvaient encore naguère dans les contes et les chants populaires de ces pays, ainsi qu’en témoignent en France les ouvrages de la Villemarqué, Barzaz-Breiz, et d’Emile Souvestre, le Foyer breton, et surtout les contes authentiquement populaires recueillis par M. Luzel, et, dans la Grande-Bretagne, les récits qui vont suivre. Dans le pays de Galles, une vieille croyance considérait les Fairies comme les âmes des anciennes druidesses, et l’on peut regarder les incantations des magiciennes du moyen âge et une partie des attributions des fées et des génies comme un souvenir des pratiques farouches des prêtresses des îles de Sein et de Mona, dont parle Pomponius Mela.

Triades galloises.

Les seuls documents que nous possédions sur ces époques sont contenus dans les triades galloises écrites du IVe au IXe siècle. Elles nous tiennent lieu des manuscrits contenant les traditions des anciens Irlandais, que saint Patrick fit incendier dans un but de prosélytisme religieux et dont on ne saurait trop déplorer la perte. Les triades les plus célèbres sont celles des bardes Taliésin, Aneurin et Myrddin, ou Merlin l’Enchanteur. Bien que confuses, elles fournissent de précieux renseignements au point de vue historique; malheureusement elles ne nous ont rien conservé des mythes religieux des Celtes et des Kymris.

Poëmes d’Ossian.

Quant au Poëme d’Ossian, quelle que soit la part qu’il faille attribuer dans cet ouvrage à l’imagination de Mac-Pherson, il n’est pas douteux que les chants qu’il contient ne soient, avec une forme plus ou moins altérée, ceux par lesquels les bardes célébraient les hauts faits de Fingal et des autres héros ses successeurs lorsqu’ils défendaient le sol de la patrie contre les Romains et plus tard contre les Saxons et les Scandinaves. Telle est, du reste, l’opinion de Campbell dans le IVe volume de ses Contes des Highlands et dans la substantielle Introduction qui précède ses œuvres. Par sa connaissance des idiomes gaéliques, par ses relations avec les pêcheurs et les humbles gens qui lui ont fourni ses contes, par ses études sur les croyances populaires de l’Ecosse, personne ne peut prononcer avec plus d’autorité que M. Campbell sur le degré d’authenticité du poëme de Mac-Pherson. Voici cette opinion résumée.

«Je crois qu’il y a des poëmes de très-vieille date

«dont les fragments existent encore en Écosse à l’état

» de traditions et que ceux-ci se rapportent à des héros

» celtes; je pense que les mêmes personnages ont été

» des héros mythiques chez les Celtes dans les plus an-

» ciens temps; enfin, je crois que les poëmes recueillis

» par Mac-Pherson et Smith sont de vieilles poésies

» altérées, mais en somme originales. Les sujets exis-

» taient, mais c’est Mac-Pherson qui leur a donné la

» forme que nous connaissons.»

Rapports entre les mythologies des divers peuples âryens.

Après les Celtes, et à des intervalles qu’on ne peut déterminer, les tribus germaniques, puis slaves, s’ébranlèrent à leur tour et apportèrent, dans les contrées d’Europe où elles se fixèrent, les traditions et la religion des Aryens; en même temps, l’Inde et la Perse se peuplèrent aussi d’Aryens. Toutes ces contrées se trouvèrent donc posséder un fonds commun de traditions ainsi qu’une langue très-voisine. De ces germes identiques naquirent des civilisations qui, par suite des différences de climats, des races diverses auxquelles les conquérants s’étaient mêlés, divergèrent après une longue série de siècles et de fortunes diverses et finirent même par ignorer leur point de départ. Néanmoins, de ce fonds commun primitif unique, chacune de ces civilisations garda des témoignages irrécusables dans le développement de ses religions et de ses habitudes d’esprit. C’est ce que prouve la comparaison des religions et des mythes de toutes les races indo-européennes dans l’antiquité. Dieux et déesses de l’Olympe, hôtes célestes du Panthéon védique, habitants du Walhalla Scandinave, divinités sanguinaires adorées par les Celtes, tous sont des personnifications des forces de la nature, engendrées par le naturalisme âryen.

