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CHAPITRE V.

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Table des matières

DES ATTERRISSEMENTS, ILES ET ILOTS.

55. — Par l’art. 560 du Code civil, les îles, îlots et atterrissements qui se forment dans le lit des fleuves ou des rivières navigables ou flottables appartiennent à l’Etat, s’il n’y a titre ou prescription contraire.

Cette règle est fondée sur le principe établi dans les articles538 et 539 du Code civil. Les atterrissements, îles et îlots doivent être considérés comme biens vacants et sans maître. Ils se forment insensiblement dans le lit des fleuves et rivières. L’Etat, chargé de l’intérêt de tous, doit en devenir seul propriétaire.

56. — Cette propriété n’est pas de la même nature que le lit des fleuves et rivières qui, consacré à contenir le volume d’eau servant à l’usage de tous, est inaliénable et imprescriptible comme son contenu, l’un et l’autre n’étant pas susceptibles de propriété privée.

57. — Il en est autrement des atterrissements, îles et îlots; ils tombent dans la classe des propriétés ordinaires, et sont régis par les lois du droit privé. De là, ils sont susceptibles d’une efficace possession, et conséquemment prescriptibles et aliénables.

58. — Sous un autre rapport, il ne faut pas non plus les confondre avec les portions de rivage qui, détachées par l’action des eaux, sont séparées, par des canaux nouvellement formés, des fonds avec lesquels elles ne faisaient avant qu’un seul et même corps. Elles ont conservé leur primitive assiette et ne peuvent changer de maître. C’est la disposition expresse de l’art. 562 du Code civil.

La différence vient de ce que les atterrissements, îles et îlots, attribués à l’Etat, ont usurpé insensiblement place dans l’intérieur du fleuve ou de la rivière, et qu’il y a impossibilité naturelle de reconnaître quel est le fonds riverain qui a fourni à leur première couche, à leur accroissement et à leur consolidation.

59. — Il est sans doute certain que ces atterrissements, îles et îlots, se sont formés des substances des fonds riverains, détachées, ou violemment, ou insensiblement par l’action des eaux. Il est aussi certain que ces mêmes substances ont été par le même moyen dénaturées complètement, réduites en poudre, se mêlant et ne faisant qu’un seul corps avec le fluide qui les entraînait.

Voilà ce qui est du ressort de l’intelligence humaine, qui ne peut avoir la puissante faculté de découvrir le lieu où ces substances vont se reproduire. — Resterait encore la preuve de l’identité qui, dans ce cas, est contre nature: seule considération plus que suffisante pour justifier le droit de propriété en faveur de l’Etat, ces biens devant être sans nulle difficulté confondus dans la classe des biens vacants et sans maître.

60. — Que doit-il en être des atterrissements, formés sur la totalité ou sur une partie de l’emplacement de la propriété d’un simple particulier, détruite dans sa surface jusqu’à une profondeur plus ou moins forte par les courants, l’emplacement étant ainsi resté sous les eaux pendant plusieurs années?

D’après l’art. 552 du Code civil, la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous. Telle est la règle générale, et il n’est pas raisonnablement possible d’en imaginer d’autre.

Il semble que les exceptions ne peuvent résulter que de conventions légalement formées, si ce n’est des concessions forcées par l’intérêt général pour l’exploitation des mines; mais, dans ce cas, il est payé au propriétaire, réduit à la surface, une indemnité relative.

61. — Cependant, voici une espèce dans laquelle l’opinion contraire a prévalu.

Un arrêt du conseil, du 16 juillet 1705, confirmé par plusieurs arrêts postérieurs, a fait concession au sieur Bernard de la Termelière, représenté depuis par le sieur Philippe et consorts, de plusieurs îles dans la Loire et parmi lesquelles se trouvait l’île Praud d’une contenance de 33 hectares environ.

En 1793, la débâcle du fleuve emporta toute la partie orientale de cette île, dont il ne resta alors aucun vestige; mais, au bout de près de 20 ans, une vasière, qui s’était formée sous les eaux dans l’emplacement de la partie enlevée, commença à apparaître, s’accrut avec le temps, et finit, en se solifiant, par se réunir à la partie de l’île Praud qui avait subsisté.

