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CHAPITRE II.
ОглавлениеDE L’ÉTABLISSEMENT ET DE LA LARGEUR DU CHEMIN DE HALAGE ET DU MARCHEPIED.
24. — Le chemin de halage, comme je l’ai déjà dit, doit être établi en vertu de l’art. 7, tit. 28, de l’ordonnance du mois d’août 1669.
Sa largeur est fixée à 7 m. 80 c., et les riverains ne peuvent planter arbres, ni tenir clôture ou haie, plus près que 9 m. 74 c. du côté que les bateaux se tirent, et 3 m. 25 c. de l’autre bord.
L’ordonnance ne dit pas autre chose; d’où l’on pourrait conclure que les 7 m. 80 c. devraient être réservés sur chaque rive, et que les 9 m. 74 c. du côté que les bateaux se tirent, et les 3 m. 25 c. de l’autre bord, réservés comme libres de toutes plantations, clôtures ou haies, devraient se mesurer en rentrant dans les terres, à partir de la ligne où se terminent les 7 m. 80 c.
La construction grammaticale de l’art. 7 de l’ordonnance semble le vouloir ainsi; néanmoins, comme dit M. Daviel : «En fait, le chemin de halage n’est jamais établi concurremment sur les deux rives. Son entretien étant une charge assez coûteuse, le gouvernement, qui en est grevé, ne le doublerait pas sans nécessité, et nous croyons que cette nécessité ne sera jamais constatée.»
Ce raisonnement est plein de justesse, et l’on doit s’y conformer, sans tenir compte de l’opinion contraire émise par M. Garnier, Traité des Chemins, n°12.
L’ordonnance n’a en vue qu’un seul chemin sur chaque rive: celui du halage d’un côté et le marchepied de l’autre.
25. — Ce n’est pas qu’il soit interdit à l’administration publique d’opérer des changements. Elle a ce droit incontestablement lorsque, par un nouveau régime du cours d’eau, la nécessité l’indique.
Ainsi, le chemin de halage sera abandonné sur une rive, pour en être établi un nouveau sur l’autre rive, sans que le propriétaire, nouvellement grevé de cette surcharge, ait droit à une indemnité, quelque longue qu’ait été la durée de la possession du chemin de halage sur l’autre rive.
Cela tient aux principes de la matière. Les propriétés riveraines sont affectées, non-seulement du chemin de halage, mais encore du marchepied; non pas cumulativement sur chacune des deux rives, mais bien alternativement ou suivant les exigences de la nécessité, et non pas suivant le caprice de l’administration publique, si tant est qu’elle pût jamais en être accusée à bon droit.
26. — Il en est de ce cas comme de celui où il arrive que le chemin de halage étant emporté par l’action incisive des eaux, il en est pratiqué un nouveau sans indemnité sur la terre restante, aux mêmes conditions de l’ordonnance.
Cet assujettissement des propriétés riveraines se compense avec la possibilité des alluvions. C’est d’ailleurs au possesseur qu’incombe l’obligation de se défendre contre l’action des eaux. Le domaine n’a aucun intérêt de s’en mêler; il n’en a même pas le droit.
27. — Je traiterai en son lieu la question de l’indemnité relative aux constructions établies sur l’alignement donné par l’autorité compétente, et à raison des plantations, clôtures ou haies à la distance prescrite par l’ordonnance, le tout devant être détruit pour la nouvelle assiette du chemin de halage.
28. — L’ordonnance ne dit rien quant à la largeur du marchepied; elle dit seulement que le riverain ne pourra planter arbres, ni tenir clôture ou haie plus près que dix pieds (3 m. 25 c. ) du côté où existe le marchepied.
Cette locution n’est pas satisfaisante, placée surtout à la suite de la prescription relative au lez de 9 m. 74 c. du côté où les bateaux se tirent, le chemin de halage n’étant que de 7 m. 80 c.