Mais au-dessous de ces dieux principaux qui, nous l’avons dit, ne sont que des aspects différents, suivant les pays, d’une même idée originelle, toutes les nations indo-européennes, dans leur développement parallèle, en étaient arrivées à reconnaître des divinités secondaires, monnaie du Dieu suprême, personnifiant les eaux, les grottes, les montagnes et les vallées, les bois verdoyants et les landes incultes. C’est ce que Pythagore témoignait quand il enseignait que le monde entier était rempli d’esprits de même nature que les démons familiers grecs. Les grands dieux et la haute philosophie des dogmes des religions antiques n’étaient pas en effet accessibles aux gens humbles et incultes des campagnes; aussi avait-on imaginé des divinités plus abordables pour les petites gens, et qui servaient d’intermédiaires entre les hommes et les grandes divinités, réservées aux prêtres et aux hautes classes.

Le christianisme lui-même fut obligé de tenir compte de cette irrésistible tendance d’esprit, et malgré les efforts de l’Église pour déraciner l’esprit naturaliste des religions antiques, nous voyons certaines populations du midi de la France, mais surtout de l’Italie et de l’Espagne, résumer dans le culte exagéré des saints à peu près toute leur religion. On retrouve d’ailleurs avec des attributs analogues, ces divinités intermédiaires dans la mythologie védique, dans celles de la Grèce et des peuples celte et germanique; et, pour nous restreindre à la mythologie des peuples scandinaves dont la majeure partie de la féerie anglaise est dérivée, il nous est facile de reconnaître dans les Elfes des bois et des collines un air de famille dénotant une origine commune avec les faunes, les sylvains, les satyres et les nymphes, Une superstition écossaise place même sur le Ben Lomond des Vrisks, sortes de satyres aux jambes de bouc. On peut se demander, il est vrai, si ce sont des souvenirs de traditions introduites par les Romains, ou de traditions autochthones. De leur côté, les lutins familiers: Goblins, Robin-Hood, Robin Bon-Garçon, Brownie, etc..., rappellent à la fois les démons grecs de Socrate, le Mercure domestique dont l’image ornait l’intérieur des maisons d’Athènes et dont on faisait peur aux petites filles désobéissantes, et les Lares, gardiens des foyers romains. Les contes relatifs aux Mermen et Mermaids, aux esprits d’eaux qui apparaissent sous la forme de veaux marins, de femmes à queue de poisson, comme aux îles Shetland, nous fournissent des rapprochements frappants avec les néréides et les sirènes: comme elles, ces esprits attirent par leurs chants et leurs propos le voyageur imprudent afin de le faire périr; comme Nérée, Protée, et Thétis, ils prédisent souvent l’avenir. De même que les divinités des eaux dans toutes les mythologies, ils peuvent se transformer à volonté en animaux de toutes sortes, ou prendre la forme humaine. Les esprits des fleuves, des lacs, des fontaines, des puits, que nous montrent les contes sous des aspects d’animaux très-divers, tels que: chevaux des fleuves ou kelpies, taureaux d’eau, serpent ou dragon nageant, oiseaux et même crapauds et grenouilles, sont les vestiges d’anciennes divinités locales qui nous rappellent les chevaux et les monstres marins de la Fable, le serpent de Ténédos, etc. Les Elfes des eaux douces sont les naïades. Les divinités chthoniennes des fables grecque et védique trouvent aussi leurs similaires dans la féerie anglaise. Les nains des grottes souterraines sont les Dactyles du mont Ida, et les Cabires, tels que les représente Hérodote; à l’instar des compagnons de Vulcain qui forgeaient les armures des dieux et les carreaux de Jupiter, les nains des cavernes fabriquent des épées et des boucliers magiques pour les dieux du Walhalla et pour les héros. Le type de Vulcain et de Dédale nous est fourni par le forgeron Vayland. Ces esprits de la terre n’étaient pas toujours des nains, comme dans les traditions scandinaves; parfois ils étaient des géants à un seul œil, semblables aux cyclopes: ainsi, les géants gaéliques les Famhaïrans (voy. Conte XVI, notes).

Du reste, dans la suite de ce livre, nous aurons maintes fois l’occasion de montrer que la plupart des mythes de la Grèce trouvent leurs similaires dans les traditions des autres peuples.

Ce sont les vestiges de ces divinités locales, autrefois réelles et vivaces, qui, au moyen âge, ont fourni le fond des histoires des fées; ces croyances, s’effaçant peu à peu sous J’influence du christianisme, ont été absorbées en partie par lui, et le clergé les a habilement, et avec beaucoup de tact politique, fait tourner au profit de la religion. Les saints prirent ainsi les attributions des divinités bienfaisantes du paganisme, tandis que le nouvel esprit du mal, le démon, était noirci pour faire repoussoir, de tous les méfaits dont la superstition populaire chargeait ses esprits malfaisants. En réalité, l’étiquette seule des choses était changée et le conte païen devenait ainsi une pieuse légende. (Voy. comme exemples les contes: le Maçon gourmand, Comment saint Éloi fut puni de son orgueil.)

