Читать книгу Traité des cours d'eau navigables ou flottables - Benoît Ratier - Страница 16
2e EXEMPLE.
Оглавление160. — Une rigole, un fossé ou canal est pratiqué et entretenu de main d’homme dans le fonds supérieur, afin de faciliter, sans déperdition, le cours des eaux de la source jusque dans le fonds inférieur, où le propriétaire les utilise, soit pour objet d’agrément, soit pour objet d’intérêt réel.
Dans ce second exemple, l’état des lieux ne prouve par lui-même ni pour ni contre personne.
161. — Mais si, dans la contestation, le propriétaire du fonds supérieur avoue que les ouvrages sur son fonds ont été pratiqués par sa partie adverse, qui n’a cessé de les entretenir depuis plus de trente ans, ou que celle-ci prouve ces faits, il serait difficile de ne pas se déterminer en sa faveur.
Les conditions de la loi sont remplies:
1° Les ouvrages sont apparents;
2° Ils sont placés sur le fonds supérieur;
3° Et il est reconnu que le propriétaire du fonds inférieur en est l’auteur.
162. — Il y aurait méprise de penser que les ouvrages dont parle la loi doivent se composer de matériaux proprement dits, placés sur le fonds supérieur et avec lequel ils s’incorporeraient. Par là, on excluerait les rigoles, fossés ou canaux, en n’admettant que des constructions en maçonnerie ou des ouvrages au moyen de pieux et de branchages propres à empêcher l’éboulement des berges, des rigoles, fossés ou canaux, pratiqués sur le fonds supérieur. Il me paraît évident qu’en le décidant ainsi, ce serait multiplier les exigences de la loi et s’ériger en législateur.
Les ouvrages d’art sont peu pratiqués dans les champs pour faciliter l’écoulement des eaux. Les simples tranchées, rigoles, fossés ou canaux ont le double avantage de n’occasionner qu’une très-faible dépense et de suffire aux besoins de l’agriculture.
163. — Je dois encore observer que, lorsque les ouvrages existent depuis un temps immémorial et qu’il en résulte l’impossibilité de découvrir qui en a été l’auteur, dans cette position il y a nécessité d’admettre que le possesseur actuel qui possède réellement, depuis plus de trente ans, par des actes qu’on ne peut attribuer à la simple tolérance, est l’auteur des ouvrages, ou par lui, ou par les précédents propriétaires qu’il représente; d’ailleurs il est facile de remarquer, qu’en parlant d’ouvrages apparents, le législateur a seulement entendu fixer par là le point de départ de la possession efficace du propriétaire du fonds inférieur sur les eaux de la source. Le fait de l’existence des ouvrages apparents est une condition rigoureuse, seulement quant à cette possession; mais ce serait aller beaucoup trop loin que de prétendre que la loi exige, en outre et avec la même rigueur, que le propriétaire du fonds inférieur prouve, sous peine de déchéance, qu’il est l’auteur des ouvrages, ou par lui, ou par les précédents propriétaires. Il y aurait souvent impossibilité de fournir cette preuve, et cela n’arriverait que sur le motif de l’existence des ouvrages depuis un temps immémorial.
Quel serait le sens moral d’une pareille loi à côté du principe en droit que, plus la possession est ancienne, plus elle inspire du respect? Il ne faut donc pas argumenter de cette ancienneté contre le possesseur, si l’ou ne veut s’exposer au ridicule d’un paradoxe.
La possession est l’image de la propriété, et lorsqu’elle est continuée pendant le temps nécessaire pour prescrire, elle tient lieu de titre (art. 2230 et 2262 du Code civil).
Ainsi le propriétaire du fonds inférieur aura utilisé les eaux de la source pendant plus de trente années, et les ouvrages apparents sur le fonds supérieur n’auront été établis ou ne seront devenus tels que depuis vingt-neuf ans; dans ce cas, il sera sans droit pour se faire maintenir dans cette jouissance, les trente années ne seront point révolues.
Au contraire, les ouvrages apparents existent depuis un temps immémorial, et le propriétaire du fonds inférieur jouit des eaux de la source depuis trente années sans interruption: le point efficace de sa jouissance n’étant pas équivoque, il y sera maintenu, malgré qu’il ne puisse prouver qu’il est l’auteur des ouvrages par lui ou par ceux qu’il représente.
On doit du reste considérer que celui qui a le plus d’intérêt dans l’établissement d’un ouvrage matériel, en est facilement présumé l’auteur; et il faut convenir qu’entre les deux parties, il y a, dans l’espèce, d’un côté, un intérêt pressant, tandis que, du côté du propriétaire de la source, il est presque imperceptible: celui-ci n’a qu’à chercher à se débarrasser des eaux de la source après s’en être servi à son gré dans l’intérieur de son champ, chose facile; tandis que l’autre, n’ayant ni plus ni moins que la même charge, acquiert, par les eaux de la source, l’avantage de fertiliser son champ ou de faire des établissements plus ou moins considérables selon le volume plus ou moins fort des eaux qui en découlent.