Les sieurs Philippe et consorts, se considérant comme propriétaires de ce terrain de formation nouvelle, y coupèrent les roseaux qui y étaient accrus; mais alors l’Etat, se prévalant des termes de l’art. 560 du Code civil, suivant lequel les îles, îlots et atterrissements, qui se forment dans le lit des fleuves ou des rivières navigables ou flottables, appartiennent à l’Etat, s’il n’y a titre ou prescription contraires, revendique la propriété de ce terrain: il reconnaissait bien que les sieurs Philippe et consorts étaient propriétaires de l’île Praud; mais il soutenait que la débâcle de 1793, en emportant une partie de l’île, avait, quant à cette partie, mis fin à leur propriété, et que les atterrissements qui s’étaient formés depuis cette époque ne devaient pas être considérés comme partie intégrante de l’île, et se trouvaient en conséquence régis par les dispositions de l’art. 560.

62. — 19 juin 1838, jugement du tribunal de Savenay, qui déclare l’Etat mal fondé dans ses prétentions attendu que l’atterrissement litigieux s’est formé sur l’emplacement même occupé par la partie de l’île emportée en 1793.

63. — Appel de la part de l’Etat, et, par arrêt du 25 janvier 1841, la cour royale de Rennes, après enquête et expertise, a infirmé ce jugement.

La cour a posé en principe qu’une île ne fait pas partie du fleuve qui la porte, non plus que le chargement d’un navire ne fait partie du navire; que, lorsque l’Etat vend une île, il ne vend pas la partie du fleuve sur laquelle elle repose, il ne vend qu’une île sous la seule garantie du fleuve qui l’a formée et qui peut la détruire; que, si elle vient à être détruite, tout ce qui a été vendu a été détruit; qu’il ne reste plus d’île; qu’il ne reste que le lit du fleuve, et qu’aussitôt que la portion de ce lit, qui avait été envahie par l’île, est reconquise par l’action des eaux, elle redevient propriété de l’Etat, auquel seul peut appartenir le lit des fleuves et des rivières navigables ou flottables; que les îles sont donc des biens d’une nature particulière, des biens qui n’ont ni passé ni avenir, qui n’ont que l’actualité, attendu les chances continuelles de destruction et de reproduction, d’accroissement et de retranchement; que ces chances ont été plus favorables que défavorables aux intimés; qu’en effet l’île Praud s’est tellement accrue que, malgré le retranchement qu’elle a subi, sa contenance est encore triple ou quadruple de celle qui a été vendue.

Les sieurs Philippe et consorts se sont pourvus en cassation, et la cour, par son arrêt du 25 avril 1842, a rejeté le pourvoi .

64. — Mais il est indispensable, pour donner à la question le développement convenable, de rapporter littéralement les considérants les plus saillants de l’arrêt.

«Attendu que la cour royale a conclu de ces faits que la

» vasière dont il s’agit est de création nouvelle et ne fait point

» partie de l’île détruite; que c’est une propriété distincte et

» délimitée par la ligne de jonction reconnue par les experts et

» indiquée sur leur plan; — attendu d’ailleurs qu’il a été reconnu

» aussi et constaté que, malgré le retranchement subi

» par la violence du courant et la débâcle des glaces, l’île Praud

» s’est tellement accrue par les alluvions qu’elle a une étendue

» superficielle triple ou quadruple de celle qui a été vendue.»

65. — La cour de cassation n’est pas appelée à apprécier les faits, elle doit les prendre tels qu’ils sont rapportés par les cours royales: d’où il suit que l’arrêt attaqué établissant en fait que la vasière était de création nouvelle et ne faisait point partie de l’île détruite, la cour de cassation avait seulement à examiner si, en droit, il avait été fait une juste application de l’art. 560 du Code civil.

On peut ajouter que les demandeurs en cassation avaient aussi contre eux le fait de l’énorme accroissement de l’île Praud, dont la surface actuelle a une étendue trois ou quatre fois plus forte que lors de la vente.

66. — Cependant, dans la rigueur du principe, il me semble qu’on ne peut adopter la doctrine de la cour royale.

D’abord, il est difficile de faire comprendre qu’une île doive être considérée comme chose flottante, et conséquemment sans assiette fixe. L’art. 552 du Code civil dit le contraire, et l’on ne trouve nulle part d’exception à cette règle générale, pas même par voie d’analogie.