Origine des mots Fees, Pairies; leur caractère.

De toutes les origines attribuées au nom de fées: allemand Feen, anglais fairies, provençal fada, berrichon Fades (G. Sand: la Petite Fadette), espagnol hada, italien fata, celle qui est maintenant acceptée rattache ce mot soit au latin: fata, fatum, la Destinée, soit à Fatua, devineresse employée par Marcianus Capello .

Nombres 3 et 7.

C’est ce caractère primitif de divinités fatales qui s’attache d’abord aux fées; ainsi, dans les derniers temps de l’empire romain, comme en témoignent plusieurs médailles ou inscriptions, les Fata, sous la figure de femmes, étaient assimilées aux Moires grecques ou aux Parques. A l’exemple des Parques, elles figurent en général au nombre de trois; cependant on les trouve quelquefois au nombre de sept, comme dans la Belle au Bois dormant. Ces deux nombres, surtout le premier, jouent d’ailleurs un grand rôle dans les traditions religieuses ou magiques de tous les pays aryens. Suivant Pythagore, trois est le nombre des plus sublimes mystères; il représente: Dieu, l’âme du monde et l’esprit de l’homme. Dans les Védas, les deux nombres sacrés sont 3 et 7. Le pouvoir attribué aux nombres n’est pas moins grand en Perse. Dans la religion de Zoroastre, un sens mystique fut de tout temps attaché à ces nombres et à quelques-uns de leurs multiples. La rencontre continuelle des nombres 3 et 7 dans les mythologies et les récits des peuples indo-européens est un des témoignages les plus frappants de leur origine commune. Citons quelques exemples: La Trinité hindoue, les trois Nornirs scandinaves, les trois Parques, les trois Grâces, les trois Furies, les trois Gorgones, la triple Hécate, les trois Juges des enfers, les trois tètes de Cerbère, les trois Corybantes prêtres de Cybèle, quelquefois neuf (3×3) suivant certains auteurs, les neuf Muses (3×3), etc.

Les attributions des Fées, considérées comme divinités annonçant le destin, sont d’ailleurs celles des Moires ou Parques; celles-ci, il faut bien le dire, n’avaient pas à l’origine ce caractère farouche et implacable que leurs noms rappellent. Les Parques assistaient aux naissances et aux mariages; on les voit à la naissance de Méléagre et d’Achille et aux noces de Thétis et de Pelée; de même aussi, la déesse des accouchements Eleutho (chez les Latins Lucine) assistait à la naissance d’Hercule et de Jamos (fils d’Apollon); les Fées président aussi aux naissances des enfants, leur font des présents ou leur. jettent des sorts, comme dans le roman d’Ogier le Danois et dans des contes trop nombreux pour qu’il soit nécessaire de les rappeler.

Parques grecques; les Moires; — Parques scandinaves: les Nornes.

La mythologie Scandinave, dont le développement ne peut être soupçonné d’avoir subi l’influence de celle de la Grèce, nous fournit un mythe identique à celui des Parques: c’est celui des Nornes, qui assistent, ainsi qu’elles, à la naissance des enfants. L’Edda les représente sous la figure de trois vierges, d’aspect moins farouche que les Parques cependant, et qui se nomment: le Passé, le Présent, l’Avenir. Dans le poëme eddaïque de Voelund, prince des Elfes, nous voyons aussi qu’un matin, ce héros et ses deux frères font la rencontre de trois sœurs filant du lin comme les Parques. C’est à la fois des Nornes et des Parques que Shakespeare a composé les personnages des Trois sorcières de Macbeth.

Dans leur conception primitive de déesses fatales ou plutôt fatidiques, les fées sont chastes et d’aspect austère; elles prennent souvent aussi les traits d’une vieille femme. Mais, comme d’autres fois on les représente parées de tous les dons de la beauté et mêlées à la vie des mortels, il leur était difficile de ne pas inspirer l’amour: de là à le ressentir il n’y a qu’un pas; elles le franchissent et deviennent de tous points assimilables aux nymphes, avec toutefois plus de retenue que Calypso, qui aima successivement le père et le fils. Cependant elles conservent en général leur caractère grave et chaste primitif.

