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NOEL 1914

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DISTRIBUTION DE VÊTEMENTS AUX ENFANTS DES MOBILISÉS PAR MADAME RAYMOND POINCARÉ à la mairie du VIIIe arrondissement.

MADAME

Au nom de la Municipalité, au nom de tous les représentants autorisés du VIIIe arrondissement, j’ai l’honneur de vous souhaiter la bienvenue dans la mairie de l’Elysée et de vous présenter nos très respectueux hommages.

J’y ajouterai quelque chose de plus, l’expression du sentiment qui nous va au cœur à tous, devant le geste maternel que vous accomplissez dans tous les quartiers de Paris.

Les plus solennelles et les plus brillantes réunions du Palais présidentiel, où vous recevez les empereurs, les rois, les ambassadeurs des grandes puissances du monde ne valent pas, ni à nos yeux ni aux vôtres, ces modestes réunions où vous recevez, dans les circonstances actuelles, les chers enfants de nos écoles primaires, avec ce sourire de la bonté qui donne tant de prix à la bienfaisance.

Mes chers petits,

L’année dernière, madame Raymond Poincaré avait organisé au Trocadéro une très belle fête dont vous avez certainement gardé le souvenir. Nous étions alors tout à la joie, car nous vivions en état de paix.

Aujourd’hui, la guerre, une guerre terrible, a arraché à vos foyers vos pères et vos frères et vos autres parents. Vous êtes aussi les victimes de cette guerre, les victimes les plus intéressantes, car la gêne, qui atteint en ce moment les familles les plus aisées, frappe plus rudement encore ceux qui vivent uniquement de leur travail.

Mais vous êtes déjà de bonnes petites Françaises et de bons petits Français: vous savez bien que nous devons tous concourir au succès de nos armes.

Chacun donne ce qu’il a: vous, vous avez donné et votre papa et votre grand frère; vous les avez donnés à la France, vous les avez donnés pour qu’ils nous sauvent de la barbarie et du pillage et des massacres qui ont ensanglanté la Belgique et une partie de notre cher pays.

C’est grâce à leur bravoure, à leurs privations, à leurs souffrances, à leurs sacrifices que nous avons échappé et que nous échapperons à tant d’horreurs.

Soyez fiers, mes chers enfants, oui, soyez fiers pour toute la durée de votre vie d’avoir donné, pour sauver la France et le monde, ce que vous avez de plus précieux.

Vous avez donné aussi votre travail: même les petits des écoles maternelles n’y ont pas manqué. Oh! les innombrables et chers petits paquets où vous avez mis toute l’agilité de vos doigts et tout l’empressement de votre jeune et ardent patriotisme! Oh! les délicieuses lettres que vous y avez introduites, ces lettres où l’on sent déborder toute la tendresse et toute la délicatesse de vos sentiments! Ce soldat, inconnu de vous, pleurera d’émotion en lisant les touchantes lignes que vous lui adressez et de loin il enverra un baiser à la mignonne enfant qui aura travaillé pour lui, un baiser de remerciement et de reconnaissance qui sera pour vous un gage de bonheur. Et il combattra avec plus de courage encore pour éloigner de sa petite bienfaitrice le danger qui la menace.

Écoutez, comme exemple, cette lettre d’une enfant de 6 ans, la petite Gilberte:

«Je t’embrasse bien fort, cher petit soldat. Elle est bien contente de t’envoyer son travail et avec ses petits sous de t’acheter un paquet de tabac».

Et cette autre:

«Brave petit soldat, je suis bien contente de vous envoyer le produit de mon travail. Puissiez-vous avec cela souffrir un peu moins du froid! Revenez-nous bientôt. Tous nous vous attendons avec confiance».

Il faudrait en citer des milliers. Je ne puis cependant passer sous silence cette jeune élève qui embrasse son correspondant en attendant que la victoire lui donne aussi son baiser sur le front: celle enfin qui remercie son cher soldat grâce à qui, dit-elle, elle pourra continuer à apprendre la langue française. Tout cela est très touchant et nous prouve que nous avons une belle, une admirable génération qui nous fera une France encore plus digne d’être aimée que par le passé.

Mais je reviens aux motifs qui ont provoqué cette réunion.

Certes, l’enfance garde toujours son caractère et a pour les jouets une prédilection marquée, mais aujourd’hui Madame Raymond Poincaré a pensé que l’utile doit passer avant l’agréable; au lieu des jouets habituels, elle vous offre pour l’hiver des vêtements bien chauds. Elle veut vous les remettre de ses propres mains: à ce détail, on la reconnaîtrait sans la nommer.

Madame, veuillez agréer tous nos remerciements au nom des familles et en notre nom à tous pour le Noël que vous nous offrez cette année.

Veuillez aussi transmettre à M. le Président de la République, qui est associé à votre bonne œuvre, l’hommage de notre entier dévouement et de notre profond respect.

Un arrondissement de Paris pendant la guerre

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