67. — D’un autre côté, l’accroissement, quelqu’énorme qu’il soit, provient d’alluvions qui peuvent disparaître d’un moment à autre. C’est la chance de tout fonds aboutissant à un cours d’eau, ou formant une île, d’accroître ou de décroître. Voilà pourquoi on tombe dans le pur arbitraire, si l’on fait dépendre l’application du principe d’un point de fait qui, sans passé ni avenir, n’a que l’actualité.

La question de droit, ainsi dépouillée de circonstances propres seulement à obscurcir la matière, tâchons d’arriver, par les vrais principes, à une solution satisfaisante.

68. — L’art. 560 du Code civil contient une disposition dont la rigoureuse application ne peut contrarier personne. Les atterrissements, îles et îlots de formation nouvelle sont considérés biens vacants, l’Etat en est seul propriétaire.

69. — Ce droit ne s’évince nullement de ce que ces nouveaux corps immobiliers se consolident sur une partie du lit des fleuves et des rivières. On tomberait dans la règle des accessoires, et l’on ne serait pas exact. Le droit d’accession frappe ailleurs; il ne peut surtout être invoqué que lorsque l’objet principal est de la même nature, c’est-à-dire lorsque les deux corps sont homogènes.

70. — Les atterrissements, îles et îlots ne constituent pas des usurpations au préjudice du lit des cours d’eau. — L’emplacement où ils se forment est le plus souvent compensé avec usure par celui pris aux dépens des riverains sur l’une ou l’autre rive, tout cours d’eau dépendant du domaine public étant irréductible; il est seulement sujet à déplacement par l’action rigoureuse des eaux, par où l’Etat, ne pouvant éprouver aucune perte à ce sujet, acquiert gratuitement les atterrissements, îles et îlots nouvellement formés.

71. — Ces propriétés privées, quoique dans les mains de l’Etat, sont transmissibles par les moyens du droit commun. Le tiers, qui en devient propriétaire par titre légitime, peut-il craindre d’en être jamais dépouillé par celui-là même qui le lui a fourni?

Il y a ici la circonstance sans laquelle il n’y aurait pas de question, que l’île comprise dans la transmission, détruite dans sa surface jusqu’à une forte profondeur par l’action des eaux, a été ainsi submergée pendant environ vingt ans, et que, par des amas de sable, limons et vase réunis et consolidés sur le même emplacement, elle a fini par s’élever au-dessus des eaux et redevenir propriété utile.

72. — L’ayant-cause de l’Etat invoque en sa faveur l’art. 552 du Code civil, pour prétendre qu’il n’a jamais cessé d’être propriétaire de l’île; que la destruction de sa surface et la submersion n’ont pu le priver que des fruits qu’elle aurait produits si elle était restée dans son primitif état; mais que le tréfonds ne lui restait pas moins avec l’espérance du rétablissement entier de l’île; que, s’il n’a pas possédé, c’était par empêchement de force majeure; que personne n’a donc pu posséder à son lieu et place, par où son droit est resté tout entier, tel qu’il était un instant avant la destruction de l’île et la submersion.

Il est difficile de trouver des arguments convenables à opposer à des prétentions fondées sur une disposition législative, claire et précise, imaginée uniquement pour déterminer le droit absolu et exclusif du maître du sol, à l’égard du dessus et du dessous de ce même sol.

73. — Néanmoins, l’Etat invoque en sa faveur l’art. 560 du Code civil et revendique la propriété de l’île.

Il est bien vrai que, règle générale, les atterrissements, îles et îlots, qui se forment dans l’intérieur des fleuves et des rivières navigables ou flottables, appartiennent à l’Etat; mais ne faudrait-il pas convenir que, pour empêcher dans l’espèce l’application de l’art. 552, il faudrait ne trouver aucun autre cas propre à l’art. 560?

Ce ne serait qu’alors qu’il pourrait y avoir dérogation à la règle générale posée par l’art. 552. Elle ne serait pas expresse; mais on ne serait pas moins forcé de l’admettre, pour ne pas considérer l’art. 560 comme disposition législative vaine et sans objet.

74. — Comme je l’ai déjà prouvé, les atterrissements, îles et îlots sont, en règle générale, dans la classe des biens vacants et sans maître, et l’Etat en devient propriétaire en vertu de l’art. 560.

