Читать книгу Contes populaires de la Grande-Bretagne - Loys Brueyre - Страница 12

THOMAS DU POUCE

Оглавление

Table des matières

Il y avait une fois un garçon qui s’appelait Thomas, et il n’était pas plus grand que le pouce d’un homme vigoureux. Thomas étant à se promener, il vint à tomber une pluie violente de grêlons, et Thomas se cacha sous une feuille de bardane. Par là passa un grand troupeau de bœufs parmi lesquels un grand taureau tacheté qui se mit à brouter la plante, et il avala Thomas du Pouce. Son père et sa mère ne voyant pas revenir leur fils partirent à sa recherche. En passant près du taureau tacheté, ils entendirent Thomas qui criait:

«Vous me cherchez dans les endroits unis et parmi la mousse, et je suis là, abandonné, dans le ventre du taureau tacheté.»

Alors ils tuèrent le taureau tacheté et cherchèrent Thomas na’hordaig, dans les entrailles et les boyaux du taureau; mais ils jetèrent le gros intestin, dans lequel il était . Par là passa une vieille femme qui s’en s’empara et, en suivant son chemin elle arriva près d’un marais. Thomas lui adressa la parole, et la vieille effrayée jeta loin d’elle le gros intestin. Un renard suivant la route se saisit du boyau, et Thomas cria: «Tayaut , renard! tayaut, renard!»

Alors les chiens coururent après le renard, le saisirent et le mangèrent, et tout en le mangeant ils ne touchèrent pas à Thomas du Pouce.

Thomas rentra à la maison, trouva son père et sa mère, et vous pensez la drôle d’histoire qu’il leur conta.

Ainsi que nous le montrent ces deux versions, Tom Pouce n’a de commun avec notre Petit Poucet que le nom et la vivacité d’esprit. Les aventures de l’un et de l’autre ne se ressemblent en rien, si ce n’est qu’elles démontrent que par l’intelligence un être, ne fût-il pas plus gros que le pouce, peut égaler les plus grands et les plus forts. Cette idée, vieille comme l’humanité, qui se résume dans notre dicton: «Il ne faut pas juger les gens par l’apparence,» fait le fond d’un très-grand nombre de contes, depuis Cendrillon et Peau d’âne, toutes deux si longtemps méprisées, jusqu’aux nains qui terrassent les géants et aux héros vainqueurs des monstres.

La première version connue de Tom Thumb est due à Richard Johnson et date de 1621; elle était en prose; en 1630, paraît la première version en vers; c’est la seule qui nous soit parvenue; elle a été réimprimée depuis sous le titre de: Tom Thumb, sa vie, sa mort; on y verra maints actes merveilleux de bravoure et des tours étranges et étonnants; comment le petit chevalier vivait au temps du roi Arthur et était fameux à la cour de la Grande-Bretagne. C’est cette version que nous donnons plus haut. Après avoir commencé par être le hain du roi Arthur, Tom Thumb devient, suivant une édition de 1729, en trois volumes, le nain du roi Edgar. Nous avons vu dans notre préface Tom Pouce jouer dans les Nymphidia de Drayton, le rôle d’un page chez les Fairies. Dans un livre célèbre sur Robin Good Fellow, Obéron enmène danser chez les Fairies ce célèbre lutin. «Le ménétrier des Fairies était Tom Pouce; il avait une excellente cornemuse faite d’une plume de roitelet et de la peau d’un pou. Les sons en étaient à la fois si perçants et si doux qu’elle ne saurait pas plus être comparée à une cornemuse écossaise qu’une trompette juive à une harpe d’Erin.»

Robin Good Fellow entonna alors le chant suivant: «Esprits vifs et légers, développez vos rondes en dehors et en dedans; tournez, tournez, trottez, sautez ou allez l’amble. Joignez gracieusement les mains. Bravo, musicien! La gaieté tient l’homme en santé mieux que le médecin. Elfes, oursins, goblins, fairies de petite taille, etc., dans vos danses rapides, tracez un cercle sur l’herbe. Tom Pouce jouera, et moi je chanterai pour vous faire plaisir... Tom, souffle dans ta cornemuse jusqu’à ce qu’ils n’en. puissent plus!»

