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5e EXEMPLE.

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166. — Il en serait autrement, si le propriétaire du fonds inférieur prouvait, ou qu’il est l’auteur de l’aqueduc, ou qu’il l’entretient depuis plus de trente ans, ou que, par son assiette, l’aqueduc prouve matériellement par lui-même qu’il n’a été fait que dans l’intérêt du fonds inférieur.

En effet, la réalité d’une de ces trois suppositions, jointe à la jouissance des eaux de la source pendant trente années, ne laisse aucun doute sur l’établissement de la servitude, en conformité des principes posés dans le 2e exemple.

C’est ainsi, dans le cas où l’aqueduc, au lieu d’être placé directement et sur une ligne en pente tirant vers le fonds inférieur, décrit une courbe ou une diagonale, ou toute autre ligne irrégulière, afin d’arrêter la pente naturelle des eaux pour les conduire à un point élevé du fonds inférieur.

La cour de cassation a adopté cette opinion, par arrêt du 12 avril 1830, rapporté par M. Daviel, n° 772.

Voici les termes de l’arrêt: «La cour, attendu, au fonds, qu’il

» résulte de l’arrêt et des procès-verbaux y énoncés: 1° que la

» veuve Marty profite des eaux dont il s’agit, pour l’irrigation de

» son pré, au moyen d’un canal souterrain fait de main d’homme

» dans le champ de Niocel, pour en faciliter la chute et le cours

» dans ledit pré ; 2° que ce canal est apparent à l’extérieur, à

» l’entrée de ce pré ; 3° qu’il n’a pu être construit que dans

» l’objet de ramener et introduire les eaux dans ce pré pour son

» irrigation; attendu, d’ailleurs, qu’elle a, par elle et par ses auteurs,

» la possession immémoriale, sans que ce fait ait été contredit;

» attendu enfin que, d’après ces faits, en maintenant

» définitivement la veuve Marty dans le droit et la possession de

» la prise d’eau dont il s’agit, l’arrêt, loin de violer les art. 641

» et 642 du Code civil, en a fait une juste application; rejette.»

167. — Jusqu’ici, en me déterminant en faveur du propriétaire du fonds inférieur, je l’ai laissé isolément entre la difficulté et les preuves nécessaires pour la vaincre, sans lui opposer la moindre entrave venant du chef de sa partie adverse qui, par les preuves de ses propres faits ou de l’avantage qu’elle-même tirerait des ouvrages établis, pourrait dans certains cas rendre sans effet les preuves fournies par le propriétaire du fonds inférieur.

Cela aura lieu toutes les fois que le propriétaire de la source prouvera qu’il a aussi possédé les ouvrages; or les faits respectifs de possession étant ainsi croisés, s’élève le doute de savoir par qui les ouvrages ont été faits. La présomption en faveur du propriétaire du fonds inférieur, lorsqu’il possède exclusivement, tombe à côté de cette considération; et alors reparaissent, dans toute leur énergie, les dispositions des art. 553 et 642 du Code civil .

Cela aura encore lieu, si le propriétaire du fonds supérieur prouve qu’il est l’auteur des ouvrages, malgré qu’il ne puisse alléguer le moindre acte de possession.

Règle générale: la possession trentenaire est suffisante pour acquérir toute espèce de droit réel, et il semble au premier aperçu que la servitude dont je m’occupe devrait y être soumise sans considérer les faits antérieurs. Elle constitue en effet un droit réel; mais attendu qu’une disposition législative spéciale la place, quant à ce, en dehors de la règle commune, il y a obligation de faire subir, au prétendant droit à la servitude, la rigueur de la condition.

168. — Si la possession trentenaire a le double avantage, comme je le prétends, d’être efficace et de remplacer la preuve que le propriétaire du fonds inférieur est l’auteur des ouvrages apparents existants depuis un temps immémorial, cela ne peut avoir lieu que tout autant que le propriétaire du fonds supérieur ne peut prouver qu’il est lui-même l’auteur des ouvrages; car, s’il le prouve, il n’y a plus de présomption en faveur de sa partie adverse dont la possession, qu’elle qu’ait été sa durée, ne peut être dans ce cas qu’une possession précaire, de tolérance, et conséquemment insuffisante pour servir de moyen propre à acquérir un droit.

La différence entre la règle générale et la règle spéciale repose sur l’obligation à la charge du propriétaire du fonds inférieur de prouver qu’il est l’auteur des ouvrages, ou de remplacer cette preuve par une possession efficace, et il y aurait contradiction manifeste si, en présence du titre ou du fait avéré ou prouvé que le propriétaire du fonds supérieur est l’auteur des ouvrages, on faisait prévaloir la possession du propriétaire du fonds inférieur.

Pour en finir sur cette question, j’ajouterai qu’elle est au nombre de celles livrées en grande partie à l’arbitrage des tribunaux. Il se présentera peu de cas où l’on ne soit obligé de consulter non-seulement l’état des lieux, mais encore les circonstances relatives aux réparations d’entretien des ouvrages, à leur utilité et à l’intérêt plus ou moins grand qu’ils peuvent offrir aux parties respectivement. L’appréciation des faits conduira ordinairement à une solution définitive, et malgré que l’art. 645 du Code civil semble étranger aux eaux d’une source, ses dispositions, pleines de sagesse, ne doivent pas moins exercer quelque influence dans les cas s’y rapportant.

Traité des cours d'eau navigables ou flottables

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