75. — J’avoue qu’en assimilant, aux biens vacants et sans maître, les atterrissements, îles et îlots, l’art. 560 pourrait être considéré comme la répétition de l’art. 539, d’où l’on pourrait induire qu’en restreignant l’application de l’art. 560 à un cas déjà réglé par l’art. 539, mon système n’est pas exact.

76. — Cet argument serait captieux: lorsque je confonds, dans les biens vacants et sans maître, les atterrissements, îles et îlots, je n’entends pas faire une assimilation pure, entière; cela n’est vrai que par rapport à l’impossibilité dans laquelle se trouverait le tiers qui, sur le seul motif de la destruction de son rivage, prétendrait droit, à la propriété d’une île de formation nouvelle, de justifier sa prétention.

77. — Les biens vacants et sans maître ne sont pas rigoureusement de la même nature que les atterrissements, îles et îlots, qui ne se forment qu’aux dépens des fonds riverains plus ou moins éloignés. Ainsi, sans la disposition précise de l’art. 560, il ne serait pas extraordinaire de voir un riverain prétendre que l’île nouvellement formée, l’ayant été aux dépens de son propre fonds, devient sa propriété.

Il appuierait ses prétentions sur des titres portant fixation de la contenance précise de son rivage, sur la circonstance que ce rivage a été détruit pour une partie, la veille ou quelques jours avant l’apparition de l’île, qu’il est seul réclamant. Il offrirait d’autres preuves plus ou moins précises; il ajouterait que l’Etat n’a qu’à s’occuper de la navigabilité des cours d’eau; que sa tâche est remplie, s’il empêche les entraves que l’avidité des riverains pourrait y apporter, et s’il emploie les moyens convenables pour faire disparaître celles survenues naturellement; qu’il doit rester étranger à tout gain comme à toute perte, les cours d’eau se rendant justice à eux-mêmes par l’irrésistible impulsion de leur force, en prenant d’un côté ce qu’ils peuvent perdre de l’autre; que le droit d’accession n’a pas été imaginé pour l’Etat, si ce n’est dans son individualité, c’est-à dire lorsqu’il est possesseur par titre légitime d’une propriété privée.

78. — A cela on doit ajouter qu’il fallait régler le sort des îles, îlots et atterrissements qui se forment dans les rivières non navigables et non flottables, et qu’en attribuant ces nouvelles propriétés aux riverains, le législateur n’aurait pas été prudent s’il n’avait réglé en même temps, et par une disposition expresse, le sort des atterrissements, îles et îlots qui se forment dans le lit des fleuves et des rivières navigables ou flottables.

79. — C’est ce qu’il a fait par les art. 560 et 561 du Code civil, et si l’on pouvait encore argumenter de cette prétendue répétition, il ne faudrait pas moins préconiser les vues du législateur, puisque par là il aurait empêché de voir se soulever des prétentions qui, quoique d’une vérité seulement apparente, ne laisseraient pas moins que de diviser les opinions, et d’être une source féconde de matière à procès.

80. — En me résumant: Sans porter aucune atteinte à l’art. 552, l’art. 560 trouve son application à l’égard des atterrissements, îles et îlots de formation nouvelle sur un tréfonds qui avait toujours fait partie du lit du cours d’eau.

81. — Le même art. 560 ne peut être considéré comme la répétition de l’art 539. Ses dispositions étaient nécessaires pour arrêter les prétentions du tiers dont le rivage a été emporté par les eaux, ou en totalité ou en partie.

82. — Enfin, ce même art. 560 impose silence au riverain, en lui refusant le droit accordé par l’art. 561 au riverain des cours d’eau non navigables et non flottables .

Il y a donc parfaite harmonie dans l’ensemble de ces dispositions légistatives; d’où il suit que l’art. 552 conserve toute sa force.

83. — En effet, l’ayant-cause de l’Etat, maître de l’île par transmission légitime, compte sur l’immobilité de cette propriété dans les limites fixées dans son titre. Il n’ignore pas que les couches de la terre végétale peuvent être facilement enlevées; comme aussi que l’étendue de l’île peut accroître ou décroître. C’est le sort des îles et des propriétés riveraines des fleuves et des rivières; mais il n’en est pas ainsi à l’égard du tréfonds, son immobilité est certaine.