Leur pays de prédilection dans les romans de chevalerie, c’est l’île d’Avalon! Les fées disposent à leur gré des éléments; elles ont hérité du pouvoir magique attribué par la superstition aux druidesses celtiques, dont elles sont les descendantes directes; elles deviennent alors des reines de magie, et les pratiques de la sorcellerie leur sont familières. Par ce côté, elles offrent le type de l’enchanteresse Circé et peuvent à leur gré métamorphoser le plus malhonnêtement du monde leurs ennemis en toutes sortes d’animaux: en cochons, comme les compagnons d’Ulysse; en âne, comme le Lucius d’Apulée.

Les fées persanes et indiennes réunissent également ces caractères et lorsque les rapports entre les Sarrasins et l’Europe chevaleresque font pénétrer chez nous la littérature de l’Inde, nos fées ont sous le rapport de la puissance peu de chose à envier à leurs gracieuses sœurs de l’Orient; cependant celles-ci se dépouillent à leur profit de tous les charmes et de tous les attributs dont nous les trouvons ornées dans les Mille et une Nuits.

En Angleterre, les fées des croyances populaires prennent les attributions des Elfes de l’air, de la terre et des eaux. C’est le type de ces lutins, illustré par les plus grands poëtes de l’Angleterre, qui fournit le fond des traditions populaires de ce pays. Il a été introduit par les Saxons, les Pictes et les Danois, conquérants de races germanique et Scandinave, la mythologie germanique procédant d’ailleurs de la mythologie Scandinave, il nous suffira de parler de celle-ci.

Scaldes scandinaves Les Eddas et les Sagas.

Les hauts faits des héros de l’ancienne Scandinavie, leurs traditions historiques et religieuses étaient conservés par les Scaldes scandinaves qui les récitaient, en s’accompagnant de la harpe, devant les foules assemblées pour les entendre . Dans toutes les nations de l’antiquité, c’était ainsi que se conservait et se transmettait la poésie; dans l’Inde, les brahmanes déclamaient devant les fidèles les hymnes des Védas et leurs grands poëmes; en Grèce, c’étaient les rhapsodes; nous leur devons l’Odyssée et l’Iliade; en France, ce furent les troubadours et les trouvères; et dans les pays celtiques, les bardes étaient l’ornement obligé de toutes les fêtes populaires.

Quelques-unes des poésies des Scaldes, datant des temps les plus reculés, ont été recueillies dans les Eddas (chants de l’aïeule) et dans les Sagas ou poëmes écrits en diverses langues: islandais, vieux danois, dialectes norrains, haut et bas allemand et latin. Les Sagas les plus célèbres sont: 1° la Vœlsunga Saga, appelée aussi Saga de Sigurd; c’est le poëme légendaire des Vœlsungs et des Niflungs. Elle sert d’introduction à la Saga de Regnard Lodbrog; 2° la Saga de Thidrik de Berne, qui est un mélange de traditions allemandes et scandinaves; 3° le poëme anglo-saxon de Beowulf au VIIIe siècle. Les deux premières Sagas contiennent une partie des épisodes des deux célèbres poëmes allemands ou néerlandais des Niflungs, ou Niebelungen, intitulés: «le Chant ou la Détresse des Niebelungen» et «la Complainte». Ce dernier poëme est le plus ancien des deux; il date du milieu du XIIIe siècle. Quant aux Eddas, elles sont au nombre de deux: la première est en vers, la seconde en prose. Celle en vers, qu’on appelle Edda de Sœmund le Savant, est du XIe siècle; celle en prose est postérieure de deux siècles à celle de Sœmund; elle est due à Snorroe Sturleson. Le manuscrit principal de l’ancienne Edda est conservé à Copenhague et s’appelle Codex regius, ou Edda royale. Malheureusement il y a une grande lacune que permet toutefois de combler dans une faible mesure la Vœlsunga Saga. Les Sagas relatives aux divinités secondaires nous apprennent, et la croyance s’en retrouve dans tous les pays scandinaves, que, semblables aux Titans de la Fable et aux démons du christianisme, les divinités ont été chassées du Walhalla et condamnées à habiter la terre. Après le christianisme, la fable se modifia de diverses façons, et nous verrons dans maintes légendes anglaises ces esprits prétendre qu’ils avaient été jadis des anges entraînés par Satan dans sa révolte. Ils ne cessent pas d’ailleurs de croire à leur rédemption et poussent des cris lamentables et des gémissements si quelque enfant espiègle les menace de la damnation éternelle.

Elfes, Nains.