Il était nécessaire de préciser la largeur du marchepied, sauf à prohiber les plantations, clôtures ou haies à une distance plus forte. Ainsi la prohibition a lieu dans les 3 m. 25 c. réservés, d’où l’on pourrait naturellement conclure que le marchepied ne comprend pas cette même largeur.
La réduction des 3 m. 25 c. à 1 m. 30 c. par exemple, ne serait pas sans intérêt pour le riverain; si, dans les 1 m. 95 c. excédant les 1 m. 30 c. de la largeur du marchepied, il ne peut faire des plantations, des clôtures ou haies, il ne lui serait pas moins loisible d’y jardiner, ou de les laisser en prairie comme il le peut dans les 1 m. 95 c. excédant les 7 m. 80 c. du chemin de halage, et d’en retirer par l’un de ces deux moyens un revenu quelconque, sans porter la moindre atteinte à la liberté de ceux qui ont droit à son usage.
29. — Je voulais éviter d’entrer dans un certain détail, pour tenter d’arriver à une explication nette de l’art. 7, tit. 28 de l’ordonnance. Je me suis aperçu que ce détail était utile.
Le chemin de halage doit avoir 7 m. 80 c. en largeur, et le lez 9. 74. c.
Le lez du marchepied doit être de 3 m. 25 c.
Sa largeur n’est pas nommément fixée par l’ordonnance.
Si le chemin de halage doit se mesurer, comme on en est généralement d’accord, à partir de sa ligne intérieure, celle qui joint le lit du fleuve ou de la rivière, ou bien de l’arête de la berge aux endroits élevés, il doit en être de même à l’égard des 3 m. 25 c. relatifs au marchepied.
Or, les deux lez devant être mesurés à partir du même point. il est évident que le marchepied ne peut être d’une largeur de 7 m. 80 c.
30. — C’est ainsi que l’ordonnance a été interprétée par décret du 16 messidor an 13, rendu à l’occasion d’un arrêté du préfet de l’Yonne, portant «que l’ordonnance elle-même détermine
» la largeur de ce marchepied par la disposition qui exige 3 m.
» 25 c. de libre du côté que les bateaux ne se tirent pas, ce qui
» rend cette largeur commune aux deux bords, lorsqu’il n’y a
» tirage sur aucun des deux.»
31. — M. Daviel, qui rapporte ce décret, s’était fait cette question: «Sur les cours d’eau qui, sans être navigables aux bateaux, sont flottables en train, le marchepied doit-il être de 7 m. 80 c.?» Il répond: «A appliquer strictement l’art. 7, tit. 28 de l’ordonnance de 1669, il semble qu’il en doit être ainsi. Cependant, dans l’usage, la conduite des trains, ne se faisant pas par trait de chevaux, il suffit d’un simple marchepied pour le service des haleurs .»
32. — L’incertitude de M. Daviel ne me paraît pas fondée.
L’ordonnance a distingué avec soin le chemin de halage du marchepied. Pour l’un, le lez est de 9 m. 74 c.; pour l’autre, il n’est que de 3 m. 25 c.
Il a fallu une largeur de 7 m. 80 c. pour le halage des bateaux, et il n’y a pas de motif à en refuser l’usage pour le tirage des trains; mais sur les rivières seulement flottables en train, il doit en être autrement. Il y a un motif d’intérêt évident en faveur du riverain; et dès-lors, il ne doit être tenu qu’au simple marchepied, qui est l’unique voie sur de pareils cours d’eau.
33. — Si l’ordonnance présente quelque difficulté au sujet de la largeur du marchepied, est-il toujours certain que cette largeur ne peut jamais excéder les 3 m. 25 c.?
34. — M. Isambert critique l’arrêté du préfet de l’Yonne qui, fixant à 3 m. 25 c. la largeur du marchepied, donne, dit-il, une extension illégale à l’article 7, chap. 17, de l’ordonnance de 1672, qui fixe à 4 pieds ( 1 m. 30 c. ) seulement le marchepied réservé pour les flotteurs .