84. — L’événement heureux ou malheureux de force majeure ne donne pas lieu à indemnité contre le propriétaire du fonds accru, ni en sa faveur dans le cas contraire; l’indemnité de part et d’autre se compense avec la probabilité ou possibilité des alluvions; et ce ne peut être qu’à l’égard de l’accroissement et du décroissement des îles et des propriétés riveraines, et nullement à l’égard du tréfonds, que l’on peut dire par fiction que ce sont des propriétés flottantes.

85. — Le tréfonds ne peut faire partie du lit du cours d’eau que par force majeure, c’est-à-dire, que pendant tout le temps qu’il est couvert par les eaux; de sorte que, dès l’instant qu’une nouvelle surface, formée par des matières qui se sont consolidées sur le même emplacement de l’île, apparaît au-dessus des eaux, l’île reprend sa primitive condition, l’Etat n’ayant aucun motif légitime de s’en prétendre propriétaire.

86. — Toute prétention doit avoir un fond d’équité, sans quoi la raison désapprouve.

L’occupation par les cours d’eau navigables ou flottables ne fournit aucun nouveau titre à l’Etat: il n’y a à son égard aucune chance, il n’y en a que vis-à-vis des riverains. Les uns gagnent, les autres perdent, et leur position respective actuelle peut être renversée par une nouvelle révolution dans les cours d’eau: c’est ainsi jusqu’à l’infini.

87. — Si le cas de force majeure ne donne lieu à aucune indemnité en faveur de la partie lesée, comment l’Etat pourrait-il s’en prévaloir pour renforcer son domaine privé ?

L’art. 563 du Code civil vient à l’appui de mon raisonnement. Il dispose: «Si un fleuve ou une rivière navigable, flottable

» ou non, se forme un nouveau cours en abandonnant son

» ancien lit, les propriétaires des fonds nouvellement occupés

» prennent à titre d’indemnité l’ancien lit abandonné, chacun

» dans la proportion du terrain qui lui a été enlevé.»

Dans ce cas, la loi rétablit l’équilibre dans les intérêts des parties lésées; pourquoi en serait-il autrement dans l’autre espèce, étant démontré que l’art. 560 ne peut affecter que les îles, îlots et atterrissements qui se confondent avec les biens vacants et sans maître .

88. — Lorsque l’île, après avoir été submergée pendant longtemps, apparaît avec une surface d’une plus forte étendue que celle qui fut transmise primitivement, à qui doit appartenir l’excédant?

La rigueur des principes prouve en faveur du propriétaire de l’île. L’accessoire suit le sort du principal; et il est incontestable que l’excédant de contenance ne peut former qu’un accessoire comparativement à l’île.

La circonstance que l’accroissement s’est formé d’une manière occulte, ne peut en changer la nature: c’est proprement une alluvion et pas autre chose.

89. — Cette décision ne peut être conforme aux principes que tout autant qu’il serait reconnu que toute autre personne, y compris l’Etat dans son individualité, n’avait aucune île sur l’emplacement de l’excédant de contenance; car, dans le cas contraire, faudrait-il d’après les mêmes principes borner chaque propriété sur les anciennes limites, et attribuer à chacun celle qui lui était propre avant la submersion.

90. — Dans ce cas, les contenances primitives ne devraient pas être prises en considération pour fixer les limites. Les îles accroissent ou décroissent, et ce moyen pourrait conduire à l’erreur.

Il serait peut-être difficile de reconnaître ces limites, surtout en l’absence de plan figuratif. Dans ce cas, il serait prudent aux intéressés de pactiser à l’amiable et en bons pères de famille, plutôt que d’avoir recours à des enquêtes et contre-enquêtes qui, le plus souvent et surtout dans une pareille matière, laissent les juges ainsi que les parties dans la même ignorance que ci-devant.

91. — Je ne pense pas que l’Etat, ni dans son individualité, ni en sa qualité d’administrateur de la chose commune, puisse prétendre droit à l’excédant de contenance dont s’agit que je considère comme composant des alluvions, ce qui écarte l’application de l’art. 560 du Code civil.

92. — Je l’ai déjà dit, l’Etat n’est appelé à devenir propriétaire gratuit que des biens vacants et sans maître et des atterrissements, îles et îlots de formation nouvelle sur un tréfonds qui n’avait jamais été dans la catégorie des propriétés privées.

Traité des cours d'eau navigables ou flottables

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