Tom Thumb par sa taille est de la race des Elfes, et il est tout naturel que les poëtes et les écrivains anglais, n’écoutant que leur imagination, aient rangé Tom Thumb parmi ces gracieux lutins et lui aient prêté quelques-uns des traits malicieux de leur Robin Good Fellow.

Tom Thumb porte d’autres noms; il est appelé Tom a Lyn, Tom Lane, Tumbkin, et par ce nom il rejoint son type scandinave et son type allemand. Dans le cycle d’histoires qui le concernent, un certain nombre n’ont vu en lui que le nain haut d’un pouce. Un ouvrage danois raconte les aventures de Swain Tombling, un homme qui, pas plus grand que le pouce, épousa une femme haute de trois aunes trois quarts. Une vieille chanson rimée donnée par Halliwell s’inspire de la même idée: «J’avais un mari pas plus gros que mon pouce, je l’ai mis dans une pinte et lui ai fait jouer du tambour; je lui ai acheté un petit cheval qui galopait; je l’ai bridé, sellé et envoyé hors de la ville. J’ai acheté des jarretières pour attacher les bas de mon mari et un petit mouchoir pour essuyer son joli nez.» En France, nous avons la même chanson du Petit Mari, chantée par toutes les petites filles. Le Tom Thumb, Tom a Lyn anglais, est nommé dans les contes allemands Tommeling, Daümling, Daümerling. Mais le trait populaire réellement distinctif de notre héros dans tous les pays d’origine germanique ou slave, c’est qu’il est avalé par une vache. L’auteur anonyme de Quarterly Review fait connaître que les aventures de Tom Thumb présentent une grande analogie avec le rite d’adoption chez les brahmanes. La légende indienne rapporte en effet que les saints Balakhylias, au nombre de soixante mille, naquirent un jour d’un poil de Brahma; ils ont une taille haute d’un pouce et ne sont pas sans analogie avec notre héros. Si, d’autre part, on compare les métamorphoses de Tom Pouce avec celles du barde Taliesin, on trouve le lien qui unit les superstitions druidique et brahminique.

Southey, dans sa préface à l’Histoire d’Artur (p. 3), fait dériver son nom de Arcturus, étoile de la Grande Ourse ou du Chariot; il ajoute que cette constellation qui, par sa position voisine du pôle, décrit pendant la nuit assez rapidement un cercle, a peut-être été l’origine de la Table Ronde. Cette idée qui, au premier abord, amène un sourire, est plus sérieuse qu’elle ne le paraît, et les écrivains qui ont introduit Tom Pouce à la cour terrestre d’Arthur avaient une vague réminiscence d’une tradition mythique relative à la constellation du Chariot, que les Celtes appelaient le Chariot de guerre d’Arthur et quelquefois la Charrue d’Arthur. De même, dans le pays de Galles, la constellation de la Lyre se nommait la Harpe d’Arthur. Les Égyptiens nommaient la grande Ourse Char d’Osiris; une vieille tradition suédoise en faisait le Chariot du dieu Thor; plus tard il fut le Chariot de Charles; dans le pays wallon on le nomme le Char-Poucet. Un certain nombre de légendes grecques se rapportent à la Grande Ourse, ou Chariot, entre autres celles de la nymphe Callisto, que Junon, jalouse, métamorphosa en Ourse et transporta parmi les astres. Le fils de Callisto, Arcas, donne aussi son nom à une étoile de la constellation: Arctos, Arcturus.

Nous avons vu plus haut que Tom Thumb prenait les noms de Tom a Lyn, ou Thom of Lyn, Tam o’the Linn, Tam Lane, Tam Lene. A vrai dire, ces personnages, malgré leurs noms similaires, semblent des types distincts, et Drayton fait même figurer côte à côte dans ses Nymphidia Tom Thumb et Tom Lynn comme témoins d’un duel entre Obéron et le chevalier Pigwiggen, au sujet de la reine Mab. Cependant W. Scott les identifie (Quarterly Review, n° XLI). — Sous cette dernière forme il ne reste plus rien du type connu de Tom Thumb, que ses malices d’un goût douteux. Les chants et ballades très-nombreux qui roulent sur lui le représentent comme une sorte de Cadet Rousselle.

Contes populaires de la Grande-Bretagne

Подняться наверх