A la vérité, M. Isambert s’est mépris: il a pensé, ou que l’ordonnance de 1672 contenait, quant à ce, explication de l’ordonnance de 1669, ou bien il a confondu les deux espèces. Dans l’ordonnance de 1672, il s’agit seulement du flottage à bûches perdues. Malgré cela, son opinion doit compter pour quelque chose dans la difficulté que présente l’application de l’ordonnance de 1669, sur le point de savoir si le marchepied doit, dans tous les cas, être de largeur de 3 m. 25 c.; s’il ne vaudrait pas mieux le réduire à une largeur moindre.
35. — C’est la seule difficulté que l’on puisse raisonnablement soulever. Celle relative à la largeur de 7 m. 80 c. remettrait en question un point décidé en fait par une longue et constante expérience, et en droit, par l’opinion des auteurs et de la doctrine de la jurisprudence.
36. — J’ai visé une ordonnance rendue en conseil d’état du 24 juillet 1845, rapportée par Sirey, dans le premier cahier de l’année 1846, 2, p. 44. J’ai dû la placer ici.
Le conseil de préfecture du Nord, par arrêt du 23 octobre 1843, avait renvoyé quatorze propriétaires riverains de la Scarpe, des fins de procès-verbaux dressés contre eux pour plantations faites sur les bords de cette rivière, par ces motifs que le terrain sur lequel ces plantations avaient été faites, était toujours resté dans la pleine possession et jouissance des prévenus; que, si les plantations ne se trouvaient plus à la distance prescrite par les règlements relatifs aux chemins de halage, ce fait ne devrait être attribué qu’à l’envahissement des eaux, dont les riverains ne pouvaient être responsables, et que c’est celui à qui est due la servitude, et non celui qui la subit qui doit veiller à sa conservation.
Pourvoi contre cet arrêté de la part du ministre des travaux publics.
«Louis-Philippe, etc. — Vu l’ordonnance de 1669, le décret
» du 22 janvier 1808, l’arrêté réglementaire du 6 prairial an 11,
» la loi du 29 floréal an 10; — considérant qu’aux termes de
» l’art. 7, tit. 28 de l’ordonnance de 1669, les propriétaires des
» héritages aboutissant aux rivières navigables doivent laisser le
» long des bords un certain espace pour chemin de halage et
» trait de chevaux, et qu’ils doivent toujours ce chemin, soit qu’ils
» aient profité d’une alluvion, soit que l’action des eaux ait enlevé
» une portion des rives. — Considérant que, par arrêté du
» 6 prairial an 11, la largeur du chemin de halage le long de la
» Scarpe avait été fixée à 7 mètres, comptés à partir de l’arête
» intérieure des digues de cette rivière; qu’il était constaté, par
» les procès-verbaux de contravention des 22 et 28 décembre
» 1842; que des arbres et des haies, appartenant aux sieurs Smetz
» et consorts, se trouvaient à moins de 7 mètres de ladite arête,
» et que, dès-lors, le conseil de préfecture aurait dû en ordonner
» l’enlèvement; mais que le fait d’avoir planté lesdits arbres
» et lesdites haies remontant à une époque antérieure de plus
» d’une année à la constatation de la contravention, l’action publique,
» à l’égard de l’amende encourue par les contrevenants,
» était prescrite. — Art. 1er. L’arrêté du conseil de préfecture du
» Nord, en date du23 octobre 1843, est annulé dans la disposition
» qui renvoie les sieurs Smetz et consorts des fins des procès-verbaux
» dressés contre eux les 22 et 25 décembre 1842. — Art. 2.
» Les sieurs Smetz et consorts devront, dans le mois qui suivra
» la notification de la présente ordonnance, enlever les arbres et
» les haies signalés auxdits procès-verbaux, dans ladite limite de
» 7 mètres, comptés à partir de l’arête intérieure de la Scarpe,
» faute de quoi il y sera pourvu à leurs frais.»
Cette ordonnance est en tous points conforme à la doctrine que je viens d’établir.