Les divinités secondaires de la mythologie scandinave se divisent en Elfes et en Nains (Duergars, Dualin ou Trolls); ces derniers sont des esprits souterrains, ils ont la garde des métaux et des pierres précieuses; ce sont, comme les Cyclopes, des forgerons incomparables, c’est par eux que furent forgés le fameux marteau Miöllner (la Meule) de Thor et son épée Tirfing, la ceinture qui doublait sa force divine et ses formidables gantelets de fer. Les traditions de l’Angleterre n’ont pas conservé les Trolls qui ont subsisté en Allemagne. Toutefois, parmi les Elfes anglais, tous ne sont pas des esprits des prés et des bois, quelques-uns personnifient l’intérieur des collines; les Elfes reprennent ainsi une partie des attributions des Duergars, mais sans le caractère grandiose de leurs ancêtres. Tous les traits que nous présenteront les contes de ce livre existent chez les Elfes scandinaves, tels que leur amour de la musique et de la danse, les cercles verts laissés sur le gazon. Le type des démons familiers s’y retrouve aussi, ainsi que leur goût pour la propreté du foyer domestique, qui symbolise cette qualité réelle de la plupart des peuples du Nord. Les Fir-Darrig d’Irlande, ou hommes rouges, qui se rendent invisibles avec leur chapeau, descendent des Trolls. Enfin les divers esprits des rivières, les Mermen et Mermaids, esprits des mers, sont aussi de provenance Scandinave. Nous ne nous arrêtons pas à dessein sur ce sujet qui sera naturellemeut développé dans la suite de ce livre.

Fées et génies de l’Inde et de la Perse.

De même que dans toutes les nations de l’Europe, les fictions indiennes et persanes ont pénétré en Angleterre à la suite des croisades et par l’intermédiaires des. Sarrasins et des Arabes. Elles n’ont d’ailleurs exercé que peu d’influence sur les croyances populaires de ce pays. Le caractère de la féerie indienne consiste, en effet, en ce que ses génies et ses fées sont anthropomorphisés et qu’ils ne diffèrent des mortels que parce qu’ils ont un pouvoir plus grand, tandis que les lutins anglais sont des êtres tout à fait distincts de l’espèce humaine, que peu de personnes sont admises à les voir et qu’ils se montrent et disparaissent avec la lumière de la lune, qu’ils personnifient. On peut dire d’eux: œgri somnia. Rien de pareil avec les actions héroïques et merveilleuses des fées de l’Inde.

C’est à cause de ces différences essentielles entre les Fées et les Fairies que, malgré l’inconvénient de se servir d’un terme inaccoutumé, j’ai employé le mot Fairies dans cet ouvrage. L’appellation de Fées eût dérouté le lecteur.

Résumé et conclusions.

Pour résumer en quelques lignes cette Introduction, trop longue pour le lecteur, mais trop courte pour le sujet, nous dirons que les contes et traditions populaires en Angleterre plongent par leurs racines dans un sol dont la couche la plus ancienne, — au moins pour nos connaissances, — est celle des traditions apportées par les Aryens: Celtes et Kymris. Celles-ci se reconnaissent à leur caractère mythologique; les animaux en sont ordinairement les principaux personnages et les événements merveilleux auxquels des héros se trouvent mêlés avec eux symbolisent en général les grands phénomènes de la nature. Les souvenirs de la mythologie celtique, développement du naturalisme âryen dans le sens d’un anthropomorphisme plus accusé, viennent aussi s’y mêler.

La seconde couche ethnique est formée des traditions d’origine Scandinave et saxonne, celles-ci d’ailleurs dérivées des premières et leur donnant une nouvelle vigueur. C’est d’elles que sont nés les Elfes, les lutins familiers et les traditions les plus vivaces de l’Angleterre. Ensuite viennent les traditions apportées par les Normands; les unes sont elles-mêmes d’origine scandinave et se confondent avec celles déjà répandues en Angleterre; les autres, d’origine française, ne pénètrent que dans la littérature et ne laissent que peu de traces dans le peuple. Les traditions qui ne peuvent être attribuées à l’action des races, mais qui sont la conséquence d’événements, tels que l’introduction du christianisme, la lutte des outlaws saxons contre les conquérants normands, etc..., se reconnaissent aisément sans qu’il soit besoin de s’y arrêter. Quant aux contes indiens et persans qui avaient pénétré en Europe et en Angleterre à la suite des Sarrasins, des Maures et des Arabes, ils n’ont eu réellement d’influence, — mais celle-ci a été très-grande — que sur la littérature; ils n’ont modifié en rien les traditions populaires. On peut donc attribuer au fonds commun âryen tout ce qui, dans les contes rustiques, annonce une origine orientale.

Contes populaires de la Grande-Bretagne

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